Radio Tartu et le Dendrobate Doctor

 Aujourd'hui, c'est dimanche. Vous êtes donc bien sur Radio Tartu, je suis le Dendrobate Doctor et nous sommes ensemble pour faire l'état de la recherche sur l'épidémie de Covid-19 et le reste.

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Bienvenue à tous sur l'Echo des Labos.

  


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FAKE DE LA SEMAINE


Entre le Covid et les âneries d’Arte, je pense qu’il est temps que vous et moi on revoit les bases de la vaccination. Et ça tombe bien parce que le Fake de la semaine va nous en donner l’occasion. Car au vu de la tronche des nouvelles courbes depuis novembre, il a beaucoup circulé dans les sphères vaccinosceptiques que les contaminations étaient la preuve que le vaccin ne marchait pas. Alors, ça peut, si on sait pas comment marche un vaccin.


Car des vaccins, il en existe de plusieurs types, selon leur mécanisme mais aussi selon leur objectif. Tout d’abord, l’historique, le vaccin post-exposition. C’est un vaccin qui a la particularité de pouvoir permettre au système immunitaire de se défendre alors que l’attaque est déjà lancée. Il est rarement utilisé préventivement sauf quand le risque d’exposition (par exemple par la profession) est grand. C’est typiquement le cas du vaccin contre la rage. Il y a ensuite celui qui laisse passer le pathogène mais qui protège d’un composant qu’il produit. Si vous êtes vacciné contre la diphtérie et que vous chopez le bacille, vous aurez quand même une angine, juste, elle n’évoluera pas en diphtérie car vous serez protégé de la toxine que la bactérie produit. C’est le cas des vaccins qui ciblent des maladies à toxines, comme l’est aussi le tétanos. Il y a ensuite des vaccins conçus pour empêcher de contracter la maladie, sous quelque forme que ce soit, parce que l’idée est de tomber purement et simplement sur la tronche du virus avant qu’il puisse faire quoi que ce soit. C’est le cas des maladies très stables dans le temps, comme la rougeole ou les oreillons. Il y a ensuite des vaccins qui ne ciblent pas une maladie en particulier mais un pathogène qui peut compliquer d’autres maladies. Ils visent donc, non pas à avoir moins de malades d’une maladie, mais à avoir moins de complications de plusieurs maladies. C’est le cas du vaccin contre le pneumocoque, une bactérie responsable de surinfections dans les bronchites ou les grippes. Il y a enfin des vaccins qui préparent l’organisme face à des pathogènes très changeants, le but étant là, non pas d’empêcher les gens de tomber malades, mais de permettre une réaction rapide de l’immunité acquise pour éviter les formes graves. C’est le cas du vaccin contre la grippe, et, donc, de celui contre le Covid.


Du coup, comment qu’on va évaluer si que notre vaccin Covid y marche, dis-moi ? Et bien on va regarder trois chiffres : le nombre de malades, le nombre de malades préoccupants et le nombre de malades graves. Avec un vaccin de ce type, il faut que le ratio du nombre de malades préoccupants et graves soit très faible par rapport au nombre de malades tout court, et ce, peu importe ce nombre. A l’heure actuelle, la France tourne entre 20.000 et 25.000 cas par jour. Bien sûr, ça ne compte que ceux qui sont testés, mais on va partir du principe qu’on s’en fout, parce que ceux qui sont pas testés, par définition ils ne vont pas si mal, donc ça va nous donner l’efficacité minimum de notre vaccin, et on peut penser qu’en vrai, il marche encore mieux que ça. A l’heure actuelle, on a à peu près 7.500 hospitalisés, dont 1.500 aux soins intensifs. Si on compare aux chiffres de novembre 2020, où le nombre de cas était à peu près similaires mais où il n’y avait pas de vaccin, on trouve à l’époque à peu près 25.000 hospitalisés dont à peu près 5.000 aux soins intensifs (les chiffres sont disponibles dans les archives des bulletins épidémiologiques de Santé Publique France). Bon, c’est déjà pas mal. Mais on peut aller un peu plus loin en regardant les malades par statut vaccinal. Et là, on observe un truc intéressant. En ce moment, on estime que, pour chaque vacciné hospitalisé, on hospitalise plus de 6 non-vaccinés (en vrai on en hospitalise 6 et un tiers, mais si t’as juste un tiers de mec, peut-être que le Covid est pas son premier problème). Donc, si on se souvient de comment marche ce vaccin et de ce qu’est son but, à savoir réduire les formes graves, alors il n'y a pas de doute que ça marche. Mais ça marche pour ce qu’on lui demande quoi, c’est sûr que si vous attendez de votre cafetière qu’elle produise aussi des glaçons, y a pas grand-chose qui doit marcher dans votre vie.

  


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DECOUVERTE DE LA SEMAINE


Alors, j’ai pas de grande découverte cette semaine, donc je vais vous parler de celle qui m’a fait le plus marrer dans ma discipline : on sait pourquoi les lémuriens font des câlins aux arbres.


Déjà, rien que ça, c’est génial, parce que ça veut dire que 1- il y a une espèce de lémuriens (les sifakas de Verreaux, plus précisément) qui fait des câlins aux arbres 2- ils leur font tellement de câlins (alors que enserrer les troncs comme ça les expose à la prédation, c’est débile en apparence comme comportement) que ça a attiré l’attention des chercheurs (non mais on nous attire avec n’importe quoi aussi, en vrai on est la cible parfaite pour des pixies, tu nous montres n’importe quoi de chelou dans une forêt, on suit…) 3- y a des chercheurs qui ont réussi à obtenir des crédits pour savoir pourquoi les lémuriens font des câlins aux arbres. C’est beau.


Et en vrai, c’est pour réguler leur température. Comme ils vivent à Madagascar, dès qu’il fait plus de 30C°, c’est compliqué pour eux, mais les troncs des arbres sont toujours en moyenne 3 à 5 degrés plus frais que l’air, donc en collant leur ventre dessus ça leur fait du bien. Voilà c’est tout. Mais y a une vraie publi là-dessus !

Source : C. Chen-Kraus et al., International Journal of Primatology, 12 septembre 2022.

  


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PISTE DE LA SEMAINE


*Prééclampsie : un espoir de traitement se dessine pour cette complication de la grossesse, seconde cause de décès maternel en France et qui coûte chaque année 50.000 vies dans le monde. Une équipe de l’Inserm a pu montrer sur des souris qu’une enzyme pouvait rééquilibrer le monoxyde d’azote, dont la production est altérée en cas de prééclampsie, causant des problèmes d’irrigation du placenta. L’équipe espère pouvoir lancer des tests chez l’humain, afin de proposer enfin un traitement efficace.

Source : L. Chatre et al., Redox Biology, 2022.

  


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IMPASSE DE LA SEMAINE


*Pénurie : les pénuries de médicaments se font malheureusement de plus en plus régulières en Europe. Comme d’habitude les causes sont multiples (délocalisation des chaînes de production, capacité jamais revenue à son niveau avant-Covid, tension sur les matières premières, surconsommation de médicaments etc.) mais cette fois-ci la pénurie touche un produit particulièrement sensible, puisqu’il s’agit de l’amoxicilline, le premier antibiotique prescrit en France. Plus particulièrement, ce sont les formulations pour enfants qui sont touchées. Les pharmaciens ont reçu des consignes pour ne délivrer que ce qui est nécessaire (alors inutile d’aller faire des stocks en panique, je vous vois !) afin de ne pas tomber en rupture partout.

Source : ANSM

  


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MAUVAISE NOUVELLE DE LA SEMAINE


*Surpopulation : nous sommes officiellement 8 milliards d’Homo sapiens sur Terre depuis cette semaine. Pour des gars qui devaient tous être morts et/ou stérilisés par un vaccin dépeuplant, je trouve qu’on est quand même encore un peu pas mal vachement beaucoup trop…

  


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BONNE NOUVELLE DE LA SEMAINE


*Arnaque conspirationniste : mes biens chers abonnés, pardonnez-moi car j’ai péché. Oui j’ai péché car, en plus de piquer éhontément à Julien d’Entracte Science son intro de Débunkage et Pénitence (à aller voir ici, c’est hilarant et désespérant à la fois https://www.youtube.com/playlist?list=PL06SW8j_fgXGl5K11pwfNfrvBJrGUMrEF), j’ai encore ri du malheur d’autrui alors que je passe mon temps à dire qu’il faut pas le faire. Il faut pas le faire mais y en a qui méritent, écoutez. Vous souvenez vous de Simone Gold ? Sinon, vous pouvez fouiller dans les archives de la page. L’association America’s Frontline Doctors, dont je vous avais parlé au sujet du juteux business qu’ils se faisaient en prescrivant à tours de bras et n’importe comment hydroxychloroquine et ivermectine aux USA, est en train de se retourner contre sa fondatrice, le docteur Simone Gold. Alors, je vous rassure, ce n’est pas parce qu’elle a été condamnée pour participation à une tentative de coup d’état lors de l’assaut du Capitole. Non, ça, ça leur posait pas de problème. Non, ce qui pose problème c’est que, une fois sortie de prison, au lieu de se servir de tout l’argent accumulé par l’association pour aider les pauvres malades victimes de la censure des reptiliens de l’état profond, elle s’est tout simplement…barrée avec la caisse (ne pas faire la blague de en voiture Simone, ne pas faire la blague de…) ! Une caisse à 10 millions de dollars tout de même. Est-ce que quelqu’un est surpris ?

  


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« QU’EST-CE QUE PUTAIN DE QUOI ? »


Je sais que je vais me répéter à nouveau dans cette rubrique, mais est-ce qu’on peut laisser les morts être morts tranquilles, s’il vous plait merci ?

Il va être, à nouveau, question de la récupération sordide d’un décès par la sphère antivax. Cette fois les faits ont eu lieu au Brésil où Santino Blanco, qui avait posé pour une affiche de campagne vaccinale débutée le 1er octobre, est décédé dans la nuit du 3 au 4 novembre. Et sa famille attaque les médecins.

Il n’en fallait pas plus pour que la sphère des sans-dignité se mettent à crier que c’est bien la preuve que le vaccin contre le Covid tue, puisqu’on voit ce qui arrive à ceux qui l’acceptent, certains allant même jusqu’à dire que Santino n’a eu que ce qu’il méritait puisqu’il en faisait la promotion. Santino avait 4 ans. Santino n’était pas éligible au vaccin contre le Covid et participait à une campagne contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la polio. Les parents de Santino portent plainte contre les médecins car ils lui ont diagnostiqué, à tort, une laryngite et l’ont renvoyé chez lui alors que le petit garçon souffrait en fait d’une grave infection pulmonaire bilatérale. Il n’a été correctement diagnostiqué et pris en charge qu’à la troisième visite et il était alors trop tard.

Et, alors que la famille a demandé à faire retirer les affiches de la campagne parce que voir le visage de leur petit garçon partout est trop dur pour elle, ce serait bien d’arrêter de relayer partout ces mêmes affiches pour raconter n’importe quoi. Il y a des gens qui sont nés avant la honte.

  


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POINT METHODE DE LA SEMAINE : l’ère de la post-vérité


Comme vous le savez, nous travaillons actuellement sur le débunk de « Des vaccins et des hommes » et c’est un boulot colossal. Pour vous donner une idée, aux alentours de 25m15’, Geneviève Barbier-Farrachi (qui dit qu’elle a fait épidémio et santé publique, mais à part un diplôme d’ostéopathe, on trouve rien…) dit une grosse connerie qui prend 5 secondes. Vraiment ça doit pas durer plus que ça. Bon, ça m’a pris une heure, deux pages de rédaction et une dizaine de références pour démontrer pourquoi c’est une grosse connerie. Voilà, ça vous donne une idée.


Certains diront, comme l’a dit d’ailleurs la réalisatrice, que quand même, il faut pas verrouiller le débat et que dans la science, on doit pouvoir entendre les points de vue. Non. En science, on entend les preuves, et avec on forge un point de vue. Une opinion en science, c’est sans valeur et ça ne peut pas, et ne doit pas, faire partie d’un quelconque débat. On débat des faits, et c’est tout. Mais cette rengaine que nous sort la réalisatrice est devenue très fréquente ces temps-ci : l’avis de chacun a autant de valeur, il faudrait respecter toutes les opinions, qu’il n’y a pas qu’une seule vérité et autres idées du même tonneau.


Donc, comme aujourd’hui j’ai la flemme, parce que la semaine a été longue, je vais vous laisser avec quelqu’un de plus spécialiste que moi sur le sujet, pour vous brosser un portrait de l’ère actuelle de la post-vérité : https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/twitter/vrai-ou-fake-grand-entretien-comment-la-post-verite-a-t-elle-gagne-une-place-si-importante-dans-notre-quotidien_5469222.html


  

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En espérant avoir pu apporter un peu de lumière dans le chaos ambiant, je rends l'antenne, et on y retourne la semaine prochaine, car l'épidémie ne se termine pas avec les premières averses de neige (oui, ici, ça commence à sentir Noël). En attendant, prenez soin de vous et des chercheurs qui bossent dur, et, autant que possible, restez chez vous. Bisous.


Illustration : Chappate

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