Agnès Pannier-Runacher


 Paradis fiscaux

 


A l’Assemblée, la ministre Agnès Pannier-Runacher interpellée sur le patrimoine de ses enfants

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Des informations du site d’investigation «Disclose» ont révélé ce mardi que les enfants de la ministre de la Transition énergétique sont associés à une société liée à un pétrolier et pratiquant l’optimisation fiscale. La Nupes a interpellé la ministre lors des questions au gouvernement.
par Victor Boiteau
publié le 8 novembre 2022 à 18h08

Sommée de s’expliquer dans le chaudron du Palais-Bourbon. Quelques heures après les révélations du média d’investigation Disclose, ce mardi, selon lesquelles les enfants de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, sont les associés d’une société liée à l’industrie pétrolière et en partie montée sur des fonds établis dans des paradis fiscaux, l’intéressée a été contrainte de contre-attaquer.

Lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, Pannier-Runacher a réfuté tout manquement en répondant aux interpellations venues des bancs de la Nupes. Devant les députés, la ministre a dénoncé des «allégations fausses et calomnieuses» concernant sa famille. Selon Disclose, les enfants de la ministre disposent d’un patrimoine transmis par leur grand-père (et père de la ministre), Jean-Michel Runacher, ex-dirigeant de la société pétrolière Perenco. Celui-ci a transmis en 2016, via une société nommée Arjunem, une partie de son patrimoine à ses petits-enfants.

«Je n’ai aucun lien avec la société Perenco»

«En 2016, mon père a souhaité préparer sa succession par une transmission directe à ses petits-enfants, a expliqué la ministre dans l’hémicycle. Cette transmission a eu lieu par le biais d’une entreprise française, soumise à la fiscalité française, par acte notarié établi à Paris et dans le plein respect des dispositions applicables par la loi française. Il n’y a donc rien de dissimulé, rien de caché.» Selon Disclose, le patrimoine de Jean-Michel Runacher provient de fonds spéculatifs installés dans des paradis fiscaux comme le Delaware, l’Irlande et l’île de Guernesey, et dans lesquels Perenco détenait également des investissements. Dans sa déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Pannier-Runacher n’a pas mentionné la société Arjunem.

«Je ne bénéficie pas et ne bénéficierai jamais de ses fonds, n’ayant aucun droit présent ou futur sur cette société», s’est justifiée la ministre, assurant que le «sujet n’a pas de lien avec [sa] fonction». La loi l’oblige en effet à déclarer ses participations directes et celles de son conjoint, mais pas celles de ses enfants. «Je n’ai aucun lien avec la société Perenco, a-t-elle ainsi déclaré. C’est une société étrangère qui exerce ses activités pétrolières hors de France. Je n’ai donc pas eu dans le cadre de mes fonctions de ministre à connaître d’activité de ce groupe.»

«Une affaire Cahuzac 2.0»

La réponse de la ministre de la Transition énergétique n’a pas convaincu les parlementaires. «Votre position exigera davantage d’explications que celles que vous venez de nous fournir», lui a répondu le socialiste Arthur Delaporte. Son collègue Aurélien Saintoul (LFI) l’a accusé de son côté de mensonge «par omission»«Votre ministre de la Transition énergétique coche toutes les cases du bingo de l’oligarchie, a tonné l’élu des Hauts-de-Seine. Fraude fiscale, népotisme, dissimulation et conflit d’intérêts avec les industries les plus polluantes.» Selon lui, la ministre «savait manifestement que c’était incompatible avec ses fonctions».

Prenant une nouvelle fois la parole, Pannier-Runacher a assuré que la société Arjunem «paie ses impôts en France». «Mes enfants ne sont en aucune façon actionnaires directement ou indirectement d’une société pétrolière qui serait Perenco», a-t-elle complété. Alors qu’une troisième interpellation visait Elisabeth Borne et la confiance accordée en sa ministre, la Première ministre a assuré que son «rôle n’est pas de commenter des articles de presse»«Nous ne sommes pas dans un tribunal», a lancé la cheffe du gouvernement en réponse à la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, sans répondre sur le fond des accusations. Plus tôt dans l’après-midi, l’élue de l’Isère avait comparé les révélations de Disclose à «une affaire Cahuzac 2.0», en référence à la fraude fiscale pour laquelle l’ancien ministre du Budget socialiste a été condamné. Pour la députée LR des Alpes-Maritimes Michèle Tabarot, l’impression est la même : «On a le sentiment très fort qu’elle a souhaité faire avec son père et ses enfants de l’optimisation fiscale.» De son côté, la majorité présidentielle s’est faite discrète. Lors d’une conférence de presse, le président du groupe Modem, Jean-Paul Mattei, a appelé à la «sagesse» et la «prudence». Et l’élu des Pyrénées-Atlantiques d’ajouter : «Chacun prendra ses responsabilités.»


RAMENEZ LE CONFLIT À LA MAISON • Grosse escadrille en ce moment au-dessus d'Agnès Pannier-Runacher. Après les révélations de Disclose hier sur l'apparent conflit d'intérêts de la ministre de la Transition écologique, liée indirectement au n°2 du pétrole en France, Politico en remet une couche ce matin. On apprend ainsi que le propriétaire du logement de Pannier-Runacher n'est autre que la famille Dassault. Le logement, situé dans le centre-ville de Lens, est occupé depuis 2017 par le compagnon de la ministre, l'ancien député PS Nicolas Bays. Pannier-Runacher y a emménagé en 2021, pile au moment où, alors candidate aux régionales dans les Hauts-de-France, elle cherchait un point d'attache plus local que Paris. «Elle n’avait pas connaissance du propriétaire de la maison, sachant seulement que son compagnon acquittait un loyer chaque mois», indique son entourage à Politico. Reste que, durant des mois, la ministre en charge de l'Industrie a eu pour propriétaire un grand industriel français...


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