COUPE DU MONDE 2022

 



Le stade 974 à Doha, l’un des huit à accueillir la Coupe du monde, le 15 novembre 2022.

Régi par une législation directement inspirée de la charia, le Qatar promet depuis des mois des accommodements à ses règles les plus restrictives pendant la Coupe du monde. Si le guide officiel publié par la FIFA à destination des supporteurs ne fait qu’une référence sibylline au respect de la « culture locale », le 1,2 million de visiteurs attendus restera astreint à un régime prohibitif, inédit pour un Mondial, en matière de mœurs, d’alcool ou de tenues vestimentaires.

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Le Qatar, un territoire à l’accès très limité

Les premières restrictions du Mondial s’appliquent avant même de poser un pied dans l’émirat. Qu’ils viennent à l’occasion du Mondial ou non, depuis le 1er novembre et jusqu’au 23 décembre, seuls les visiteurs détenteurs d’un billet pour un match de la Coupe du monde sont autorisés à entrer sur le territoire du Qatar. Pour séjourner plus de vingt-quatre heures, un justificatif d’hébergement est par ailleurs exigé.

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Ces possesseurs de billets peuvent chacun venir accompagnés de trois personnes au maximum, à condition que celles-ci s’acquittent au préalable d’un droit d’entrée individuel de 500 riyals qataris (132 euros), à l’exception des enfants de moins de 12 ans.

A partir du 2 décembre et la fin de la phase de poules de la compétition, un ticket ne sera plus exigé pour entrer au Qatar, mais seulement le versement, pour les plus de 12 ans, de la « carte Hayya » moyennant là aussi 132 euros.

L’alcool, dans des lieux et horaires bien définis

Plusieurs mois avant le début du Mondial, le directeur général de l’événement, Nasser Al-Khater, a déploré les « idées fausses » sur la consommation d’alcool et assuré qu’ils réglementeront son accès « comme n’importe quelle autre Coupe du monde ». La distribution de boissons sera pourtant limitée de manière inédite pendant quatre semaines.

Certes, des litres de bière – et uniquement celle du sponsor de la compétition – couleront. Mais dans des lieux et à des horaires définis. Des stands de vente ouvriront aux abords des stades à partir de trois heures et jusqu’à trente minutes avant le début des rencontres. Ils rouvriront ensuite pendant une heure après le coup de sifflet final.

Dans la principale fan-zone de la FIFA, établie dans la capitale Doha, consommer de l’alcool ne sera par ailleurs possible qu’à partir de 18 h 30 (quand les premiers matchs commenceront à 13 heures, heure locale), « car celle-ci attirera des familles », a précisé M. Al-Khater. « Cette limite de temps n’est pas valable pour les autres fan-zones et les hôtels vendant de l’alcool où ce sera comme d’habitude. »

En dehors de ces fan-zones, les touristes et supporteurs ne pourront se procurer de l’alcool que dans les hôtels et bar possédant une licence. Les magasins spécialisés, réservés habituellement aux résidents étrangers munis d’un permis, leur resteront inaccessibles.

Les droits LGBT, exceptionnellement respectés

Coupe du monde mise à part, le Qatar réprime les droits des personnes LGBT et punit les relations sexuelles entre adultes de même sexe, de même que celles hors mariage, passibles de plusieurs années d’emprisonnement. Mais pendant le Mondial, le pays hôte promet d’accueillir tous les supporteurs « sans discriminations », dixit l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani le 21 septembre.

Par le biais de sa « foire aux questions », le site Internet de la carte de séjour « Hayya » confirme qu’« aucune restriction » ne sera appliquée aux « amis non mariés de sexes différents ou les couples (y compris LGBTQ+) » qui séjourneront dans la même chambre. Officiellement, encore, les drapeaux arc-en-ciel pourront être déployés tout au long du Mondial. Mais plusieurs prises de parole d’officiels font cependant douter de l’ouverture affichée exceptionnellement pendant quatre semaines.

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En avril dernier, le responsable de la sécurité du tournoi, Abdulaziz Abdullah Al-Ansari, a prévenu que les drapeaux arc-en-ciel pourraient être confisqués, afin d’éviter que ceux qui les brandissent ne soient « agressés ». « Si vous souhaitez manifester votre point de vue concernant la cause LGBT, faites-le dans une société où cela sera accepté », a répété le dignitaire, mettant en garde ceux qui voudraient par ce geste « insulter toute une société ». Plus récemment, un ambassadeur du Mondial 2022, Khalid Salman, a qualifié le 8 novembre l’homosexualité de « dommage mental ». « Le plus important, c’est que tout le monde acceptera qu’ils viennent ici, mais ils devront accepter nos règles », a développé l’ancien footballeur international qatari dans un entretien à la chaîne publique allemande ZDF.

Sur son site Internet, l’ambassade du Royaume-Uni préfère prévenir : « La vie privée au Qatar est largement respectée, mais toute intimité entre des personnes en public peut être considérée comme offensante, quels que soient le sexe, l’orientation sexuelle ou l’intention. »

Tenues et autres comportements réglementés

Le guide officiel du supporteur, mis en ligne le 14 novembre, prend soin de ne pas détailler la « culture locale » auquel il fait parfois référence. Le site gouvernemental consacré au tourisme est plus clair sur les comportements qui pourraient valoir sanction des supporteurs contrevenants. La page de conseils aux voyageurs rappelle qu’au Qatar, « comme dans tous les pays du Moyen-Orient, montrer ouvertement de l’affection et de l’intimité en public est mal vu ».

Les conseils en matière vestimentaire sont plus précis encore. Par « respect pour la culture locale », les visiteurs sont invités à ne pas porter des tenues trop légères ; recouvrir les épaules et les genoux, pour les hommes comme pour les femmes, étant clairement « recommandé ».

Autre interdiction : photographier des personnes sans leur autorisation, ainsi que des institutions gouvernementales, militaires et des chantiers. Et ce dans un contexte où le pays est tancé, depuis l’attribution de la compétition, pour les conditions d’accueil et de traitement de ses ouvriers. Sont aussi prohibés le jet d’ordures et les crachats au sol.

Dans un guide consacré à la compétition, l’ambassade de France au Qatar conseille de « garder à l’esprit que les différences culturelles peuvent susciter une interprétation erronée de certains comportements ». Outre le transport d’alcool, le document met en garde contre la détention sur place de produits stupéfiants, de traitements médicaux sans ordonnance, d’objets ou revues à caractère pornographique, ainsi que l’importation de viande de porc. Les contrevenants à ces interdits risqueraient une amende, l’expulsion du Qatar, voire de longues peines de prison, alertent plusieurs ambassades occidentales.

Pour sécuriser l’événement et anticiper les risques de débordements, plusieurs pays, dont la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Turquie, mettent leurs propres forces de l’ordre à disposition du Qatar. Plus de deux cents policiers et gendarmes français, dont certains spécialistes des mouvements hooligans, seront sur place. Côté britannique, une quinzaine d’officiers de liaison encadreront les fans anglais et gallois. « Nous ne serons pas là-bas pour être une police de la morale, nous serons là pour dire : “Vous commencez à attirer un peu l’attention, calmez-vous un peu parce que nous ne voudrions pas que vous soyez confrontés à un autre style de maintien de l’ordre” », a prévenu au début de novembre Mark Roberts, chef de la police du Cheshire.

Le Monde

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