Couleurs de l'incendie

 

classicisme humble mais ample

La suite d’“Au revoir là-haut”, ou la vengeance d’une déclassée : du bon spectacle populaire à l’ancienne.

On ne jouera pas, ici, au petit jeu des comparaisons avec le baroque Au revoir là-hautd’Albert Dupontel : il tournerait en défaveur de cette « suite », cette fois scénarisée à cent pour cent par Pierre Lemaître, et à laquelle Clovis Cornillac offre une mise en scène d’un classicisme humble mais ample. On ressent, d’emblée, son plaisir à coller à la forme feuilletonesque de cette histoire d’une femme rompue qui se relève, Madeleine Péricourt, fille de Marcel et sœur d’Édouard, la gueule cassée d’Au revoir là-haut.

Le film s’ouvre en grandes pompes funèbres sur le cercueil de Marcel, et le saut dans le vide d’un enfant. Nous sommes en 1929 : Madeleine, devenue héritière de la banque familiale, va, rapidement, tout perdre à cause de la cupidité et de la perversion des hommes. La vengeance de cette fière déclassée se fera de plus en plus incendiaire avec l’aide de personnages secondaires, tous défavorisés par la vie ou la société, et que le réalisateur se plaît à anoblir à chaque séquence, douce ou burlesque : une géniale nounou qui ne parle pas un mot de français, une cantatrice au cœur fragile mais vaillant face à la peste brune qui monte, et l’ancien chauffeur de Madeleine qui a été le témoin écœuré de sa chute. Clovis Cornillac s’est donné le rôle de cet homme du peuple, manière Jean Gabin des années 30. Le couple qu’il finit par former avec Léa Drucker, magnifique colonne vertébrale, orgueilleuse et frémissante, du film, se détache du casting d’ensemble, où chacun s’amuse de sa partition un peu théâtrale et délicieusement datée : Fanny Ardant en diva, Olivier Gourmet en député ridicule façon vaudeville, Benoît Poelvoorde en traître à la Jules Berry et la délicate Alice Izaac en mode Viviane Romance. À la manière, justement, du cinéma français d’avant guerre attaché aux acteurs, aux décors et aux costumes, cette célébration du courage féminin et des petites gens n’a d’autre ambition que d’être un parfait spectacle populaire, et c’est cela, justement, qui est si plaisant.

Synopsis

Lorsqu'une femme hérite de l'immense fortune de son défunt père, les vrais problèmes commencent. Elle doit faire face à toutes sortes d'obstacles.

Couleurs de l'incendie - À voir

Historique de Clovis Cornillac, 2h16

Couleurs de l'incendie débute par un double drame qui mêle à la fois une chute et un envol. Paris, 1929. Alors que Madeleine Péricourt (Léa Drucker, impériale) assiste aux funérailles de son père, son jeune fils s'élance soudain du balcon de la luxueuse demeure parisienne et s'écrase sur le cercueil de son grand-père. Devant un parterre d'invités nantis rassemblés dans la cour de cet hôtel particulier parisien, le terrifiant vol plané de cet Icare désespéré précipite le destin de l'héritière légitime de l'empire Péricourt. Très ancré dans la tradition du roman français, Pierre Lemaître orchestre ici avec Clovis Cornillac l'adaptation de son propre ouvrage pour en tirer un scénario à l'atmosphère balzacienne. Clovis Cornillac, dont c'est le quatrième film, réussit son pari. Il s'empare des ressorts dramatiques de cette fresque romanesque où l'ambition démesurée le dispute à la convoitise ou aux trahisons vénales, pour en tirer un polar vengeur à la mise en scène ample et soignée. Le tout soutenu par une galerie de portraits contrastée, où même les personnages secondaires ne manquent pas d'épaisseur, à commencer par Fanny Ardant, qui brille de mille feux en cantatrice vieillissante avide de réussite et de reconnaissance. O.D.

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