Coupe du monde 2022 : alcool, tenues et comportements… les règles strictes qui attendent les supporteurs de foot au QatarMalgré les promesses d’ouverture des organisateurs, du 20 novembre au 18 décembre, les visiteurs seront astreints à un régime prohibitif inédit pour un Mondial. Coupe du monde au Qatar : pourquoi les diffuseurs font (un peu) profil bas Richard Sénéjoux |
La Coupe du monde est le plus grand aspirateur d’audience des chaînes de télé. Tous les quatre ans depuis 1970, peu après l’apparition de la couleur, des milliards de téléspectateurs du monde entier se collent devant leur poste pour suivre les exploits de leur équipe nationale, mais aussi des autres. Les droits de retransmission se comptent en milliards d’euros (2,6 au total en 2022) pour la Fifa, et les chaînes mettent systématiquement un point d’honneur à valoriser au mieux leur onéreux achat, histoire de faire le plein de téléspectateurs, et donc de recettes publicitaires pour les antennes en clair, ou d’abonnés pour les payantes. Mais ça, c’était avant la Coupe du monde au Qatar. Sujet à controverses (soupçons de corruption, conditions de travail et d’hébergement indignes des ouvriers, aberration écologique…), ce premier Mondial organisé au Moyen-Orient (du 20 novembre au 18 décembre) a l’art d’aiguiser les mauvaises consciences, plusieurs organisations et personnalités ayant même appelé à son boycott pur et simple. Lire la suite |
le Mondial, moquette des droits fondamentaux
pétition « Qatar 2022 : les droits humains ne doivent pas être hors-jeu ! »
NERF DE LA GUERRE • Au-delà des appels au boycott, que faire politiquement pour protester contre la catastrophe humaine et environnementale que représente la Coupe du monde au Qatar ? Certains élus durcissent le jeu. Comme le rapporte So Foot, 120 parlementaires français de tous bords (sauf RN) demandent à la FIFA «de mettre en place, dans les meilleurs délais, un fonds minimal de 440 millions de dollars, afin de pouvoir indemniser tous les travailleurs, ou leurs familles, qui ont participé à la préparation [du Mondial] et dont les droits fondamentaux ont été bafoués». Une manière de mettre l’institution face aux morts de milliers d’ouvriers réduits en esclavage dans les camps de travail de Doha. La somme de 440 M€ est identique «aux dotations sportives promises par la FIFA aux 32 sélections présentes au Qatar».
Pas de fan zones ni d’écran géant à Paris pour la Coupe du monde au Qatar.
Plusieurs villes comme Reims, Lille, Strasbourg, Bordeaux et Paris ont en effet en commun d'avoir annoncé boycotter la coupe du monde au Qatar en refusant d'installer des écrans géants et des fan-zones.
La capitale fera elle aussi l’impasse sur le Mondial de foot made in Qatar. La ville a fait savoir son refus d’installer des écrans géants et des fans zones dans ses rues, comme sept autres grandes villes de France, pour des raisons humanitaires et environnementales.
« Le délire continue » : l’attribution des Jeux Asiatiques d’hiver à l’Arabie Saoudite indigne
L’Arabie Saoudite accueillera les Jeux asiatiques d’hiver en 2029. De quoi susciter l’indignation du côté des sportifs et personnalités politiques françaises. Petit florilège...
C’était à prévoir. Alors que les pays du Moyen-Orient sont sous les feux des critiques à quelques semaines du Mondial au Qatar, l’Arabie Saoudite s’est attiré les foudres de la sphère publique après l’officialisation de l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver sur son territoire en 2029.
« La norme du monde de l’argent roi dans le sport »
De nombreuses personnalités publiques françaises ont livré un avis tranché sur la question. Comme Fabien Gay, sénateur de Seine-Saint-Denis (PCF) : « sous 40° degrés dans une future mégapole futuriste. Une aberration sociale et écologique ! » Une vision partagée par François Ruffin (député La France Insoumise) : « Des JO d’hiver au milieu du désert, dans une monarchie qui pratique la peine de mort et bafoue les Droits de l’Homme chez elle et au Yémen (avec l’aide des armes de la France). Combien de temps allons-nous accepter ça ? »
Le pays prévoit la construction de multiples constructions artificielles. De quoi ajouter un peu de colère comme pour Louis Boyard, député La France Insoumise en Val-de-Marne : « Les jeux d’hiver en plein désert d’Arabie Saoudite ? Preuve que la coupe du monde au Qatar n’est pas une exception ; elle est la norme. La norme du monde de l’argent roi dans le sport. La norme contre toute responsabilité écologique. La norme du mépris des droits humains. »
LIRE AUSSI. DÉBAT. Faut-il, selon vous, boycotter la Coupe du monde ?
« C’est encore un gros coup de pétrodollars, de corruption ! »
Leila Chaibi, députée européenne y est également allée de son commentaire, en faisant référence aux récentes déclarations de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances : « Des jeux à regarder en col roulé pour sauver la planète ! »
Du côté des sportifs, Johan Clarey, vice-champion olympique de descente l’an passé, s’est dit étonné au micro de RMC Sport. « C’est encore un gros coup de pétrodollars, de corruption et de mauvaises intentions et ça, c’est dommage […] C‘est un très mauvais signal envoyé […] Je me demande à quoi cela va ressembler, ça va être dramatique. »
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«Mondial de la honte» au Qatar: un sursaut citoyen après la démission politique ?
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A part le cynisme et une forme de démission morale, on ne voit pas ce qui peut justifier de ne pas boycotter le «Mondial de la honte». Sur le plan humain comme écologique, la Coupe du monde de football qui va débuter le 20 novembre au Qatar est un scandale largement documenté depuis que l’émirat s’est vu désigné comme l’hôte de cette compétition, dans des conditions sur lesquelles pèse un lourd soupçon de corruption. Mais à deux mois du début de la compétition et alors que la FIFA n’a donné aucun signe positif depuis l’attribution de la compétition à l’émirat en 2010, c’est désormais au pouvoir politique et à l’opinion publique de prendre leurs responsabilités.
La compétition va se tenir, l’affaire est pliée. Mais le choix d’y assister ou de la suivre à la télévision relève de la décision de chacun. Tout comme chaque sportif a le choix de manifester ou non sa désapprobation une fois sur place. La Fédération française a précisé que ses joueurs bénéficient sur ce sujet de leur liberté de parole. On imagine que ceux du PSG ne seront pas les premiers à mordre la main qatarie qui les nourrit à l’année. Dans les dernières décennies, les JO de Pékin en 2008 avaient déjà posé le sujet du boycott, tout comme la Coupe du monde 1978 dans la dictature argentine du général Videla. En France, Dominique Rocheteau avait été un des rares à mettre les pieds dans le plat.
Stades climatisés
Concernant le Qatar, personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. C’est ce qu’a rappelé Philipp Lahm, ex-capitaine de la Mannschaft championne du monde en 2014, au moment d’annoncer le mois dernier qu’il ne se rendrait pas sur place pour ne pas cautionner un événement foulant aux pieds les droits humains. Si certaines sélections ont arboré des tee-shirts réprobateurs en amont de la compétition, aucune fédération n’a pris la décision de la boycotter. Parce qu’au fond aucun pouvoir politique n’a poussé en ce sens. Le fait que le Qatar, pour qui le foot est un levier de soft power majeur, soit un des principaux exportateurs de gaz n’y est pas pour rien, surtout en ce moment. Tout comme la puissance d’un foot-business dont la morale n’est pas au cahier des charges.
Et pourtant, surtout en ce moment, l’empreinte écologique de la compétition devrait être un repoussoir. La construction pour cet événement de monstres d’acier et de béton au milieu des dunes ou des eaux est sans précédent. Tout comme la climatisation de sept des huit stades de la compétition, qui se tient pourtant en hiver pour éviter l’été et ses températures au-delà des 40 degrés. Il y a quelque chose d’irréel à voir ces projets devenir réalité alors que la pénurie énergétique est une problématique mondiale et que les pouvoirs occidentaux n’ont plus que le mot «sobriété» à la bouche.
6 500 morts en dix ans
Interrogée dimanche, la ministre française de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a esquivé en affirmant ne pas croire que «le fait de boycotter la Coupe du monde change malheureusement les émissions de gaz à effet de serre de cet événement». Elle a la même réponse quand les écologistes défendent l’interdiction des jets privés. Comme si la politique n’était pas aussi affaire de symboles. On a en tout cas du mal à croire les belles promesses du Qatar, quand l’émirat assure que la clim des stades n’est alimentée que par une ferme de panneaux solaires et qu’il atteindra la neutralité carbone pour ce Mondial via des investissements dans des énergies renouvelables.
Mais plus grave encore que le symbole climatique, Pannier-Runacher et consorts esquivent une autre dimension du sujet. Si la question du boycott se pose, c’est en premier lieu pour ne pas cautionner les conditions inhumaines dans lesquelles stades et infrastructures ont été construits par des centaines de milliers de travailleurs migrants, mais aussi plus largement pour dénoncer le sort réservé aux femmes et aux personnes LGBTQI + dans l’émirat. Depuis 2010 et le début des gigantesques travaux nécessaires à l’accueil d’une telle compétition (le Qatar et ses 2,75 millions d’habitants attend au moins 1,2 million de visiteurs), les alertes sur le bilan humain des chantiers ont été multiples. De nombreuses ONG ont dénoncé l’inacceptable et en février 2021, The Guardian a révélé un chiffre choc : plus de 6 500 travailleurs indiens, pakistanais, népalais, bangladais et sri lankais sont morts en dix ans… Des chiffres probablement en dessous de la réalité. Peut-on se contenter d’avoir une pensée pour eux avant de regarder les matchs ?