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 Reportage


Tour de France 2023 : sur leur première étape, les Basques revendiquent plein pot

Constellations de revendications politiques sur la première étape de ce Tour, une boucle au départ et à l’arrivée de Bilbao, qui a vu les jumeaux Yates s’imposer.
par Romain Boulho, envoyé spécial sur la route du Tour
publié le 1er juillet 2023 à 19h18

Le peloton a débouchonné son Tour avec une histoire de dingo : Adam Yates, lieutenant de Tadej Pogacar chez UAE-Emirates, ou co-leader de sa formation, on ne sait pas trop, a battu sur la ligne Simon Yates, de Jayco-Alula. Particularité d’Adam et Simon : ils sont jumeaux. Le Tour n’en attendait pas autant : il s’était lancé samedi 1er juillet de Bilbao à l’heure du déjeuner, pour 182 kilomètres d’une étape sylvestre, le nez dans les fougères, tout en mini-bosses, sous un ciel épais mais paisible, et les réverbérations chromées du musée Guggenheim.

Ces derniers jours, le Tour a surtout hoqueté face à la menace du gouvernement d’annuler certains grands événements après la mort de Nahel et ses secousses en France. «Nous sommes en lien constant avec les services de l’Etat, comme chaque année, on suit la situation avec une grande attention», temporisait vendredi Christian Prudhomme, patron de l’épreuve qui sait que même le Covid n’a pas fait flancher le Tour.

Le peloton, lancé à bonne allure, a patienté jusqu’aux deux montées finales en appréciant la verve politique basque. Des «independentzia» partout ; dans un champ, sur des ballots de paille empaquetés de plastique ; dans les montées, en grand nombre, comme sur les parois en grosses pierres de la côte de San Juan de Gaztelugatxe (kilomètre 67), en lettres rouges et blanches. Aux abords de l’estuaire d’Urdaibai, des tags comme des cris : «Stop Guggenheim Urdaibai». Le musée d’art moderne projette une extension depuis une douzaine d’années dans cette réserve, qui recèle une biosphère importante et où la mer Cantabrique remonte à grandes goulées dans la terre, y apposant de longues langues vertes sur le sable. A Ikazurieta (kilomètre 115) et les villages alentour, des hashtags constellent l’enrobé, #FreePablo en soutien à Pablo Gonzalez, un journaliste, correspondant de guerre freelance, originaire du Pays basque et détenu depuis plus d’un an en Pologne, la justice locale l’accusant d’être un agent russe.

Deux duellistes

Le peloton, lui, échappe à une perquisition en bonne et due forme dans le col de Morga (kilomètre 140). Une vingtaine de représentants de la maréchaussée basque toisent trois bonshommes, pas vieux, assis dans les hautes herbes, puis interpellent les badauds à sacs à dos. A proximité, une jeune, enfoncée dans sa chaise pliante, fait rouler son anneau nasal entre ses doigts. Son collègue sort le pif d’un tome du manga One Piece : «Vraiment, on n’a rien fait. Ils ont débarqué d’un coup», disent-ils. Un couple, «qui a vu la scène», annonce que les policiers ont extirpé «une chaîne» de trois garçons plongés dans les herbes et sont à la recherche d’autres objets pouvant, par exemple, barricader caravane ou peloton. Qui, lui, est interpellé une dernière fois, à cinq kilomètres de l’avant-dernière ascension : un drapeau communiste gambille sur un pont.

C’est là, dans la côte de Vivero, que les coureurs pulsent un rythme plus soutenu. La marée orange, cette nuée diffuse de Basques munis de leurs ikurriña qu’on n’attendait plus, est bien là. Dans la côte de Pike, l’écrémage est en route.  Tadej Pogacar gicle et Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) suit. Les deux grandissimes favoris confirment qu’ils se garderont bien de partager la moindre miette : Victor Lafay (Cofidis) relance en fin de grimpette ? Ils le collettent. Mais les deux duellistes se sont fait avoir par les deux frangins, dans la descente. Adam Yates a commenté sur France 2 : «C’est très spécial de pouvoir le partager avec lui. Au début, j’ai demandé à la radio si c’était à moi de travailler car c’est un concurrent quand même, mais Tadej [Pogacar] m’a dit d’y aller, je me suis lancé et ça a payé.» En 2019, il réagissait à la victoire d’étape sur le Tour de son jumeau : «J’ai beaucoup de rattrapage à faire.»




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