le PRÉ, ou parc rural expérimental.

 À Nanterre, la Ferme du bonheur asséchée par la mairie

Luc Le Chatelier


La Ferme du bonheur réclame son « parc rural expérimental »


Un doux dingue agite le quartier de l'université depuis déjà quatorze ans. « Paysan de banlieue » en lutte contre les technocrates, Roger des Prés, au nom prédestiné, poète saltimbanque et poil à gratter de Nanterre, a posé ses roulottes et ses chèvres...


Du béton, pas des moutons ! À Nanterre, derrière les tours de la Défense, un petit coin de poésie festive résiste depuis trente ans. Voilà qui déplaît fort à Patrick Jarry, maire divers gauche estampillé « gauche sociale, solidaire et écologique ». Pourtant, cette Ferme du bonheur est une cour des miracles bien pacifique. Un de ces lieux en phase avec notre époque en quête de sens. Ici, le bien nommé Roger des Prés, autoproclamé « petit paysan d’opérette », aime à mélanger les genres et les gens. Dans une méchante friche au-dessus des échangeurs de l’A14 et de l’A86, entre les cités des années 1970, la fac de Nanterre et la maison d’arrêt, avec des copains, des voisins, des exclus, des artistes, des enfants et des profs d’université, il a planté un théâtre, une basse-cour, des espaces en plein air pour de mémorables fêtes techno, une bergerie, un restaurant associatif, des ateliers, une porcherie, un rucher, des cabanes, une yourte entre lesquels déambulent une poignée de paons bruyants. Depuis des années, tous les dimanches après-midi, des dizaines de gens s’y retrouvent pour des « travaux dominicaux d’agro-poésie ». Sur le talus du RER envahi d’ordures, ils montent des murets de pierre sèche et de débris de béton. Au champ de la Garde, qu’ils ont défriché, ils sèment des fleurs, des céréales oubliées, et plantent des arbres pour réaliser une grande œuvre : le PRÉ, ou parc rural expérimental. L’environnement idéal pour une jolie biodiversité. Mais le maire veut ici des bureaux, du béton, du gazon. Il a coupé ses subventions, et retiré à la Ferme du bonheur son habilitation à recevoir du public. Les concerts prévus sont annulés, soit un manque à gagner de 55 000 euros et deux salariés au chômage. Chronique d’une mort annoncée ? Une pétition est en ligne, et Roger des Prés ne lâche rien. Vendredi 3, samedi 4 et dimanche 5 juin, il profite de l’opération nationale Rendez-vous au jardin pour ouvrir grandes les portes de ce havre de vert en ville hostile.

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