Incidents au Stade de France : le préfet de police de Paris reconnaît « un échec » et regrette « l’image ébranlée » de la France
Auditionné par le Sénat, Didier Lallement a, en revanche, défendu l’usage du gaz lacrymogène, « seul moyen policier pour faire reculer une foule sauf à la charger ».
Spectateurs sans billet qui escaladent les grilles, supporteurs et familles aspergés de gaz lacrymogènes ou encore vols et agressions : le dispositif de maintien de l’ordre lors de la finale de Ligue des champions de football au Stade de France, le 28 mai, fait l’objet d’une vive polémique en France et en Angleterre. Pour comprendre l’origine et le déroulé des événements chaotiques qui ont entaché le match le plus important de la saison en Europe, les auditions des protagonistes continue au Sénat. Après le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, le 1er juin, c’est Didier Lallement, le préfet de police de Paris qui a été questionné par les élus, jeudi 9 juin, devant la commission de la culture et des lois du Sénat.
Lors de son audition, le préfet de police de Paris a reconnu que la gestion policière était « à l’évidence un échec », mentionnant les personnes « bousculées ou agressées » et « l’image ébranlée » de la France. « C’est une blessure pour moi », a-t-il ajouté.
Didier Lallement s’est cependant dit satisfait que « le match se tienne et surtout qu’il n’y ait aucun blessé grave et aucun mort ».
Concernant l’usage de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre sur le parvis du stade, le préfet a répété à deux reprises qu’il s’agissait du « seul moyen policier pour faire reculer une foule sauf à la charger », ce qui aurait été une « erreur grave ». S’il a concédé « un problème de manœuvres » et s’est dit « désolé » pour les « gens de bonne foi – il en existe » qui ont respiré ces gaz, selon lui, « la doctrine du maintien de l’ordre » n’est pas en cause.
Le préfet dit s’être « peut-être trompé » sur les chiffres
Sur le nombre de personnes sans billet valide, le préfet de police a dit « assumer complètement » le chiffre de 30 000 à 40 000 personnes. Un chiffre repris par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, mais contesté par de nombreux observateurs, ainsi que par les Britanniques. Cependant, « on n’a jamais compté 30 000 à 40 000 personnes devant les portes du stade, on les subodorait sur la périphérie de nos barrages, c’est-à-dire sur les arrivées », par les transports en commun, a-t-il nuancé.
Il précise que chiffre n’a pas de « vertu scientifique » et qu’il s’est « peut-être trompé ». « Jamais je n’ai prétendu que ce chiffre était à quelques milliers parfaitement juste, mais il me paraît totalement refléter ce qu’était la situation », a-t-il ajouté.
Le préfet de police de Paris a rappelé que « les forces de sécurité intérieure n’étaient pas chargées du contrôle des billets » au niveau du préfiltrage à la sortie des transports en commun, rappelant « la responsabilité de l’organisateur ».
« Avec l’arrivée tardive et massive, ce contrôle s’est embolisé » à la sortie du RER D, a-t-il poursuivi, alors qu’il y avait une grève sur le RER B. Il a regretté que la préfecture de police n’ait pas disposé d’« informations précises » concernant les supporteurs de Liverpool.
Signalements à l’IGPN
Le 1er juin, Gérald Darmanin, qui incrimine depuis le début de la controverse les supporteurs britanniques, estimant qu’ils sont en grande partie responsables des incidents, avait, devant les sénateurs, présenté ses excuses aux supporteurs de Liverpool pour « les grands dégâts, notamment sur des enfants » causés par les gaz lacrymogènes.
Mais il avait dans le même temps maintenu sa version, très critiquée, sur le nombre de faux billets, en réaffirmant que 30 000 à 40 000 supporteurs munis de billets falsifiés ou sans billet s’étaient présentés au Stade de France. « Plusieurs billets ont été dupliqués des centaines de fois », avait-il aussi déclaré. Selon les derniers chiffres communiqués, la FFF et l’UEFA ont pour l’heure évalué à « 2 800 » le nombre « de faux billets scannés ».
M. Darmanin avait assuré avoir « demandé des sanctions » au préfet de police pour deux membres des forces de l’ordre, coupables, selon lui, d’une utilisation du gaz lacrymogène « contraire aux règles d’emploi ». Les deux enquêtes administratives qui permettront de décider de ces sanctions sont « en cours », a fait savoir, mercredi à l’Agence France-Presse (AFP) l’entourage du ministre. Deux signalements avaient été adressés à l’IGPN, la « police des polices » française, avait également informé le ministre, sans plus de précisions.
Plaintes possibles pour les supporteurs britanniques
Le préfet, Didier Lallement, a exprimé ses « regrets sincères » aux supporteurs britanniques et espagnols et les a encouragés à porter plainte. Les supporteurs britanniques peuvent, de leur côté, déposer plainte auprès de la justice française grâce à un formulaire disponible depuis lundi sur le site de l’ambassade de France au Royaume-Uni. Ce document doit ensuite être envoyé par voie postale au procureur de la République de Bobigny, dont dépend le Stade de France. Les autorités françaises n’ont pour l’instant pas communiqué de chiffres sur le nombre de signalements reçus par ce formulaire.
Le club de Liverpool avait demandé à ses supporteurs présents de partager leur expérience de la rencontre, recueillant très rapidement des milliers de réponses sur sa plate-forme de collecte des témoignages.
Le Real Madrid a, de son côté, demandé le 3 juin des « réponses » sur le traitement infligé à ses supporteurs durant la finale et appelé à « déterminer qui sont les responsables » des scènes chaotiques du Stade de France.