lundi 13 juin 2022

LE COIN DES CURIOSITÉS

 


Vue de La Ruche, bâtie en 1902 à l’initiative du sculpteur Alfred Boucher. Plusieurs bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 y ont, dans ce cadre, été remontés.

Vue de La Ruche, bâtie en 1902 à l’initiative du sculpteur Alfred Boucher. Plusieurs bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 y ont, dans ce cadre, été remontés.

© Limot / Bridgeman Images

De délicats travaux se poursuivent sur cet ensemble bâti dans la foulée de l’Expo universelle de 1900, et qui vit défiler Chagall, Zadkine, Léger… Des films en plein air y sont projetés ce 13 juin, et diverses opportunités de visites sont prévues cette année.

C’est une ruche sans abeilles, qui célèbre cette année ses 120 ans. On la doit à un sculpteur nommé Alfred Boucher. Au début du XXe siècle, l’artiste, qui a notamment enseigné la sculpture à Camille Claudel, est au faîte de sa gloire. Se souvenant de ses origines modestes, il se met en tête d’offrir un abri aux artistes les plus démunis et, en promenade dans le quartier de Vaugirard, découvre un terrain abandonné. « L’histoire, explique Ernest Pignon-Ernest, artiste et vice-président de la Ruche, raconte que Boucher est allé discuter avec le propriétaire qui tenait un bistrot à quelques mètres de là. Celui-ci lui a répondu “J’ai cinq mille mètres carrés, tu me donnes cinq mille francs et le terrain est à toi”. »

L’affaire conclue, le sculpteur doit désormais construire ses fameux ateliers. Or on commence alors à démonter les bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 : Boucher acquiert aux enchères un certain nombre d’éléments, dont un remarquable pavillon conçu par Gustave Eiffel pour héberger les vins de Gironde. Le sculpteur fait remonter la structure métallique sur son terrain, surélève le bâtiment et l’agrémente de briques : ainsi naît la Rotonde, l’édifice principal de la Ruche. Plusieurs constructions complètent le projet, que Boucher égaye d’autres pièces issues de l’exposition, empruntant les cariatides du pavillon de l’Indonésie ou encore la grille en fer forgé du pavillon de la Femme… Ainsi naît la Ruche, cité d’artistes et puzzle architectural, dont plusieurs théories expliquent le nom : une évocation du bourdonnement créatif de ses occupants ou la disposition, en alvéoles, de leurs ateliers autour de l’escalier de la Rotonde.


Sauver le bâtiment Fernand-Léger

Les premiers à rejoindre la Ruche sont des artistes juifs de l’Empire russe et des pays de l’Est qui fuient les pogroms, comme Soutine, Zadkine ou Chagall. Les conditions de travail initiales sont difficiles : les ateliers sont humides et froids, ce qui vaut à Zadkine de les surnommer des « cercueils » et d’écourter son séjour. Pourtant, la Ruche devient bientôt le repaire des créateurs de l’époque : sculpteurs, peintres, scénographes, céramistes et poètes… En témoigne l’impressionnante liste de ses anciens résidents, où cohabitent Fernand Léger, Archipenko, Paul Rebeyrolle ou encore, Blaise Cendrars.

Dans les années 1960, menacée par un promoteur immobilier, la Ruche manque de disparaître, sauvée in extremis par un comité de défense qui réunit notamment Marc Chagall et Gisèle Halimi. Désormais géré par la Fondation La Ruche-Seydoux, l’ensemble héberge aujourd’hui une cinquantaine d’artistes. Il nécessite néanmoins une importante rénovation, financée par du mécénat et des aides publiques. Après plusieurs phases de travaux (couverture et remplacement des menuiseries de la Rotonde en 2009, aménagement d’une salle d’exposition en 2017), le chantier se poursuit cette année avec la restauration du bâtiment Fernand Léger qui domine le passage de Dantzig.

“C’est un miracle que le bâtiment ne se soit pas effondré. Il nous faut rénover l’ensemble, de la toiture jusqu’au sol” Jérôme Clément, Président de la Fondation La Ruche-Seydoux

« Le bâtiment est dans un très mauvais état, explique Jérôme Clément, Président de la Fondation La Ruche-Seydoux. C’est un miracle qu’il ne se soit pas effondré. Il nous faut rénover l’ensemble, de la toiture jusqu’au sol en passant par les réseaux électriques. Il s’agit d’améliorer les locaux mais aussi de les sécuriser, notamment pour éviter les incendies. » Entamé en décembre 2021, le chantier doit durer un an. Les éléments empruntés à l’exposition universelle et les caractéristiques du bâtiment (immenses verrières, ossature bois) complexifient la mission. « On est sur une opération presque chirurgicale, analyse Charles Freudiger, co-architecte du projet. Elle nécessite de faire appel à des artisans méticuleux, capables de remplacer des pièces de bois gigantesques tout en étant précis au millimètre. » Passoire thermique, l’édifice doit être isolé sans intervention sur la façade. « On a tendance aujourd’hui à isoler tous les bâtiments par l’extérieur pour des questions d’efficacité, poursuit l’architecte. C’était hors de question ici, car on voulait préserver le patrimoine. »

Fondation La Ruche-Seydoux - Bâche de Philippe Lagautrière sur échafaudages du bât. Fernand Léger

Fondation La Ruche-Seydoux - Bâche de Philippe Lagautrière sur échafaudages du bât. Fernand Léger

Photo Fondation La Ruche-Seydoux

Expo gratuite et ciné en plein air

Pour accompagner le chantier, le peintre Philippe Lagautrière a réalisé une fresque de vingt-cinq mètres carrés sur une bâche qui recouvre une partie de l’échafaudage. « J’ai imaginé un triptyque, explique-t-il, dont la première partie est consacrée à la construction de la Ruche. La deuxième rend hommage aux artistes qui y ont travaillé et la dernière imagine Alfred Boucher au ciel, regardant la Ruche aujourd’hui. » Parallèlement à la rénovation, la cité d’artistes multiplie les initiatives pour ouvrir ses portes au public. Si elle se visite lors des Journées européennes du patrimoine, la Ruche propose tout au long de l’année des expositions gratuites (les peintres grecs Ianna Andréadis et Manolis Charos seront à l’honneur à partir du 16 juin). Le 13 juin, une projection en plein air de films autour de l’œuvre Le Ballet mécanique de Fernand Léger est aussi annoncée dans le jardin central.

► À lire aussi : Cinéma en plein air : où se faire une toile sous les étoiles à Paris en juin et juillet ?


À voir
La Ruche, 2, passage de Dantzig, Paris 15e. Les jours et horaires d’ouverture varient selon les expositions et sont annoncés sur la page Actualités du site. https://laruche-artistes.fr/



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