samedi 10 décembre 2022

“Pinocchio”, sur Netflix

 

“Pinocchio”, sur Netflix : un bijou en stop motion signé Guillermo del Toro

Cécile Mury

Depuis le temps qu’il se démène pour devenir un « vrai » petit garçon, on croyait connaître Pinocchio par cœur. Presque un siècle et demi que son nez s’allonge, du conte moral originel de l’Italien Carlo Collodi (1881) à ses multiples adaptations pour la télé ou le cinéma (entre autres, bien sûr, le classique Disney de 1940, ou encore son récent, et décevant, remake en prises de vues réelles, signé Robert Zemeckis…). Personne n’attendait vraiment grand-chose d’une énième version de la même histoire… Jusqu’à ce bijou en stop motion (marionnettes filmées image par image). Pour son premier long métrage d’animation, Guillermo del Toro (Nighmare Alley, Hellboy, La Forme de l’eau…) réussit l’exploit de retailler un pantin neuf et émouvant dans le bois vénérable de notre imaginaire collectif. Serti dans des décors d’une poésie minutieuse, ce film semi-musical (bande originale d’Alexandre Desplat), coréalisé avec Mark Gustafson (qui a, entre autres, dirigé l’animation du Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson) réinvente tout, ou presque, à commencer par le héros du titre, étrange, fragile et naïve créature de brindilles, fabriquée dans la matière même du deuil : son père et créateur, Gepetto (irrésistible trogne barbue), l’a en effet sculpté dans le pin qui a poussé sur la tombe de Carlo, le « vrai » fils, adoré et perdu. Lire la suite

Le Pinocchio de Guillermo del Toro est une réussite.

Netflix 2022

La tâche était immense : réinsuffler de l’originalité à l’histoire maintes fois adaptée de la marionnette qui voulait devenir un petit garçon. Avec un regard tendre, poétique et politique, le cinéaste mexicain s’en sort avec brio. À voir dès 10 ans.

Depuis le temps qu’il se démène pour devenir un « vrai » petit garçon, on croyait connaître Pinocchio par cœur. Presque un siècle et demi que son nez s’allonge, du conte moral originel de l’italien Carlo Collodi (1881) à ses multiples adaptations pour la télé ou le cinéma (entre autres, bien sûr, le classique Disney de 1940, ou encore son récent, et décevant, remake en prises de vues réelles, signé Robert Zemeckis…). Personne n’attendait vraiment grand-chose d’une énième version de la même histoire… Jusqu’à ce bijou en stop-motion (marionnettes filmées image par image).

Pour son premier long métrage d’animation, Guillermo del Toro (Nighmare AlleyHellboyLa Forme de l’eau…) réussit l’exploit de retailler un pantin neuf et émouvant dans le bois vénérable de notre imaginaire collectif. Serti dans des décors d’une poésie minutieuse, ce film semi-musical (bande originale d’Alexandre Desplat), coréalisé avec Mark Gustafson (qui a, entre autres, dirigé l’animation du Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson) réinvente tout, ou presque, à commencer par le héros du titre, étrange, fragile et naïve créature de brindilles, fabriquée dans la matière même du deuil : son père et créateur, Gepetto (irrésistible trogne barbue) l’a en effet sculpté dans le pin qui a poussé sur la tombe de Carlo, le « vrai » fils, adoré et perdu. Pinocchio est pourtant plus qu’un substitut : c’est une promesse d’avenir et de réparation, un espoir de bois tendre, plus humain que les humains.

Histoire d’apprentissage, d’amour et de filiation, rêverie métaphysique sur la vie et la mort (mention spéciale à toutes les créatures fantastiques, à commencer par le minuscule et empathique criquet, ou encore les drôles de lapins funèbres et cocasses qui gardent l’au-delà), Pinocchio est aussi une fable sur la désobéissance… À l’opposé du roman dont il s’inspire, le récit prend le parti de son pantin rebelle et de ses choix anticonformistes, transposés dans l’Italie de l’entre-deux-guerres. Pinocchio se débat contre le fascisme de Mussolini, qui teinte de rouge sang et de gris cet univers par ailleurs baroque et multicolore. Des « monstres » spectaculaires, inquiétants ou attachants, à l’extravagance d’un cirque itinérant, Guillermo del Toro enrichit l’aventure de tous ses motifs et thèmes favoris, entre fantaisie noire, cauchemar politique et candeur lumineuse. Grâce à lui, pour la première fois depuis le livre de Carlo Collodi, les marionnettes ont vraiment une âme.


r Pinocchio, film d’animation de Guillermo del Toro et Mark Gustafson (États-Unis, 1h56, 2022). Scénario : Guillermo del Toro, Patrick McHale et Matthew Robbins, d’après l’œuvre de Carlo Collodi. Avec les voix originales d’Ewan McGregor, Cate Blanchett, Gregory Mann. Sur Netflix, à partir de 10 ans.



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