Françoise Bourdin, autrice de best-sellers : « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »

Avec plus de 15 millions d’exemplaires écoulés depuis ses débuts, la romancière morte à l’âge de 70 ans était l’une des plus grosses vendeuses de livres en France. Elle était pourtant totalement ignorée des critiques et des prix littéraires. Nous vous proposons de relire son portrait publié en 2019.

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Françoise Bourdin chez elle à Port-Mort, en Normandie, le 15 octobre.

Le Goncourt pour Jean-Paul Dubois, un Renaudot surprise pour Sylvain Tesson, qui ne figurait pas sur la liste des finalistes, le Grand Prix de l’Académie française pour le multiprimé Laurent Binet… Alors que la grande distribution des prix littéraires électrise le Tout-Paris des lettres et des médias, Françoise Bourdin joue avec ses chiens.

Loin des tractations secrètes entre éditeurs, des rumeurs et des pressions, des doux espoirs et des folles déceptions, elle continue à se lever à l’aube dans sa maison de Port-Mort, près de Gaillon, en Normandie, prend sa douche, s’habille, et s’installe devant son ordinateur pour écrire un chapitre de son prochain roman, à l’abri des éclats d’un monde pour lequel elle n’existe pas.


À 67 ans, elle en était pourtant à son quarante-septième livre, des histoires de famille et d’amour qui finissent bien en général. Avec un total de plus de 15 millions d’exemplaires vendus. Un chiffre à faire mourir d’envie n’importe quel auteur. C’est simple, si l’on s’amusait à cumuler les ventes des lauréats des plus prestigieuses récompenses littéraires sur dix ans, elle serait encore en tête.

La reine des clubs France Loisirs

Ses phénoménaux succès de librairie la placent année après année dans les dix plus gros vendeurs de livres français, aux côtés de Marc Levy et Guillaume Musso. 80 000 grands formats en moyenne par an, des éditions de poche par millions, des traductions en douze langues. Françoise Bourdin est la reine du club France Loisirs, la star des bibliothèques municipales où ses ouvrages figurent parmi les plus empruntés.

« Longtemps je me suis dit : “je préférerais un mauvais article à ce néant”. Ça me rendait triste que les journalistes n’aient même pas envie d’ouvrir le livre »

Les prix, néanmoins, ne passeront pas par elle. Son nom n’a jamais figuré sur aucune liste, pas même celle du Prix Maison de la presse, où ses romans s’écoulent par palettes entières. Nul trophée ne trône sur la cheminée de la maison qu’elle a rachetée il y a dix-huit ans à l’historien André Castelot. « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée », lâche en souriant cette blonde aux cheveux courts, aux traits secs, à la silhouette filiforme et au regard timide.

Loin de toute rentrée littéraire, elle sort un nouveau livre à chaque printemps : « C’est une bonne période, en prévision des vacances, le moment où les gens ont le temps de lire. Septembre, c’est la rentrée scolaire qui coûte cher et l’hiver, ils doivent payer leurs impôts », explique-t-elle, pragmatique. Pour le dernier, le second tome d’une mini-saga qui a pour cadre un parc animalier, elle s’est rendue sur le plateau de « Soir 3 ». Ça lui a fait plaisir. Car d’habitude, elle n’est jamais invitée nulle part.