La mort de Françoise Bourdin, une romancière populaire à l’univers singulier
Françoise Bourdin est morte le 25 décembre, à l’âge de 70 ans. Sa présence médiatique était inversement proportionnelle au succès de ses œuvres.
Françoise Bourdin, autrice de best-sellers : « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »
Avec plus de 15 millions d’exemplaires écoulés depuis ses débuts, la romancière morte à l’âge de 70 ans était l’une des plus grosses vendeuses de livres en France. Elle était pourtant totalement ignorée des critiques et des prix littéraires. Nous vous proposons de relire son portrait publié en 2019.
Romancière des familles prospères et des belles maisons, qui ne dérogeait jamais au principe du happy end, Françoise Bourdin n’avait pas une pente prononcée pour la mauvaise humeur. Sauf qu’il valait mieux éviter de lui dire qu’elle était « discrète » : « Je ne suis pas discrète du tout ! C’est juste que personne ne me sollicite… », s’agaçait-elle auprès du Monde en 2019. Le choc a pourtant été grand quand le groupe Editis, propriétaire de son éditeur historique, Belfond, a annoncé la mort inattendue, le 25 décembre, de l’autrice à succès, qui n’avait pas pour habitude de faire état de ses éventuels problèmes de santé. Une même discrétion prévalait d’ailleurs à propos de sa date exacte de naissance. On sait juste que, née en 1952, elle avait 70 ans.
De fait, une autre discrétion accompagnait cette pudeur naturelle : celle que lui imposait le désintérêt que la presse peut avoir pour la littérature populaire. Or, populaire, Françoise Bourdin l’a été à un degré extrême. Ses quelque cinquante romans se sont vendus à plus de 15 millions d’exemplaires. Beaucoup ont été adaptés à la télévision. En regard, sa présence médiatique, inversement proportionnelle, faisait pâle figure.
Pour autant, nul mépris ne ressort de la plupart des articles dont, avec le temps, ses romans ont tout de même fini par faire l’objet. « Pas de fumisterie ici, ni d’hystérie » (Libération) ; « Force est de reconnaître la justesse de son regard sur la société française » (L’Express) ; « Un drame à la fois contemporain et intemporel » (L’Obs)… Tout le monde, sur le rayon des best-sellers, ne peut se targuer d’avoir suscité des jugements aussi respectueux. A cet égard, Françoise Bourdin occupait une place singulière. Celle d’une figure qu’ont sans doute rendue plus attachante que d’autres un univers et un parcours non moins singuliers.
Françoise Bourdin, autrice de best-sellers : « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »
Avec plus de 15 millions d’exemplaires écoulés depuis ses débuts, la romancière morte à l’âge de 70 ans était l’une des plus grosses vendeuses de livres en France. Elle était pourtant totalement ignorée des critiques et des prix littéraires. Nous vous proposons de relire son portrait publié en 2019.
Le Goncourt pour Jean-Paul Dubois, un Renaudot surprise pour Sylvain Tesson, qui ne figurait pas sur la liste des finalistes, le Grand Prix de l’Académie française pour le multiprimé Laurent Binet… Alors que la grande distribution des prix littéraires électrise le Tout-Paris des lettres et des médias, Françoise Bourdin joue avec ses chiens.
Loin des tractations secrètes entre éditeurs, des rumeurs et des pressions, des doux espoirs et des folles déceptions, elle continue à se lever à l’aube dans sa maison de Port-Mort, près de Gaillon, en Normandie, prend sa douche, s’habille, et s’installe devant son ordinateur pour écrire un chapitre de son prochain roman, à l’abri des éclats d’un monde pour lequel elle n’existe pas.
À 67 ans, elle en était pourtant à son quarante-septième livre, des histoires de famille et d’amour qui finissent bien en général. Avec un total de plus de 15 millions d’exemplaires vendus. Un chiffre à faire mourir d’envie n’importe quel auteur. C’est simple, si l’on s’amusait à cumuler les ventes des lauréats des plus prestigieuses récompenses littéraires sur dix ans, elle serait encore en tête.
La reine des clubs France Loisirs
Ses phénoménaux succès de librairie la placent année après année dans les dix plus gros vendeurs de livres français, aux côtés de Marc Levy et Guillaume Musso. 80 000 grands formats en moyenne par an, des éditions de poche par millions, des traductions en douze langues. Françoise Bourdin est la reine du club France Loisirs, la star des bibliothèques municipales où ses ouvrages figurent parmi les plus empruntés.
« Longtemps je me suis dit : “je préférerais un mauvais article à ce néant”. Ça me rendait triste que les journalistes n’aient même pas envie d’ouvrir le livre »
Les prix, néanmoins, ne passeront pas par elle. Son nom n’a jamais figuré sur aucune liste, pas même celle du Prix Maison de la presse, où ses romans s’écoulent par palettes entières. Nul trophée ne trône sur la cheminée de la maison qu’elle a rachetée il y a dix-huit ans à l’historien André Castelot. « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée », lâche en souriant cette blonde aux cheveux courts, aux traits secs, à la silhouette filiforme et au regard timide.
Loin de toute rentrée littéraire, elle sort un nouveau livre à chaque printemps : « C’est une bonne période, en prévision des vacances, le moment où les gens ont le temps de lire. Septembre, c’est la rentrée scolaire qui coûte cher et l’hiver, ils doivent payer leurs impôts », explique-t-elle, pragmatique. Pour le dernier, le second tome d’une mini-saga qui a pour cadre un parc animalier, elle s’est rendue sur le plateau de « Soir 3 ». Ça lui a fait plaisir. Car d’habitude, elle n’est jamais invitée nulle part.
Lu dans Le Monde
Ancienne élève du Lycée Victor Duruy comme moi
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Lyc%C3%A9e_Victor-Duruy#%C3%89l%C3%A8ves