On a vu la reine dans des cérémonies guindées, mais aussi prenant le thé avec l’ours Paddington ou préparant le petit déjeuner pour sa famille. L’historien Philippe Chassaigne analyse cette communication alliant faste, devoirs et sentiments.
En juin dernier, pour son jubilé de platine, Élisabeth II était apparue dans un sketch filmé avec l’ours Paddington, célèbre héros de la culture populaire britannique… Clin d’œil à peine imaginable pour celle qui incarnait une institution multicentenaire, au cérémonial très strict. C’est qu’au fil de ses soixante-dix ans de règne cette femme à la fois réservée et audacieuse a su appréhender la communication moderne pour en faire un atout majeur, aidant la monarchie à ne pas sembler anachronique. Son grand écart : imposer l’image d’une reine toujours dévouée à sa tâche, pouvant se permettre quelques facéties sans abîmer le décorum, comme l’explique l’historien Philippe Chassaigne, spécialiste de la Couronne.
à partir des années 2000, Élisabeth II s’est avérée une bien meilleure communicante. Témoin, son adresse à la nation au printemps 2020, en plein Covid : elle la termina en citant une chanson de Vera Lynn, We’ll Meet Again (« nous nous retrouverons »),
un grand succès de la Seconde Guerre mondiale qui prenait évidemment une dimension symbolique très forte. Ce jour-là, elle sut toucher l’imaginaire national britannique, prononcer un discours vraiment rassembleur. Ce ne fut pas la seule fois. Être reine, c’est beaucoup un rôle de représentation qu’elle avait fini par exercer à la perfection.
Sa majesté cachait aussi... ses talents d’imitatrice
"L'une des voix qu'elle faisait le mieux était celle de Margaret Thatcher", raconte l'écrivain Stephen Clarke à la chaine France TV Londres. "Margaret Thatcher se prenait de temps en temps pour la reine et la reine avait le don de raconter des histoires qui remettait Margaret Thatcher à sa place". Des imitations qu'elle ne faisait bien sûr qu'en privé.
La reine a sauté en parachute avec James Bond !
A évènement exceptionnel, entrée exceptionnelle... La reine Elizabeth II s'est improvisée parachutiste pour l'inauguration des JO de 2012 à Londres. Accompagnée par rien moins que James Bond (Daniel Craig) et surtout doublée à la dernière minute par un cascadeur, la reine n'en n'a pas moins joué le jeu parfaitement et d'après son entourage a pris beaucoup de plaisir à jouer cette scène devenue culte.
Pourquoi le rendez-vous hebdomadaire de la reine Elisabeth II avec le premier ministre a été avancé d’une heure ?
La "Weekly audience" de la reine avec le premier ministre anglais, habituellement à 18h fut avancé à 17h à la demande de la reine a expliqué Stéphane Bern sur France 2, afin de pouvoir nourrir elle-même ses chiens. "Un premier ministre s'est même retrouvé devant une reine accroupie pour les nourrir à son arrivé dans le cabinet!" a confié le chroniqueur mondain sur le plateau de France Télévision. Ces weekly audience peuvent désormais se dérouler si besoin au téléphone! Au total, 15 premiers ministres se sont succédé auprès d'elle, de Winston Churchill à Liz Truss deux jours avant sa disparition.
Plus de 11 000 pièces dans son dressing !
En 70 ans de règne, la reine a dû élargir son dressing pour accueillir les innombrables robes, chapeaux, chaussures et sacs à main. Plus de 11 000 pièces rapportait l'exposition Fashion Rules Restyled déjà en 2016. Un étage complet de Buckingham serait consacré à son dressing! Elizabeth II avait sa couturière personnelle bien sûr et ne portait aucune marque, sauf pour les accessoires. Ses plus célèbres tenues sont régulièrement exposées pour approcher le mythe d'un peu plus près.
La reine Elizabeth II cachait un sandwich dans son sac à main ;-)
Lors d'un tea time très british juste avant son Jubilé de platine, la souveraine a confié à son ami l'ourson Paddington que comme lui, elle avait toujours son sandwich à la marmelade en réserve pour plus tard dans son sac à main ;-)
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En 2012, dix ans avant l’ours Paddington, elle stupéfiait déjà le monde entier en apparaissant dans un minifilm aux côtés de James Bond !
Qu’elle se prête à ce montage cinématographique, où on la voit en effet quitter Buckingham Palace avec Daniel Craig en costume de Bond, monter dans un hélicoptère, puis faire mine de sauter en parachute pour atterrir dans le stade olympique et ouvrir les JO de Londres, c’était quand même remarquable ! Sans doute avait-elle été bien conseillée, mais elle avait su évoluer. Oser une sorte de second degré, tout en plaçant son devoir au-dessus de tout… Ce n’est pas le moindre des équilibres.
Dès 1969, elle avait tenté une expérience inédite en matière de communication…
C’était l’époque de la culture pop, de la minijupe, du Swinging London, et Élisabeth semblait alors complètement hors du coup – à l’inverse de sa sœur, Margaret, qui sortait, buvait, fumait. Pour casser l’image d’une reine vieux jeu, l’équipe de communication du palais eut l’idée de réaliser un documentaire, The Royal Family. Pendant toute une année, une équipe de télévision a suivi la reine, son mari, leurs enfants… Le film montrait Élisabeth et les siens dans leurs fonctions mais aussi leur quotidien plus privé. Et quand on les voit se retrouver le matin dans leur cuisine, ils ressemblent finalement à une famille ordinaire — d’autant que c’est Élisabeth qui prépare le petit déjeuner et que la cuisine n’a rien d’exceptionnel. Le film est passé deux fois à la télévision, en 1969 et 1972. Puis la reine n’a plus voulu qu’il soit diffusé, trouvant qu’il donnait une image trop banale de la monarchie (1).
Elle n’hésitait pourtant pas à se montrer en bottes et parka, un fichu sur la tête…
Cela rappelle les mœurs royales des Pays-Bas, Danemark, Suède, ce qu’on appelle les « monarchies à vélo ». En Grande-Bretagne, c’est plus inhabituel, mais Élisabeth assumait les deux temporalités : la reine des fonctions officielles, respectant le décorum de l’institution, le grand carrosse doré construit au XVIIIᵉ siècle… Et la reine habillée comme tout le monde, chez elle, dans ses résidences de Windsor ou de Balmoral. Elle aura su conserver la mystique de la monarchie, tout en ouvrant une petite fenêtre sur un espace plus intime.
À la mort de Diana, en revanche, elle fit preuve d’une grande réserve…
Les premiers temps du moins, et les Britanniques ne l’ont pas compris — elle est restée quatre jours à Balmoral, au lieu de venir à Londres partager leur peine. Mais quand la famille royale est finalement rentrée et qu’Élisabeth a prononcé son discours, même sans grande conviction, l’incompréhension s’est calmée. La reine s’était mise à l’unisson des sentiments de ses sujets, et c’était l’essentiel. Puis avec son mari, elle est allée à leur rencontre, devant les grilles de Buckingham, regardant les fleurs, les bougies, les peluches, les photos de Diana.
Il y eut cette image très forte : une petite fille tendant un bouquet à la reine qui lui demande où elle veut qu’elle le dépose… et la fillette qui répond : « C’est pour vous, madame. » Cet épisode a retourné l’opinion. C’est d’ailleurs après que sa communication s’est avérée de plus en plus fluide. Comme si elle s’y était enfin sentie à l’aise.