Le Conseil de défense va décider à quelle heure nous devrons débrancher le wifi
Le président de la République réunira le 2 septembre un conseil de défense qui sera consacré à la crise énergétique. Si vous avez aimé la saison 1 des conseils de défense sur le Covid, vous allez adorer la saison 2 sur l'énergie !
Le conseil de défense et de sécurité nationale est une forme restreinte de conseil des ministres, dont les attributions font l’objet du décret du 24 décembre 2009 : « Il définit les orientations en matière de programmation militaire, de dissuasion, de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures, de renseignement, de sécurité économique et énergétique, de programmation de sécurité intérieure concourant à la sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme. »
On peine à y trouver les raisons de gérer une crise sanitaire dans ce cadre. Ce sont pourtant des dizaines de conseils de défense qui se sont tenus pendant l’épidémie de Covid-19, à l’occasion desquels les plumitifs du régime nous narraient ce qui allait (peut-être) être décidé lors du prochain conseil ou ce qui s’était (peut-être) dit pendant le dernier. Peut-être … car les participants à ces conseils sont tenus au secret-défense et aucun compte-rendu n’est publié.
C’est lors de ces conseils de défense que furent prises les décisions ubuesques qui valurent à la France d’être notamment qualifiée « d’Absurdistan autoritaire » par la presse allemande. Expliquer que les masques ne servaient à rien. Exiger de remplir, dater et signer une « attestation dérogatoire » pour pouvoir promener son chien dans un rayon d’un kilomètre ou pour aller faire ses courses. Interdire de se promener seul en forêt ou sur une plage. Définir ce qu’était un produit « essentiel » (la mousse à raser) et ce qui ne l’était pas (le mascara). Autoriser par décret la mise en vente des sapins de Noël à partir du 20 novembre 2020. Interdire la consommation de pop-corn dans les cinémas. Autoriser à boire un verre assis dans un bar et l’interdire si on est debout.
La gestion en conseil de défense des risques de pénurie de gaz et d’électricité pendant l’hiver prochain nous promet donc de mémorables moments dans les semaines et les mois qui viennent. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran nous a donné un avant-goût des décisions stratégiques qui y seront débattues en prodiguant ses conseils pour débrancher le wifi avant de sortir de chez soi. Le monsieur a démontré comme ministre de la Santé qu’il avait du potentiel et vient de le confirmer en assurant que « la transparence sera la clé et sera la règle ». La transparence est en effet une caractéristique bien connue des délibérations couvertes par le secret-défense.
Alors laissons libre cours à notre imagination. Les conseils de défense énergétique pourraient décréter que la lumière abîme les yeux et que l’obscurité les repose, que le chauffage est nocif pour la santé, que le froid conserve et qu’un bon pull ferait l’affaire. De là à conclure qu’il faudrait en distribuer à toute la population, il n’y a qu’un pas … que le gouvernement ne franchirait pas, faute d’avoir constitué des stocks. Olivier Véran serait alors chargé de nous expliquer que cela serait inutile voire dangereux car ne saurions pas les enfiler, patauds que nous sommes.
Un « état d’urgence énergétique » serait décrété à la faveur duquel serait rendu au couvre-feu son sens originel : l’extinction des feux de 22 heures à 6 heures du matin non sans avoir applaudi à 20 heures les agents d’Enedis et de GRDF, nos nouveaux héros. Obligation nous serait faite de sortir dehors au moins deux heures par jour entre 6 heures et 22 heures, après avoir coupé le chauffage et le wifi. Il faudrait se munir d’une attestation dûment remplie, datée et signée, sous peine d’amende, voire de tabassage en règle pour les promeneurs basanés dans « les quartiers ». Les fournisseurs d’applications de messagerie seraient tenus de signaler les clients qui enverraient trop de pièces jointes dans les mails, le seuil étant défini par un décret et le non-respect puni d’une peine de prison à la 3ème récidive dans une période de 30 jours.
Les compteurs « communicants » Linky et Gazpar seraient enfin autorisés à transmettre en temps réel notre consommation à la police afin de débusquer les délinquants énergétiques. Les automobilistes devraient renseigner chaque semaine le kilométrage parcouru dans une application conçue par des potes de Cédric O. La police serait chargée d’effectuer les contrôles avec « la plus grande fermeté », comme le préciserait le ministre de l’Intérieur. La CNIL se risquerait à protester pour la forme mais le Conseil d’État n’y trouverait rien à redire. Ne vivons-nous pas « la fin de l’abondance et de l’insouciance » et n’est-il pas temps d’« accepter de payer le prix de la liberté » ? Le président de la République ne cacherait pas avoir « très envie d’emmerder » ceux qui rouleraient trop et Brigitte Macron s'offusquerait du mécontentement général : « S’ils ne peuvent pas prendre leur voiture, qu’ils se déplacent en jet privé ! »
En saison 2, le Grand Epidémiologiste deviendra une sommité de l’énergie en lisant des revues en anglais et suscitera toujours l’émerveillement de la Cour. Le service après-vente sur les plateaux des chaînes d’infox en continu sera assuré par d'anciens épidémiologistes reconvertis en experts de l’énergie après avoir visionné quelques vidéos de Jean-Marc Jancovici sur YouTube. Comme en saison 1, tout cela fera l’objet de juteux contrats pour McKinsey.
Patience, le premier épisode sera diffusé vendredi !
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