À l'aube des 40 ans de la mort de la princesse, l'historien Jean des Cars sort une réédition de son livre Inoubliable Grace de Monaco, parue le mercredi 24 août.
«Il y a des êtres qui ne s'éteignent jamais», avait-elle coutume de dire. Grace de Monaco est de ceux-là. À l'aube des 40 ans de son décès - ils seront commémorés le 14 septembre -, le biographe royal Jean des Cars (La Saga des Grimaldi) sort une réédition de son ouvrage Inoubliable Grace de Monaco (1), parue ce mercredi 24 août. Un livre empreint de nostalgie, dans lequel il relate ses multiples rencontres avec la princesse. Tour à tour actrice hollywoodienne sous son nom de jeune fille, Grace Kelly, muse d'Alfred Hitchcock, grand amour du peuple monégasque comme de son prince, et mère de famille - elle a accueilli Caroline en 1957, Albert II en 1958 et Stéphanie en 1965 -, l'Américaine a donné un nouveau souffle à la Principauté, et marqué son histoire à jamais.
Jean des Cars : «Grace de Monaco a eu son accident à l'endroit même où elle me disait, des années plus tôt, que quelqu'un s'y tuerait»
À l'aube des 40 ans de la mort de la princesse, l'historien Jean des Cars sort une réédition de son livre Inoubliable Grace de Monaco, parue ce mercredi 24 août. Entretien.
«Il y a des êtres qui ne s'éteignent jamais», avait-elle coutume de dire. Grace de Monaco est de ceux-là. À l'aube des 40 ans de son décès - ils seront commémorés le 14 septembre -, le biographe royal Jean des Cars (La Saga des Grimaldi) sort une réédition de son ouvrage Inoubliable Grace de Monaco (1), parue ce mercredi 24 août. Un livre empreint de nostalgie, dans lequel il relate ses multiples rencontres avec la princesse. Tour à tour actrice hollywoodienne sous son nom de jeune fille, Grace Kelly, muse d'Alfred Hitchcock, grand amour du peuple monégasque comme de son prince, et mère de famille - elle a accueilli Caroline en 1957, Albert II en 1958 et Stéphanie en 1965 -, l'Américaine a donné un nouveau souffle à la Principauté, et marqué son histoire à jamais.
Classe éternelle
Madame Figaro. - Vous avez rencontré à plusieurs reprises le prince Rainier et Grace de Monaco. Quel portrait dresseriez-vous de ce couple ?
Jean des Cars. - La princesse Grace et son mari formaient un duo que j'appellerais le «mariage du charme de l'efficacité». J'aimais beaucoup le prince Rainier, qui m'avait donné accès aux archives de sa famille pour raconter l'histoire méconnue des Grimaldi. Il était intelligent, cultivé. La princesse Grace, elle, était adorable. Dès que nous la rencontrions, elle demandait des nouvelles de nos enfants. Elle était drôle, farceuse, et d'une grande classe. J'ai admiré sa maîtrise parfaite, dans son rôle de princesse comme dans celui d'actrice. Elle était attentive aux gens, avait une bonne éducation. Elle était aussi capable de fermeté. Je me souviens d'un gala au Moulin Rouge où se pressaient 50 photographes. Lorsqu'elle leur a demandé de ranger leurs appareils, ils se sont exécutés sans discuter. Elle était très respectée, et pas du tout show off.
Dans votre ouvrage, vous relatez un dîner auquel vous étiez convié, et durant lequel la princesse a rencontré François Truffaut…
Ce dîner, dont mon épouse et moi sommes les deux survivants, a eu lieu à Paris en 1977, à la demande de François Truffaut. Il voulait absolument rencontrer la princesse car il était, comme elle, fasciné par Hitchcock. Grace de Monaco est arrivée à 20h30 pile, vêtue d'une robe magnifique. Elle lui a dit : «Monsieur Truffaut, je n'ai pas encore eu le temps de voir votre nouveau film, L'Homme qui aimait les femmes (1977).» ll lui a proposé d'organiser une projection privée - ce qu'elle a refusé. «Vous savez, je suis restée très proche de Hollywood, j'aime voir les films en salles», a-t-elle dit. C'était vrai : elle était toujours en contact avec ses amis américains, comme Cary Grant ou Frank Sinatra, qu'elle faisait venir au Festival du Cirque de Monaco. Elle n'a jamais renié Hollywood. Durant ce repas, elle a également demandé à François Truffaut pourquoi il avait tourné son film à Montpellier. Il a répondu : «C'est la ville de France où les femmes sont les plus belles.» Et la princesse de rétorquer, dans un rire charmant : «Je comprends mieux pourquoi le prince Rainier a fait ses études là-bas.»
Deux périodes se sont succédé dans sa vie : l'époque Grace Kelly, et l'époque Grace de Monaco. Quelle image conservons-nous de la première partie de son existence ?
On en retient une comédienne de charme, héroïne de films comme Le Crime était presque parfait (1954) ou Fenêtre sur cour (1954). Hitchcock l'adorait, c'était son actrice fétiche. Et vice-versa. D'ailleurs, le seul jour où je l'ai vue arriver en retard à l'un de nos rendez-vous était celui du décès du réalisateur. Elle était en larmes et m'a dit : «Excusez-moi, Hitch est mort.» C'était pour elle une douleur immense, parce qu'il l'avait façonnée. Le comble, c'est qu'avant de devenir princesse, elle avait aussi tourné avec un autre réalisateur (Charles Vidor, NDLR), dans un film intitulé Le Cygne (1956), qui racontait l'histoire d'une jeune aristocrate...sur le point d'épouser une Altesse princière. Le mélange de la réalité et de la fiction a toujours été un élément étonnant de sa vie.
Qu'est-ce qui a séduit le prince Rainier chez Grace Kelly ?
Leur rencontre est une histoire inouïe, née d'une suggestion d'un journaliste de Paris Match, Pierre Galante, mari d’Olivia de Havilland (Autant en emporte le vent). Il avait déclaré, au milieu des années 1950 : «Pourquoi ne ferions-nous pas une photo de Rainier et de Grace Kelly ?» Le magazine avait organisé un rendez-vous. Grace était une lady avec beaucoup d'allure, même si elle ne connaissait pas bien Monaco. Le fait qu'elle soit à la fois une vedette et une personne de grande qualité a séduit le prince.
À quoi a ressemblé la fin de carrière de Grace Kelly ?
Hollywood était à la fois fier et déçu de la voir partir. On espérait qu'elle ferait une exception pour tourner à nouveau dans un film. Certes, en 1957, son long-métrage Le prince et la danseuse était sorti au cinéma alors qu'elle était déjà princesse, mais il avait été tourné au préalable. Les Monégasques étaient affolés à l'idée qu'elle reprenne le chemin des studios. Si elle avait voulu se remettre au cinéma, le prince Rainier s'y serait sans doute opposé. Mais il n'a pas eu à le faire. Elle ne reniait rien - elle avait simplement changé de rôle. Lorsqu'un journaliste lui a demandé si elle avait renoncé à sa carrière, elle a rétorqué : «Il me semble que j'en commence une nouvelle.»
Comment Grace Kelly a-t-elle conquis le Rocher ?
Le 18 avril 1956, le tout-Hollywood s'est rendu à son mariage avec le prince Rainier. On n'a pas idée de l'enthousiasme que cette union a suscité à l'époque. Elle a donné une notoriété mondiale à la Principauté, quand beaucoup de gens ignoraient encore, y compris aux États-Unis, où se trouvait Monte-Carlo. Grace a permis une renaissance tout à fait inattendue à Monaco. Il n'y avait pas eu de princesse depuis longtemps au sein de la Principauté. Il fallait une femme de cette nature pour y arriver - de son sérieux, de sa conscience professionnelle. Elle était perfectionniste et n'aimait pas les amateurs. Ensemble, elle et le prince Rainier ont rebâti Monaco. «Nous formions une bonne équipe», m'a-t-il dit un jour.
Quelles ont été ses combats et ses engagements à Monaco ?
En 1958, elle a été nommée présidente de la Croix-Rouge monégasque. Pour bien connaître la Principauté, elle se rendait au marché, discutait avec des passants. Elle avait le trac et voulait bien faire. Son secrétariat était très actif, et elle a aidé énormément de gens. Le prince Rainier était épaté. Elle connaissait ses dossiers sur le bout des doigts, notamment ceux qui concernaient l'agrandissement de la Principauté. Elle s'occupait aussi d'initiatives caritatives, comme le gala de la Croix-Rouge. Elle avait une autorité souriante. Si elle se trompait, elle faisait tout pour réparer son éventuelle faute. Elle ne s'est jamais servie de la Principauté, mais elle a servi la Principauté. Plus tard, lorsqu'elle exposera ses tableaux «naturels», elle le fera d'ailleurs de manière anonyme, et signera «GPK» pour «Grace Patricia Kelly».
Une étrange prémonition
Vous évoquez également, dans votre ouvrage, la manière dont la princesse a secouru Joséphine Baker, récemment panthéonisée, à la fin de sa vie...
Je me souviens d'un jour où j'étais à l'Olympia avec mon père, pour voir l'un de ses galas. À l’époque, Joséphine Baker avait des problèmes financiers. Elle était obligée de citer une grande marque de bière toutes les dix minutes. La princesse Grace est intervenue pour lui permettre de refaire un spectacle à Bobino. Et elle lui a offert l'hospitalité. Quand Joséphine Baker est décédée en 1975, elle a été enterrée au cimetière de Monaco. En novembre 2021, elle est entrée au Panthéon. Mais sa famille voulait que son corps demeure dans la Principauté. Par un hasard invraisemblable, j'ai croisé l'aîné des enfants adoptifs vivants de la chanteuse, l'année dernière. Il m'a dit qu'ils avaient été tellement touchés par la gentillesse et l'autorité de la princesse, qu'il n'était pas question pour eux de voir le corps de leur mère quitter le Rocher.
À quoi ont ressemblé les dernières années de Grace de Monaco ?
Elle luttait, comme tout le monde, contre l'âge. Elle était, je crois, très frappée par l'accident cérébral qui avait emporté sa mère. On a raconté beaucoup de choses sur son accident de voiture, survenu en 1982 sur une route au-dessus de la Côte d'Azur. La princesse conduisait très mal mais ce jour-là, elle a voulu emmener sa fille Stéphanie à l'aéroport. Or, il n'y avait pas de place sur la banquette arrière de la voiture, couverte de robes de haute couture qu'elle comptait déposer au Palais. Elle a donc pris le volant. Son chauffeur s'en est voulu de l'avoir laissée faire.
Que sait-on aujourd'hui du décès de la princesse ?
Elle a eu un accident à l'endroit même où elle me disait, quelques années plus tôt, que la route était dangereuse et que quelqu'un s'y tuerait. Il est probable qu'elle ait eu un accident cérébral. La voiture avait une boîte automatique et l'on n'a relevé aucune trace de freinage brutal. Elle a perdu le contrôle du véhicule, qui a atterri dans le jardin de l'un de mes amis, en territoire français. Ce qui compliquait les choses, parce qu'il fallait prévenir la préfecture des Alpes-Maritimes avant celle du territoire monégasque. Stéphanie de Monaco a, quant à elle, survécu à l'accident. Après cela, le monde était en deuil - même un pays comme le Kampuchea démocratique, l'ancien Cambodge des Khmers rouges, décrète un deuil national de trois jours. Durant ses funérailles, j'ai repensé à une phrase que Grace de Monaco m'avait dite un jour : «Je ne considère pas ma vie comme un conte de fées.» Non, ce n'était pas un conte de fées, mais une très belle histoire aux multiples chapitres.
(1) Inoubliable Grace de Monaco, de Jean des Cars, paru le 24 août 2022, Éd. du Rocher, 240 p., 18 €