« Je souhaitais venir ici dans ce même lieu pour renouer le fil de nos accomplissements et parler de notre avenir : notre avenir européen, mais qui est par définition, l'avenir de la France », a expliqué Emmanuel Macron en guise d'introduction. L'avenir de la France et celui de l'Europe sont « indissociables », a-t-il insisté.
L'objectif de cette allocution est d'« influer sur l'agenda » de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin prochain, avait expliqué la présidence, qui réfute toute tactique électoraliste. Mais pour ses adversaires, Emmanuel Macron passe surtout à l'offensive à un moment où son camp, emmené par l'eurodéputée Valérie Hayer, peine à se frayer un chemin dans la campagne
Par Les Echos
Emmanuel Macron de retour à la Sorbonne. Sept ans après la « Sorbonne 1 », le 26 septembre 2017, le chef de l'Etat a prononcé ce jeudi matin devant 500 invités un nouveau discours fleuve - près d'une heure cinquante - où il a dressé un portrait alarmiste de l'Europe et déroulé une nouvelle série de mesures pour passer à « l'Europe puissance ».
« Je souhaitais venir ici dans ce même lieu pour renouer le fil de nos accomplissements et parler de notre avenir : notre avenir européen, mais qui est par définition, l'avenir de la France », a expliqué Emmanuel Macron en guise d'introduction. L'avenir de la France et celui de l'Europe sont « indissociables », a-t-il insisté.
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L'objectif de cette allocution est d'« influer sur l'agenda » de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin prochain, avait expliqué la présidence, qui réfute toute tactique électoraliste. Mais pour ses adversaires, Emmanuel Macron passe surtout à l'offensive à un moment où son camp, emmené par l'eurodéputée Valérie Hayer, peine à se frayer un chemin dans la campagne .
Retrouvez ci-dessous la vidéo du discours d'Emmanuel Macron :
Retrouvez ci-dessous une sélection des déclarations du chef de l'Etat recueillies en direct :
« Des réussites, en particulier en matière d'unité et de souveraineté » :
Emmanuel Macron débute son discours en évoquant les projets démocratiques pour l'Europe et rappelle que l'Union européenne a été confrontée ces dernières années à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine.
« Alors nous n'avons pas tout réussi. Il faut être lucide, en particulier lorsque vous souhaitez rendre notre Europe plus démocratique […] Mais il y a eu des réussites, en particulier en matière d'unité et de souveraineté, ce qui n'était pas acquis », dit-il. « Nous avons bâti une vraie stratégie d'autonomie dans des secteurs clés, des semi-conducteurs aux matières premières critiques […] Malgré les crises, jamais l'Europe n'a autant avancé », souligne-t-il.
« Plus personne n'ose tellement proposer des sorties, ni de l'Europe, ni de l'euro », se réjouit Emmanuel Macron, dans un tacle à ses adversaires et notamment à l'extrême droite. Mais si les « nationalismes » ne « proposent plus de sortir de l'immeuble, de l'abattre », ils « proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer », prévient-il. Ce qui finirait par tuer le projet européen, insiste-t-il.
« Notre Europe peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix »
« Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, de manière unie, ce qui nous permet aujourd'hui de nous tenir ensemble et d'être là. Pour autant, est-ce suffisant ? », affirme Emmanuel Macron. « Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe aujourd'hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant », alerte-t-il.
« Le risque c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts […] Nous sommes encore trop lents, pas assez ambitieux », avertit-il.
« C'est aujourd'hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas », affirme le chef de l'Etat. La « démocratie libérale » de l'Europe et ses valeurs sont « de plus en plus critiquées » et « contestées », prévient-il.
Selon Emmanuel Macron « les grandes transformations, celle de la transition digitale, celle de l'intelligence artificielle comme celle de l'environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant ». Tout comme « l'attaque contre les démocraties libérales, contre nos valeurs, une certaine relation avec la liberté, la justice, le savoir. »
Bâtir un « concept stratégique » de « défense européenne crédible »
« L'Europe puissance, c'est simple, c'est une Europe qui se fait respecter et qui assure sa sécurité […] C'est une Europe qui assume d'avoir des frontières et qui les protège. C'est une Europe qui voit les risques auxquels elle est exposée et qui s'y préparent pour ça », explique Emmanuel Macron, soulignant que « le principal danger pour la sécurité européenne est évidemment aujourd'hui la guerre en Ukraine. »
Le chef de l'Etat français appelle à « une défense crédible du continent européen » et annonce qu'il va, dans les prochains mois, inviter « à bâtir cette initiative européenne de défense ». Il évoque au passage la possibilité pour l'Europe de se doter d'un bouclier antimissiles.
Il défend « une préférence européenne dans l'achat de matériel militaire » et soutient l'idée d'un emprunt européen pour financer cet effort de défense et notamment développer « une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense ». Il propose également la « création d'une Académie militaire européenne pour former les futurs cadres militaires et civils européens ».
« Une Europe qui maîtrise ses frontières »
Emmanuel Macron souhaite une Europe aille plus loin pour lutter contre l'immigration. Il plaide pour une « plus forte coopération », au-delà du seul pacte asile et immigration récemment adopté par l'Union européenne et qui est, selon lui, une « avancée inédite ». Il propose « une structure politique » au niveau européen sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme et que « le Conseil Schengen devienne un véritable Conseil de sécurité intérieure de l'Union ».
Il pousse pour davantage de « coopération avec les pays d'origine et de transit », des conditions d'immigration « plus franches » et « une lutte sans relâche contre le modèle économique des passeurs et des trafiquants d'êtres humains ». Le président français a dénoncé ce qu'il a appelé la « géopolitique du cynisme » avec le renvoi des demandeurs d'asile vers des pays tiers, comme le fait le Royaume-Uni vers le Rwanda .
Une Europe « leader mondial » dans 5 secteurs stratégiques
Sur le plan économique, Emmanuel Macron a plaidé pour un nouveau « pacte de la prospérité ». Il estime qu'il « faut produire plus et vert ». Il vante une « production décarbonée », qui est selon lui « une opportunité de réindustrialisation et de maintien de nos industries » et cite l'exemple de l'hydrogène et de la production de batterie électriques.
Le président français veut que l'Europe se fixe pour objectif d'être « leader » mondial d'ici 2030 dans « cinq secteurs stratégiques de demain » : l'intelligence artificielle, l'informatique quantique, l'espace, les biotechnologies et « les nouvelles énergies (hydrogène, réacteurs modulaires et fusion nucléaire) ».
Il veut également inscrire dans les traités communautaires « la préférence européenne » dans « la défense et le spatial ».
La concurrence de la Chine et des Etats-Unis est une autre menace vitale pour le Vieux Continent, prévient Emmanuel Macron. Il appelle à une « révision » de la politique commerciale européenne pour une meilleure défense des intérêts. « Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a quinze ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques », souligne-t-il.
Un « choc d'investissements commun »
Emmanuel Macron appelle à un « choc d'investissements commun » en doublant la capacité financière de l'UE. Taxe carbone aux frontières, sur les transactions financières, sur certains bénéfices des multinationales… « il y a des tas de ressources propres qui ne touchent pas les ressortissants européens qui sont à utiliser pour ce budget », juge-t-il.
Il estime que la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait plus uniquement déterminer sa politique monétaire en fonction de la lutte contre l'inflation, mais intégrer au minimum un objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation de l'économie.
Amplifier les mesures pour la jeunesse
Emmanuel Macron propose que les programmes pour une mobilité de la jeunesse
mobilité de la jeunesse européenne soient amplifiés. « Il nous faut décupler l'Erasmus de l'apprentissage et de la formation professionnelle avec un objectif de 15 % des apprentis en mobilité européenne d'ici 2030 », dit-il.
Il plaide aussi pour que les étudiants puissent « circuler en train partout en Europe » et que le Pass culture, créé en France en s'inspirant d'un dispositif italien, soit proposé au niveau européen.
Une « Europe de la majorité numérique à 15 ans »
Emmanuel Macron plaide pour que la majorité numérique dans l'Union européenne passe à 15 ans, et pour un « contrôle parental » de l'accès aux réseaux sociaux en dessous de cet âge. « Parce que c'est un accès, si on n'en contrôle pas les contenus, qui est le fruit de tous les risques et des déformations d'esprit, qui justifient toutes les haines », justifie-t-il.