samedi 25 mai 2024

CANNES 2024 OFFICIEL

 Clôture

Palme d’or pour «Anora» de Sean Baker : retrouvez le palmarès du Festival de Cannes 2024

Au terme de la cérémonie de clôture du 77e Festival de Cannes, le jury présidé par Greta Gerwig a consacré palme d'or le film de l’Américain. L’Indienne Payal Kapadia repart avec le grand prix et l’Iranien Mohammad Rasoulof avec un prix spécial du jury.
Un film a mis d'accord Catherine Balle et Renaud Baronian, nos deux critiques à Cannes, où la Palme d'or du 77e Festival international du film sera décernée ce samedi (Illustration). AFP/Loïc Venance




Greta Gerwig et son jury ont vu les 22 films de la compétition et on imagine que, comme nous, ils sont passés par toutes les nuances allant de l’adhésion totale au rejet le plus catégorique. Ils ont malgré tout réussi à en  tirer un  palmarès tout à fait intéressant, proche des préférences des critiques de LibéC’est donc le merveilleux Anora de Sean Baker qui succède à Anatomie d’une chute de Justine Triet, la première fois depuis treize ans qu’un film américain est palmé d’or.

Cette année, les heureux élus sont :



Palme d’or

Anora de Sean Baker

Sean Baker transforme l’excès. Bourré d’énergie et porté par la formidable Mikey Madison, le film du cinéaste américain sur une jeune travailleuse du sexe tentant de s’extirper de sa condition par un mariage fortuné ravit. Lire notre critique



Grand Prix

“All We Imagine as Light”, de Payal Kapadia

Kani Kusruti et Divya Prabha.

Kani Kusruti et Divya Prabha. Petit Chaos/Les Films Fauves/Arte France/Chalk & Cheese/Geko Films

Le premier film indien en compétition depuis trente ans suit deux infirmières colocataires dans leurs vies quotidienne et intérieure, à Mumbai. Une fiction proche de la chronique documentaire autour d’héroïnes contrastées pour un film à la fois âpre et sensible, dont l’absence d’enjeu narratif très marqué peut autant charmer que gêner. 


All We Imagine as Light de Payal Kapadia

Et la lumière fuse. Première Indienne sélectionnée en compète, la cinéaste nous bouleverse avec son premier long de fiction magnifique et généreux sur un trio de femmes dont les chemins se croisent et se nouent. Lire notre critique

Médaille d’argent pour All We Imagine as Light, le premier film indien présenté depuis 30 ans en compétition. Le film de l’Indienne Payal Kapadia met en scène les pérégrinations d’un trio de femmes - en sari sur l’estrade du Palais - à Mumbay (Bombay). Prahba, Anu et Parvaty cherchent à échapper au carcan de la société indienne influencée par le dirigeant du pays, Narendra Modi. All We Imagine as Light a traversé les frontières : son succès s’est répercuté jusqu’en Europe.



Prix du jury

Emilia Perez de Jacques Audiard

Prix du jury du Festival de Cannes et ses actrices le prix d’interprétation.

Comédie musicale en espagnol sur un narco-trafiquant mexicain qui change de sexe et de vie, « Emilia Perez » de Jacques Audiard retourne la tête et le cœur. Soulignons « l’ampleur » d’un long-métrage « monstrueux de mise en scène et d’inventivité ».  Saluons le « souffle » et « l’énergie d’un film qui se renouvelle sans cesse ».


Selena Gomez est l’épouse puis la veuve de Manitas, narcotrafiquant décidé à accomplir sa transition en femme.

Selena Gomez est l’épouse puis la veuve de Manitas, narcotrafiquant décidé à accomplir sa transition en femme. Photo Shanna Besson/Why Not Productions/Page 114


Poussive la chansonnette. A coups de tableaux hypervolontaristes, le réalisateur français en fait trop dans cette comédie musicale improbable, où un narcotrafiquant mexicain repenti change de sexe. Lire notre critique

Jacques Audiard a remporté le prix du jury. Stephane Mahe / REUTERS

«Je pense que tout le monde sait dans cette salle ce que ça coûte de faire des films», a déclaré Xavier Dolan avant la remise du Prix du jury. Une deuxième victoire pour cette comédie musicale signée Jacques Audiard, déjà distingué par le prix d’interprétation féminine. Le réalisateur avait déjà remporté le Grand prix du Jury en 2009 pour Un prophète.



Prix de la mise en scène

Grand Tour de Miguel Gomes

Colons irritants. Sur les traces d’une femme abandonnée traquant son fonctionnaire de promis à travers l’Asie du début du XXe siècle, l’épopée hybride du cinéaste portugais est un triste ratage. Lire notre critique




Prix spécial du jury

Dans le viseur du régime iranien, le réalisateur a fui son pays pour échapper à une nouvelle peine de prison. Il compte parmi les favoris de la sélection cannoise cette année avec Les Graines du figuier sauvage.
Grande voix du cinéma iranien qui n’a cessé de braver la censure, Mohammad Rasoulof, qui vient de fuir clandestinement l’Iran, est arrivé au Festival de Cannes hier. Il doit présenter ce vendredi son film en compétition pour la Palme d’or.

 

Un prix spécial a été donné au cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, qui a dû s’exiler clandestinement à cause de son dernier film, La Graine de la figue sacrée.

“Les Graines du figuier sauvage”, magistral manifeste de Mohammad Rasoulof pour la liberté en Iran


Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof

le drame de l’Iranien Mohammad Rasoulof, « Les Graines du figuier sauvage ». Une intrigue familiale qui démarre lorsqu’Iman, le père, est nommé enquêteur auprès d’un juge d’instruction à Téhéran et que sa promotion coïncide avec la mort de l’étudiante Mahsa Amini, en septembre 2022, qui a déclenché des émeutes sanglantes. Ce sont « 2h48 d’une tension haletante et un thriller incroyablement éclairant sur la situation de l’Iran », selon Catherine. Renaud, lui, a adoré « la troisième heure, où Rasoulof relance totalement son film ».

“Les Graines du figuier sauvage”, de Mohammad Rasoulof

Soheila Golestani, Mahsa Rostami et Setareh Maleki.

Soheila Golestani, Mahsa Rostami et Setareh Maleki. Parallel45/Run Way Pictures/Arte France Cinema

Alors que la jeunesse du mouvement « Femme, vie, liberté » se révolte contre les mollahs, un enquêteur fidèle au pouvoir perd son arme… et suspecte sa femme et ses deux filles. Avant de se résigner à quitter l’Iran pour échapper à cinq ans de prison ferme, le cinéaste contestataire a pu réaliser son plus beau film. Un chef-d’œuvre d’une puissance politique et esthétique d’autant plus inouïe qu’il a été tourné dans la clandestinité. 

Fable, vie, liberté. Métaphore de la situation de son pays, le film du cinéaste iranien désormais en exil fait monter la parano dans une famille au fil du mouvement de contestation, et mêle à la fiction la violence d’images documentaires. Lire notre critique et l’interview de Mohammad Rasoulof


Prix d’interprétation féminine

Collectif : Les actrices d’Emilia Perez

Côté prix d’interprétation, on opte pour Zoe Saldaña, totalement bluffante dans « Emilia Perez », où elle joue, chante et danse au côté de Karla Sofia Gascón, impeccable elle aussi dans ses deux rôles. « Elles le méritent toutes les deux, mais la performance de Saldaña est encore plus folle »

Le prix d'interprétation féminine est remis aux quatre actrices d'Emilia Perez, la comédie musicale de Jacques Audiard : Adriana Paz, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez et Zoe Saldana. Stephane Mahe / REUTERS

L'artiste transgenre Karla Sofía Gascón, submergée par l'émotion, a été couronnée du prix d'interprétation féminine. Elle n'est pas la seule, puisque «l'ensemble des actrices d'Emilia Perez», le dernier film de Jacques Audiard, ont également été récompensées : Selena Gomez, Karla Sofia Gascon, Zoe Saldaña et Adriana Paz. Emilia Perez narre le parcours d'un truand mexicain qui change de sexe, puis abandonne ses pratiques criminelles pour fuir le pays et retrouver sa famille.

Karla Sofía Gascón, l'une des quatre actrices à recevoir le prix d'interprétation féminine, samedi 25 mai. (Christophe Simon/AFP)

Collectif pour Karla Sofía Gascón, Zoe Saldana, Selena Gomez et Adriana Paz dans Emilia Perez de Jacques Audiard



Prix d’interprétation masculine

Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos

Chelou y es-tu ? Persistant dans les provocations vaines et de plus en plus gratuites, le cinéaste explore les vicissitudes du monde à travers trois portraits de psychopathes, sans jamais nous intéresser au sort de ses personnages. Lire notre critique et le portrait de Jesse Plemons

Omar Sy a remis le prix d’interprétation masculine à Jessy Plemons pour son rôle dans Kinds of Kindness du réalisateur Yórgos Lánthimos (The Lobster). L’acteur n’était pas présent pour recevoir sa distinction : Matthieu Rey, son attaché de presse, a lu message. Dans le premier tryptique du film, il figure Robert, un homme soumis à Raymond (Willem Dafoe), esthète sophistiqué qui surjoue la gentillesse et l’utilise à son gré.



Prix du scénario

Prix du scénario - The Substance

Coralie Fargeat a décroché le prix du scénario. Clodagh Kilcoyne / REUTERS

« The Substance », thriller ultra-gore de la Française Coralie Fargeat, voit Demi Moore se transformer en son double « plus jeune, plus beau, plus parfait » et se faire métaphoriquement dévorer par celui-ci. « C’est tellement gonflé, jouissif et porteur d’un discours percutant sur l’obligation des femmes à rester désirable »


Le prix du scénario a été attribué à The Substance , de Coralie Fargeat. Ce film, qui apparaît comme une critique du showbiz, met en scène Demi Moore dans le rôle d’Elizabeth Sparkle. Celle-ci, menacée de perdre son poste de présentatrice pour une émission de fitness, s’injecte une «substance» afin de créer une version plus jeune d’elle-même.


The Substance de Coralie Fargeat

Rides or die. La réalisatrice française s’éclate avec une comédie choc et gore sur le vieillissement du corps féminin, avec Demi Moore en star sur le retour, tentant de se refaire une jeunesse grâce à un sérum aux effets secondaires monstrueux. Lire notre critique



Caméra d’or

Armand de Halfdan Ullmann Tondel

Caméra d’or - Armand

Halfdan Ullmann Tondel arborant le trophée de la Caméra d’or. SAMEER AL-DOUMY / AFP

Le prix qui distingue les premiers films de jeunes réalisateurs, annoncé par Emmanuelle Béart, a récompensé Armand du Norvégien Halfdan Ullmann Tondel. Dans cette œuvre, un incident qui se produit à l’école oppose les récits de deux enfants, Armand et Jon. Les familles en seront bouleversées.



Mention spéciale de la Caméra d’or

Mongrel de Chiang Wei Liang

On en a plein le dolorisme. Malgré sa singularité, le film de Chiang Wei Liang, jeune cinéaste taiwanais, sur un travailleur migrant exploité pousse un peu loin son pessimisme et son âpreté. Lire notre critique



Palme d’or du court métrage

The Man Who Could Not Remain Silent de Nebojsa Slijepčević



Queer palm

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde d’Emanuel Parvu

En Roumanie profonde, de l’homophobie au kilo. Dans le cadre somptueux du delta du Danube, soit à Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, Emanuel Parvu raconte, de manière parfois trop appuyée, le rejet par tout un village d’un jeune garçon surpris en train d’en embrasser un autre. Lire notre critique

“Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde”, d’Emanuel Parvu

Ciprian Chiujdea et Laura Vasiliu.

Ciprian Chiujdea et Laura Vasiliu. FamArt Production/National Cinema Center

En racontant l’agression d’un jeune homosexuel dans le delta du Danube et les réactions tout aussi violentes de son entourage, le cinéaste roumain tend un implacable miroir à une société malade, à la manière de son compatriote Cristian Mungiu (Baccalauréat, R.M.N.)



Pour aller plus loin :

Un certain regard

  • Grand Prix : Black Dog, de Guan Hu
  • Prix du jury : L’Histoire de Souleymane, de Boris Lojkine
  • Mention spéciale : Norah, de Tawfik Alzaidi
  • Meilleure actrice : Anasuya Sengupta, pour The Shameless, de Konstantin Bojanov
  • Meilleur acteur : Abou Sangare, pour L’Histoire de Souleymane, de Boris Lojkine
  • Prix de la meilleure réalisation : Roberto Minervini, pour Les Damnés, et Rungano Nyoni, pour On Becoming a Guinea Fowl, ex aequo.
  • Prix de la jeunesse : Vingt Dieux, de Louise Courvoisier

“Grand Tour”, de Miguel Gomes

Uma Pedro na Sapato/Vivo Film

Au début du XXᵉ siècle, un fonctionnaire colonial britannique prend la poudre d’escampette en Asie du Sud-Est. Miguel Gomes nous entraîne dans son sillage. Malgré un certain minimalisme, le dépaysement est garanti dans ce film aventureux à la conception très originale : le scénario est né d’images documentaires enregistrées in situ par le cinéaste avant de tourner la partie fiction en studio. 

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