Les allergiques au 32ᵉ degré ne tiendront pas dix minutes devant ce festival d’idioties. Même si, entre les lignes, on peut y déceler un propos sur la bêtise du monde et sur la façon dont l’homme a réussi à lentement s’autodétruire.
SÉRIE
Le créateur de Black Mirror confie à Philomena Cunk (Diane Morgan), journaliste à la bêtise abyssale, le soin de retracer l’histoire de l’humanité en cinq épisodes. De jeux de mots nullissimes en questions absurdes, un « mockumentaire » hilarant… au 32ᵉ degré.
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Le créateur de “Black Mirror” confie à Philomena Cunk (Diane Morgan), journaliste à la bêtise abyssale, le soin de retracer l’histoire de l’humanité en cinq épisodes. De jeux de mots nullissimes en questions absurdes, un “mockumentaire” hilarant… au 32ᵉ degré.
« Qu’est-ce qui a eu le plus d’impact sur l’histoire culturelle : la Renaissance ou Single Ladies de Beyoncé ? » La question, posée avec le plus grand sérieux à un spécialiste de ladite période historique, en dit long sur l’intelligence de Philomena Cunk (Diane Morgan). Cette reporter anglaise au regard vaguement bovin sillonne la planète pour retracer l’histoire de l’humanité. Des premiers humains aux réseaux sociaux, de Platon à Einstein, de la naissance du christianisme à la Seconde Guerre mondiale, elle passe d’un sujet majeur à l’autre, à grand renfort d’images d’archives et de témoignages d’universitaires et d’intellectuels tout ce qu’il y a de plus authentiques. Planète Cunk, diffusée par la BBC en septembre dernier, et désormais disponible sur Netflix, ressemble à un documentaire de la télévision publique britannique… sauf qu’il s’agit d’une vaste plaisanterie, un « mockumentaire » écrit par Charlie Brooker, le créateur de Black Mirror, chroniqueur et satiriste de métier.
Personnage récurrent d’une émission à sketchs présentée par Brooker sur BBC2 entre 2013 et 2016, Philomena Cunk est une figure familière aux Britanniques. Le public hexagonal aura besoin d’un temps d’adaptation avant de rire de la stupidité abyssale de cette cousine de Raphaël Mezrahi et Ali G (autre reporter idiot incarné par Sacha Baron Cohen). Planète Cunk empile les blagues et les jeux de mots nullissimes, mélangeant à vitesse grand V satire, grotesque, absurde… D’abord assommé par la logorrhée autosatisfaite de Cunk, on finit par rire… d’épuisement – « Descartes a écrit “je pense, donc je suis”, donc si je pense que je suis Eddie Murphy, je vais devenir Eddie Murphy ? » demande-t-elle à un philosophe –, puis grâce à des questions surréalistes – « En quoi l’assassinat de Lincoln l’a-t-il empêché de gouverner ? », « La Chine a une grande muraille, mais sait-on si elle a aussi un toit ? »
Les confrontations avec les spécialistes sont particulièrement gratinées. Tous attentifs et concentrés, les experts tentent valeureusement d’apporter des réponses sérieuses, réussissant même parfois à élaborer des théories complexes à partir des sorties idiotes de Cunk. Quand elle permet à ces interviews de s’étirer un peu, que le montage nerveux se détend, Planète Cunk devient hilarante. Par exemple, quand Cunk demande à un musicologue consterné ce que signifie « dum dum dum dum », au début de la 5ᵉ Symphonie de Beethoven – « c’est nul, comme paroles ! » – ou quand, après qu’un très martial spécialiste des conflits armés lui a expliqué que la bombe atomique représente toujours une menace, elle lui propose de parler plutôt de Dancing Queen, d’ABBA, un sujet nettement moins terrifiant – ce que le colosse fait de bon cœur.
Les allergiques au 32ᵉ degré ne tiendront pas dix minutes devant ce festival d’idioties. Même si, entre les lignes, on peut y déceler un propos sur la bêtise du monde et sur la façon dont l’homme a réussi à lentement s’autodétruire. En grand fan des Monty Python, Charlie Brooker inscrit Planète Cunk dans la lignée des sketchs géniaux de la bande formée par Cleese, Gilliam, Jones et compagnie… dans leur version volontairement privée de toute finesse.