On prête à Talleyrand la formule «Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console». Elle ne marche pas à tous les coups. On pourrait même la retourner s'agissant de la gestion de l'immigration en France si l'on en croit le rapport explosif que publie la Fondation pour l'innovation politique dont nous publions des extraits exclusifs. La Fondapol a réalisé un travail à la fois simple, titanesque et nécessaire : comparer les politiques migratoires des pays membres de l'Union européenne. Quelles exigences en termes d'intégration (notamment dans la maîtrise de la langue du pays d'accueil) ? Quid du regroupement familial ? Quelles conditions pour obtenir la nationalité par naturalisation ? Quelle politique d'accueil (accès aux soins, législation pour les mineurs, allocations pour les demandeurs d'asile) ? Le résultat est édifiant. Sur presque tous les sujets, la France a la politique la plus laxiste («la plus généreuse», diraient les bonnes âmes de gauche qui habitent dans les immeubles haussmanniens du 6e et du 9e arrondissement de Paris). Un seul exemple parmi les dizaines détaillés dans le rapport : quand l'Allemagne, l'Espagne ou le Danemark imposent aux étrangers souhaitant être naturalisés un test (généralement un QCM) sur la compréhension et l'approbation de valeurs du pays où ils ont émigré, la France se contente de proposer un entretien au candidat... Comme le souligne Dominique Reynié, directeur général de la Fondapol interrogé par Guillaume Roquette, le refus des autorités politiques administratives et politiques françaises d'observer de près ce que font leurs voisins en matière de politique migratoire relève de «la cécité volontaire». Peur de nourrir le populisme, peur de faire «le lit de Le Pen», peur d'affronter la réalité... Résultat : Marine Le Pen est aux portes du pouvoir et ni l'immigration légale ni l'immigration illégale ne semblent contrôlées ni même contrôlables ! Gouverner, c'est prévoir, sauf en France, manifestement... À moins que la loi sur l'immigration que présentera bientôt le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ne consiste à renverser la table et la vapeur. Mais on a d'autant plus le droit d'en douter que «le doute est le commencement de la sagesse» (là, ce n'est pas de Talleyrand, mais d'Aristote).

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