TOUR DE PASSE-PASSE

 Et hop ! Les députés transforment la redevance en impôt invisible

Olivier Milot

Tant d’amateurisme et de désobligeance sont confondants. Après des heures de débats houleux, la disparition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP, ex-redevance) a été adoptée par les députés en plein cœur de l’été, par moins d’un tiers de la représentation nationale alors en séance. Elle sera remplacée par une fraction de la TVA votée par le Parlement chaque année. Joli tour de passe-passe qui consiste à remplacer un impôt par un autre, le tout au nom du pouvoir d’achat et dans une joyeuse improvisation. On rembobine. Au départ, il y a la promesse de campagne du candidat Macron de supprimer la CAP pour alléger les impôts des Français. Problème… par quoi la remplacer ? Le budget de l’État, pardi. Simpliste et… irresponsable. Faire dépendre le financement des télévisions et radios publiques au bon vouloir de l’État, c’est remettre en cause leur indépendance et, en prime, risquer de se voir censurer par le Conseil constitutionnel. Tollé général et reculade désorganisée. Dans la pagaille, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale et fine connaisseuse de l’audiovisuel, sort de son chapeau la cartouche TVA, et la fait avaliser par son groupe et ses alliés sans vrai débat. Malin. À première vue, du moins. Un prélèvement sur la TVA isole les ressources allouées à l’audiovisuel public du budget de l’État. On conserve ainsi un système de taxe affectée, et avec lui des ressources garanties et le principe de l’indépendance des chaînes publiques. Sauf que continuer à présenter la suppression de la CAP comme une mesure de défense du pouvoir d’achat tout en la remplaçant par une fraction de la TVA relève de la démagogie. Non seulement les Français vont continuer à payer pour leurs télévisions et radios publiques, mais les quelque cinq millions de foyers modestes qui en étaient jusqu’ici exonérés vont désormais devoir mettre au pot. Supprimer un impôt visible pour le remplacer par un impôt invisible et plus injuste, c’est du grand art. Les Français et leur audiovisuel public méritaient mieux que ce mauvais numéro de prestidigitation.

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