MINISTÈRE DES OUTRE-MER

 

Cet attelage gouvernemental a consterné bon nombre de personnes, y compris dans l’appareil d’État, où plusieurs interlocuteurs soulignent l’« incohérence » de ces nominations. 

En Nouvelle-Calédonie, par exemple, l’entrée au gouvernement de Sonia Backès, figure de la droite extrême et présidente – qui entend le rester – de la Province Sud de l’archipel, a soulevé de nombreuses questions.


Sonia Backès, Emmanuel Macron, Gérald Darmanin, Jean-François Carenco et Caroline Cayeux.

le président de la République a donc choisi de revenir dix ans en arrière, en confiant ce portefeuille clé à Gérald Darmanin. Celui-ci est aujourd’hui épaulé par deux ministres délégués – Jean-François Carenco (outre-mer) et Caroline Cayeux (collectivités territoriales) – et une secrétaire d’État – Sonia Backès (citoyenneté).


Dans les outre-mer, les choix de Macron attisent la colère et l’inquiétude

En plaçant les territoires ultramarins sous la tutelle du ministère de l’intérieur et en chargeant des personnalités clivantes de s’en occuper, le président de la République a consterné bon nombre d’élus et de hauts fonctionnaires. Des Antilles à la Nouvelle-Calédonie, la situation est aujourd’hui critique. Et la rupture bientôt consommée.

 Quelques mots, une poignée de promesses et de grandes généralités. Le passage de la déclaration de politique générale d’Élisabeth Borne consacré aux outre-mer n’aura pas suffi à rassurer les ultramarins, dont le niveau de défiance à l’égard du pouvoir exécutif et de la politique d’Emmanuel Macron est désormais abyssal. « Pour le moment, on reste sur notre faim », résume auprès de Mediapart Justin Daniel, professeur de sciences politiques de l’université des Antilles (UA).

Dans son discours du mercredi 6 juillet, la cheffe du gouvernement a rappelé les « doutes », les « craintes » et les « colères » qui se sont exprimées ces derniers mois dans le bassin océanique, mais aussi à la Réunion et à Mayotte, où Marine Le Pen a tutoyé les nuages des suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle. « Je demande à tout mon gouvernement la plus grande attention pour les territoires ultramarins », a insisté la première ministre devant la représentation nationale.

Sonia Backès, Emmanuel Macron, Gérald Darmanin, Jean-François Carenco et Caroline Cayeux. © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

Cette déclaration d’intention n’a pas convaincu les député·es des territoires concernés, déjà refroidis par la nouvelle architecture gouvernementale proposée deux jours plus tôt. « C’était un discours assez écologique parce qu’à l’image des éoliennes, ça a brassé beaucoup d’aira ironisé le député réunionnais de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) Frédéric Maillot, regrettant, à l’instar de plusieurs de ses collègues, « le manque de considération » de l’exécutif pour les outre-mer.

En rattachant ces derniers au ministère de l’intérieur, comme l’avaient fait Nicolas Sarkozy et d’autres avant lui, Emmanuel Macron a suscité de vive critiques parmi les élu·es ultramarin·es. « Retour en arrière historique pour les outre-mer : plus de ministère de plein exercice mais sous la houlette du ministre de l’intérieur… quel message envoie-t-on aux ultramarins ? Prière de ne pas déranger ? Le mépris continue… »a réagi Karine Lebon, elle aussi députée Nupes de la Réunion.

Le sénateur socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel, ancien ministre des outre-mer (2012-2014) sous le quinquennat de François Hollande, a également dénoncé « un recul évident », qu’il apparente à « une punition électorale »« Depuis Nicolas Sarkozy, on n’avait plus fait ça. Ainsi, on revient au statu quo ante, avec probablement une sorte de mépris affiché. Je le dis très clairement, c’est un mauvais signal qui nous est envoyé », a-t-il indiqué dans les colonnes de France Info.

Un attelage gouvernemental incohérent

Deux mois après avoir conforté un ministère de plein exercice – rapidement abandonné par Yaël Braun-Pivet pour le perchoir de l’Assemblée nationale –, le président de la République a donc choisi de revenir dix ans en arrière, en confiant ce portefeuille clé à Gérald Darmanin. Celui-ci est aujourd’hui épaulé par deux ministres délégués – Jean-François Carenco (outre-mer) et Caroline Cayeux (collectivités territoriales) – et une secrétaire d’État – Sonia Backès (citoyenneté).

Pour des raisons évidemment très différentes d’un territoire à l’autre, cet attelage gouvernemental a consterné bon nombre de personnes, y compris dans l’appareil d’État, où plusieurs interlocuteurs soulignent auprès de Mediapart l’« incohérence » de ces nominations. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, l’entrée au gouvernement de Sonia Backès, figure de la droite extrême et présidente – qui entend le rester – de la Province Sud de l’archipel, a soulevé de nombreuses questions.

« Participera-t-elle aux discussions locales sur le projet d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie, soumis éventuellement à une consultation locale, selon le processus initié par Sébastien Lecornu [ancien ministre des outre-mer – ndlr], en tant que présidente de la Province Sud, dans le camp “loyaliste” ou aux côtés du ministre délégué aux outre-mer comme représentante de l’État ? Les deux “en même temps”, ce ne sera pas possible », a noté sur sa page Facebook le haut fonctionnaire Alain Christnacht, l’un des artisans des accords de Matignon-Oudinot (1988) et de Nouméa (1998).

Après un premier déplacement à la Réunion vendredi 8 juillet, Gérald Darmanin a annoncé qu’il se rendrait en Nouvelle-Calédonie à la fin du mois, avec Jean-François Carenco. Dans l’archipel du Pacifique, la situation politique est à l’arrêt depuis la tenue, le 12 décembre 2021, du troisième référendum d’autodétermination, maintenu par Emmanuel Macron malgré le boycott des indépendantistes. « Il faut savoir ce qu’on en tire comme conclusion après ce troisième référendum », a souligné le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur BFMTV.

Mais avant même qu’un semblant de discussion sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ne puisse reprendre, la nomination de la loyaliste Sonia Backès est venue ajouter du désordre à la confusion. « On finit par oublier que l’on doit être fier d’avoir une Calédonienne là-bas, mais parce que ça intervient à un moment de l’histoire où l’on a besoin de clarté et forcément, ça pose un problème »a affirmé Louis Mapou, premier indépendantiste kanak à avoir accédé, en 2021, au poste de président du gouvernement collégial de l’archipel.


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