Etape 9
A la vérité, le Tour est pris en tenaille. Se confrontent la lassitude générale des coureurs, pas différente de celle du reste de la population – un participant nous confiait son émotion après avoir eu peur d’embrasser son enfant avant le départ au Danemark. Et aussi la volonté de certains de revenir vers une vie cloisonnée pendant trois semaines. Samuel Maraffi, le médecin de B & B Hotel-KTM, assure à Libération qu’aucune «psychose» ne règne au sein de son équipe. Plutôt de «l’angoisse» et des têtes qui cogitent beaucoup. «On est beaucoup plus stressés qu’au cours des deux dernières années, où l’on était isolé du monde, expose-t-il. Là, la course est moins verrouillée, il n’y a pas eu la création d’une vraie bulle. Seulement une sorte de simili-bulle, avec des contacts extérieurs. Or, si ce n’est pas hermétique et si le Covid entre…»
Ennemi de Pogacar
La B & B mène des tests tous les deux ou trois jours et demande à chaque personne qui entre avec ses coureurs de fournir un test PCR. Du reste, chaque équipe a établi son protocole. Au paddock, Arkéa, TotalEnergies, la Bahrain, la Movistar ou la Cofidis usent de masques chirurgicaux, quand sont en FFP2 la Bora-Hansgrohe, AG2R ou la Jumbo. Cette dernière, machine à cash qui compte dans ses rangs le serial vainqueur Wout van Aert ou les préposés aux premières places du général, Primoz Roglic et Jonas Vingegaard, a tout bloqué. «Pour nous, c’est impossible d’élever le niveau de précautions, il est au maximum», assure la formation néerlandaise.
La Jumbo n’est pas le seul cador à grelotter. Le docteur d’UAE, l’équipe du maillot jaune, a ainsi évoqué son inquiétude à la suite du désistement de Laengen. Le Covid semble l’unique ennemi de Tadej Pogacar tant celui-ci galope sans fumée aux naseaux. «Nous sommes tous les jours sur la route, en montagne il y a beaucoup de monde qui vous encourage et vous crie dessus. C’est quelque chose que j’aime beaucoup mais qui augmente les possibilités d’être infecté par le virus, estime le Slovène. J’espère que tout ira bien jusqu’à la fin. C’est vraiment une situation préoccupante. Le Covid peut tout ruiner sur le Tour.» Du reste, Pogacar fréquente les mêmes hôtels que d’autres équipes. Parfois au même étage, quand ce n’est pas… la porte en face. Ce que Libération a vu de ses yeux.
Le Tour de France a quitté la Suisse avec des palpitations de stress. Le Covid s’est incrusté dans la caravane et ne touche plus seulement des membres d’encadrement. Après les abandons de Vegard Stake Laengen (UAE), coéquipier du maillot jaune Tadej Pogacar, et de Geoffrey Bouchard (AG2R Citroën) samedi, c’était au tour de Guillaume Martin (Cofidis) d’abandonner dimanche, avant le départ à Aigle. Un coureur de premier plan, huitième et premier Français du général en 2021. Jamais, alors qu’elle défie le virus pour la troisième fois, l’épreuve ne s’est montrée aussi fébrile. Trois coureurs en deux jours : à ce rythme-là, combien vont défiler à Paris ? Guillaume Martin, leader de son équipe, a expliqué avoir ressenti des maux de gorge vendredi soir. Le manager de Cofidis, Cédric Vasseur, a réagi en indiquant que son équipe dispose des systèmes à infrarouge dans les chambres des coureurs et leurs lieux de vie, pour détecter de potentiels porteurs de charge virale. Il se questionne : «On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé.»
De l’«angoisse» mais pas de «psychose»
Rien qui ne puisse rassurer, d’autant que le Tour plante son centre de dépistage ce dimanche soir. Avant la journée de repos, tous les participants sont soumis à un test antigénique obligatoire, le premier réalisé par l’organisation – auparavant, et même pour le grand départ au Danemark, ce sont les équipes qui ont mené leurs propres tests. Le suiveur devient alors cet enfant très curieux et très insistant. Et si le maillot jaune Tadej Pogacar est positif ? Et si la course devient d’un coup d’un seul un cluster aussi énorme celui du Tour de Suisse, fin juin, où seule une moitié des 152 coureurs a franchi l’arrivée ? Et si la caravane plie bagage avant même la troisième semaine ? Il ne faut pas douter de ces questions : ASO, société propriétaire de la course, et l’Union cycliste internationale y ont forcément pensé, en pleine vague épidémique. D’ailleurs, à deux jours du début de l’épreuve, au lieu de boucler la Grande Boucle à double tour, ils avaient lâché du lest sur le protocole Covid. Depuis, les coureurs dont les tests antigéniques sortent positifs s’en remettent ensuite à un PCR. Si celui-ci connaît la même issue, il reste un joker puisqu’il faut une charge virale importante et une contagiosité telle que les médecins de l’UCI décident du retrait du coureur.
Rien à voir avec la politique (quoique) mais le Tour de France débute aujourd'hui à Copenhague et vu les horaires, on appréciera fortement ce petit moment de repos des yeux, en début d'après-midi, devant la Grande boucle...
Qui de Tadej Pogačar, Primož Roglič, Daniel Martinez, Geraint Thomas ou Aleksandr Vlasov remportera le Tour de France ? Une question à laquelle il sera uniquement possible de répondre le 23 juillet, au soir du contre-la-montre de Rocamadour qui devrait sceller le sort de cette 109e édition du Tour de France. Avant l’ultime effort solitaire sur les routes lotoises, il y aura 19 étapes pour croiser le fer entre cadors. Parmi toutes ces étapes, certaines seront à haut risque pour les coureurs, que ce soit à cause du vent, des pavés ou simplement du relief.
1ère étape: Copenhague (CLM) (13km)
Pour la première fois de son histoire, le Tour de France s’élancera du Danemark avec un contre-la-montre de 13 kilomètres dans les rues de Copenhague. Avec ce chrono inaugural, les organisateurs du Tour renouent avec une tradition laissée de côté depuis l’édition 2017 et le départ de Dusseldorf. Cette année là, Geraint Thomas était devenu le premier maillot jaune du Tour, en devancant Stefan Küng, aujourd'hui pensionnaire de la Groupama-FDJ. Ce premier test dans la capitale danoise permettra de faire un premier point sur les favoris, lesquels ne sont pas tous spécialistes de la discipline chronométrée.
Dès la deuxième étape, les coureurs seront mis à l’épreuve. Si le profil de la course n’a rien de détonant, c’est dans les derniers kilomètres que les choses se corsent. A l’approche de Nyborg, les coureurs emprunteront le pont du Grand Belt, un ouvrage long de 18 kilomètres survolant la Mer du Nord. Si le spectacle télévisuel sera au rendez-vous, le spectacle sportif devrait l’être aussi. Le pont étant exposé au vent, des bordures pourraient piéger certains prétendants inattentifs et mal placés dans le peloton. En 2020, Tadej Pogačar avait perdu 1’20 après un coup de bordure mal négocié par le Slovène à Lavaur. Si un sprint est attendu à Nyborg, il pourrait se régler en petit comité.
Etape 5: Lille - Wallers-Arenberg (155km)
Au même titre que le vent, les pavés ont de quoi effrayer ceux ayant des rêves de maillot jaune à Paris. Rarement dégourdis sur les pavés du nord, les grimpeurs devront compter sur leurs équipiers pour passer cette journée sans encombres. Ils devront également prier pour ne pas connaître la crevaison et la chute sur certains secteurs pavés habituellement placés sur Paris-Roubaix. En 2010, l’étape arrivant à Arenberg avait mis hors-course Frank Schleck et relégué certains prétendants au maillot jaune dans les pronfondeurs du classement. 4e du Tour des Flandres pour sa première participation, Tadej Pogacar s’est déjà montré à son aise sur les pavés, alors que certains sont dans l’inconnu à l’image de David Gaudu, Guillaume Martin ou Aleksandr Vlasov.
Etape 7: Tomblaine - La Super Planche des Belles Filles (176km)
C’est le premier rendez-vous en montagne de ce Tour de France. La Planche des Belles Filles est depuis 2012 un rendez-vous fréquent du Tour qui ne déçoit rarement. Subtilité par rapport à 2012, 2017 et 2020, c’est la Super Planche des Belles Filles qui est au programme, une montée rallongée d’un kilomètre avec une route non goudronnée à 24%. Un véritable test pour les favoris qui vont probablement se découvrir sur cette rampe. En 2019, Julian Alaphilippe avait perdu son maillot jaune sur cette Super Planche des Belles Filles au profit de Gulio Ciccone, avant de finalement retrouver son bien quelques jours plus tard.
Les cols mythiques des Alpes seront au rendez-vous en ce 13 juillet. Les coureurs toujours en course s’élanceront depuis Albertville, théâtre des Jeux Olympiques d’hiver de 1992 avant que la première difficulté ne se dresse sous leurs roues. Les bien nommés Lacets de Montvernier, escaladés pour la première fois en 2015, raviront les amateurs de belles images avec ses routes ondulantes à travers les arbres. Après les belles images, la course reprendra ses droits. Les coureurs enchaîneront le Col du Télégraphe, le mythique col du Galibier (17km à 6,8%) puis plongeront dans la descente avant de se mesurer au col de Granon (11km à 9%) où sera jugée l’arrivée. Tadej Pogačar ne s’y trompe pas et a déjà posé ses roues sur cette arrivée inédite en guise de repérage. A voir si le Slovène pourra mettre définitivement ses concurrents hors-course sur cette étape dantesque.
Etape 12: Briançon - L'Alpe d'Huez (166km)
En ce 14 juillet, c’est un feu d’artifice qui attend le peloton pour cette nouvelle étape alpestre. Les coureurs auront probablement une sensation de déjà vu quand ils passeront au sommet du Col du Galibier, grimpé la veille. Ensuite l’interminable col de la Croix de Fer et ses 30km à 5% sera au programme avant l’arrivée située au sommet de l’Alpe d’Huez. Des retrouvailles attendues avec l’un des cols les plus mythiques du Tour de France après quatre ans sans arpenter ses 21 lacets. Lors de ce dernier passage, c’est le Gallois Geraint Thomas qui s’était imposé, consolidant son avance au classement général. A voir si le scénario se répétera pour le rouleur d'Ineos.
Etape 18: Lourdes - Hautacam (143km)
Tout comme sur L’Alpe d’Huez, Thierry Gouvenou et ses équipes reviennent en terrain connu pour cette étape pyrénéenne, la dernière de ce Tour de France. Non empruntée depuis 2014, la montée vers Hautacam (13 km à 7,8%) sera de nouveau au programme. Mais avant de se mesurer à ce col, les coureurs toujours en course auront à faire avec le col de l’Aubisque (17km à 7%) et un petit nouveau: le col des Spandelles (10km à 8%), escaladé pour la première fois de l’histoire de la Grande Boucle. En 2014, Vincenzo Nibali avait écrasé la concurrence et relégué Thibaut Pinot et Jean-Christophe Péraud à plus de 7’ au général après l'étape de Hautacam.
Etape 21: Paris La Défense - Paris (Champs-Élysées) (112km)
Après le Château de Versailles en 2013 et Disneyland en 1997, c’est un autre lieu de la vie culturelle francilienne qui accueillera le départ de la dernière étape avec Paris La Défense Arena. Les courageux toujours sur la route du Tour feront un passage par les Yvelines avant de rejoindre la capitale. Après les traditionnels huit tours de circuit sur les Champs-Elysées, les sprinteurs feront parler leur puissance pour la dernière fois sous le regard de l’Arc de Triomphe.