lundi 22 août 2022

Micheline Presle, 100 ans

 

Micheline Presle, 100 ans de liberté

Elle a toujours brouillé les pistes, totalement libre.

Micheline Presle, 100 ans de liberté
Micheline Presle / PHOTO: Jean-Claude Moireau/Bridgeman Images

La doyenne du cinéma français a traversé le XXe siècle sur les planches et devant les caméras, en alternant les rôles comiques et tragiques. Une carrière guidée par une bonne étoile.


Le 22 août dernier, Micheline Presle a eu 100 ans. Danielle Darrieux et Michèle Morgan disparues, elle est désormais la doyenne du cinéma français. Lui rendre hommage me tenait à cœur pour deux raisons : la première, très personnelle, est que ma grand-mère lui ressemblait beaucoup ; l’autre, plus sérieuse, est qu’elle a toujours été une actrice atypique. Micheline Presle a dû en effet se trouver une place entre ses deux illustres contemporaines, entre l’aura quasi hitchcockienne de Michèle Morgan et l’estampille « qualité France » de Danielle Darrieux. De quoi la rendre intéressante.

Elle a toujours brouillé les pistes, totalement libre, refusant même un premier rôle dans un film de Clouzot – qui n’a pas vu le jour –, pour partir en vacances. Tour à tour tragique et drôle, elle a su exploiter à merveille sa vis comica dans Les Saintes Chéries, délicieux feuilleton des années soixante de Nicole de Buron, où elle campe Ève, une mère de famille un peu fofolle, aux côtés de Daniel Gélin, nonchalant et désabusé à souhait. Elle gagne alors, sur le tard, le statut d’actrice populaire, de celles qui rassurent et rendent la vie plus légère.

On ne sait comment germe l’idée de devenir actrice dans la tête des jeunes filles de bonne famille. Chez les bonnes sœurs, la petite Micheline Chassagne a été le trublion de service : « Chassagne, vous finirez sur les planches ! » lui jette un jour au visage une religieuse qui ne croyait pas si bien dire.

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Elle débute au cinéma à 16 ans, dans Jeunes filles en détresse, avec Pabst, celui-là même qui avait lancé Louise Brooks avec Loulou. Dans « Gros Plan », un portrait que lui consacre la télévision en 1958, elle raconte avec désinvolture avoir eu beaucoup de chance au début de sa carrière, chance qu’elle a accueillie avec candeur, sans se poser trop de questions. « Et puis la chance s’est lassée », dit-elle. En effet, à la fin des années cinquante, alors que s’amorce la Nouvelle Vague, il n’est pas de bon ton d’employer des actrices d’avant-guerre. Mais un bon génie, honni de cette Nouvelle Vague, croise sa route, c’est Claude Autant-Lara. Le réalisateur la consacre « vedette du moment » avec Le Diable au corps, d’après l’admirable roman de Raymond Radiguet. Elle y incarne Marthe, une jeune mariée qui file le parfait amour avec un jeune lycéen, le temps d’une guerre. Elle y est merveilleuse de grâce et de gravité. Avec Gérard Philipe, ils forment un couple sidérant de beauté et de tragique contenu. On retrouve dans ce film toutes les qualités de jeu de Mademoiselle Presle : son sens de la retenue et de la frivolité, avec toujours cette ombre de mélancolie dans son beau regard vif. À 100 ans, dont soixante-quinze passés sur les planches et autant sur les plateaux de cinéma (124 films !), ce regard n’a pas changé.

« Regardez ce que vous me faites faire ! À cause de vous j’ai retiré mon chapeau ! » Cette réplique du Diable au corps, qui s’adresse à Gérard Philipe alors que commencent leurs amours condamnées, résume à elle seule la personnalité de cette actrice singulière.

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