Qui peut s’opposer à l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian ? Ce résistant d’origine arménienne et fusillé au Mont-Valérien le 20 février 1944 ? Les autorités allemandes en firent le symbole des étrangers qui combattaient pour la liberté de la France. Ils en firent le chef de l’Affiche rouge, même si la responsabilité était celle de Joseph Epstein, dit Colonel Gilles, Missak Manouchian mérite pleinement l’hommage que la République lui rend.
Interrogeons-nous cependant sur le lieu choisi.
En 1945, le général de Gaulle fit le choix d’inhumer, au Mont-Valérien, les corps de 15 combattants "Morts pour la France" en « héros ». Chacun de ces corps fut choisi avec une particulière attention pour porter le témoignage d’une France combattante et victorieuse. Les résistants de l’ombre et en particulier les FTP (pour ne rien dire des MOI) n’ont pas eu de place dans ce choix comme n’eurent pas de place les fusillés de la clairière. En 1954, le gouvernement rajouta un 16e corps, celui d’un combattant "Mort pour la France" en Indochine contre les Japonais. Il était donc possible de rajouter des corps…
En 1945, le Mont-Valérien symbolisa désormais la mémoire de la France combattante. Et pourtant ce n’est pas au Mont-Valérien que l’on inhuma le chef de la 2e DB, le Général Leclerc, mais dans le caveau des Gouverneurs aux Invalides en 1947. C’est là, plus tard, aussi que furent inhumés deux autres maréchaux – Juin et Koenig - le chef du Corps expéditionnaire d’Italie et le héros de Bir Hakeim. Nous pouvions penser alors que ce choix était lié au fait qu’aucun des trois futurs maréchaux n’était "Mort pour la France".
Et pourtant ce n’est pas non plus au Mont-Valérien que fut inhumé Jean Moulin en 1964 mais au Panthéon alors que lui était "Mort pour la France". Avec l’entrée successive d’autres résistants (Germaine Tillon, Geneviève de Gaulle, Pierre Brossolette et Joséphine Backer) mais aussi des victimes de la Seconde Guerre mondiale (Simone Veil qui rappelle seule la Shoah ainsi que Jean Zay tué par les miliciens), Mont-Valérien, Invalides et Panthéon se partagent désormais la Mémoire de la France Combattante.
Même si pour certains panthéonisés, ce choix élargit les thématiques mémorielles en ouvrant sur des communautés, Missak Manouchian, "Mort pour la France", rappelle aussi le génocide arménien ainsi que les combats actuels pour survivre de la nation arménienne.
Photo : Affiche Rouge - © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN 06-513923 / 2007.18.1- Grand Palais / Pascal Segrette