Pionnier du routage des voiliers de course et co-créateur de Météo Consult, Éric Mas nous délivre pendant toute la durée de l’Arkéa Ultim Challenge son analyse météo chaque mardi et vendredi pour comprendre la stratégie des Ultim en course. Dans cette treizième chronique, Éric Mas décrypte les derniers jours de cette course inédite.
Ce qu’il s’est passé
JOUR 46 : MECREDI 21 FÉVRIER
Charles Caudrelier a choisi de s’abriter derrière une île des Açores pour laisser passer une grosse houle de 7 à 8 m sur laquelle souffle un flux d’Ouest tempétueux. Au large, ces conditions sont maniables, mais quand on approche du plateau continental et de la mer d’Iroise, elles deviennent dangereuses. Le raisonnable est donc de patienter quelques jours.
Thomas Coville n’a pas eu de chance avec le pot au noir qui s’est élargi devant lui. Progression pénible avec des accélérations sous le vent des cumulonimbus et des coups de frein importants dans les calmes entre deux nuages.
Armel Le Cléac’h remonte dans l’alizé de Nord-Est, en bordure de l’anticyclone. Plus il gagne en latitude, plus son vent tourne vers l’Est. Sa vitesse moyenne s’en ressent nettement, elle est de 20 nœuds en début de matinée, de 25 nœuds en milieu de journée, de 30 nœuds en soirée.
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Anthony Marchand lutte contre des vents de Nord. Son passage du détroit de Le Maire a été laborieux dans peu d’air. Ensuite ses bords de près ne lui permettent pas d’excès de vitesse. En fin de journée sa moyenne est de 13 nœuds en vitesse de rapprochement sur 24 heures.
Éric Péron a passé la cap Horn dans de très bonnes conditions avec un vent de Nord d’une vingtaine de nœuds. Au moment de s’affronter à la remontée, sa vitesse de rapprochement sur 24 heures est de plus de 21 nœuds… de quoi se rapprocher d’Anthony.
JOUR 47 : JEUDI 22 FÉVRIER
Laissant passer les tempêtes dans son Nord, Charles reste en stand-by météo, à l’abri aux Açores.
Thomas s’échappe enfin du pot au noir pour s’attaquer à la remontée au près du solide alizé de Nord-Est.
Au moment où Thomas en sort, Armel y rentre. La « zone incertaine » semble ne pas vouloir lui faire de cadeau en devenant large et active : nombreux grains, toutes aussi nombreuses pétoles.
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Anthony continue à lutter contre les vents de Nord. Il a choisi cette option plutôt que de naviguer dans des conditions extrêmement variables le long des côtes d’Argentine.
Éric a lutté lui aussi contre ces mêmes vents mais maintenant il peut aller à la rencontre des vents de Sud arrivant sur la bordure occidentale du système dépressionnaire qui « grenouille » sous le vent de la Terre de Feu.
JOUR 48 : VENDREDI 23 FÉVRIER
Charles est toujours au calme, au centre de son anticyclone, à l’abri des grandes houles de Nord-Ouest qui proviennent des dépressions tempétueuses qui circulent dans son Nord.
Thomas met beaucoup d’Ouest dans sa route pour se préparer à contourner l’anticyclone qui est déjà costaud et qui va encore se renforcer avec l’arrivée de l’air froid contenu derrière le front que l’on voit arriver par l’Ouest. Un anticyclone costaud et bien rond qui génère un bon vent tout autour de lui, est une aubaine pour faire une route très rapide quoiqu’assez longue. À plus de 30 nœuds de moyenne, Thomas augmente l’écart qui le sépare d’Armel. Ce dernier a encore du mal à se sortir du pot au noir. Sa vitesse s’en trouve très saccadée et sa moyenne sur 24 heures n’excède pas 12 nœuds.
Anthony a quitté ses vents de Nord pour retrouver des vents de Sud en retournant vers le continent. Ces vents sont un peu sporadiques mais ils ont le mérite d’être portants. Anthony maintient sa moyenne à 20 nœuds dans des conditions moins éprouvantes.
Éric bénéficie de vents de Sud-Sud-Ouest qui se sont récemment renforcés à 25/30 nœuds. Après sa remontée un peu poussive dans les dernières 24 heures, il va pouvoir accélérer.
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Ce qui est attendu
JOUR 49 : SAMEDI 24 FÉVRIER
Charles va devoir s’extraire de l’anticyclone des Açores pour aller se confronter aux fortes conditions qui sévissent sur le proche atlantique et qui ne se sont pas beaucoup améliorées depuis le début de sa halte.
Thomas doit insister sur sa route à l’Ouest pour contourner le bel anticyclone tout rond. Son vent de travers lui permet des vitesses moyennes supérieures à 30 nœuds.
Armel est enfin dans l’alizé de Nord-Est. Il peut le prendre dans un près assez débridé avec la même intention que Thomas : le grand tour !
Anthony a bien profité de ses vents de Sud pour progresser avec des vitesses souvent supérieures à 25 nœuds. Mais Éric aussi, et sur une route plus directe. L’écart entre les deux a dû se réduire.
JOUR 50 : DIMANCHE 25 FÉVRIER
Charles a bien dû repartir, sous peine d’être menacé par Thomas. Mais après avoir été très vite dans les vents d’Ouest à l’avant d’un front froid qu’il a rapidement croisé, il subit des vents de Nord très instables, 30 nœuds avec des rafales à 45 nœuds, sur une mer forte et croisée… pas beaucoup mieux de ce qu’il avait pris le temps d’éviter jusque-là !
Thomas n’avance plus aussi vite. Il est sur le point délicat de la dorsale avec des vents faibles venant de l’arrière. Il va falloir multiplier les empannages pour ne pas rentrer vers le centre de l’anticyclone.
Armel est dans l’alizé qu’il peut prendre au débridé : il peut aller vite.