samedi 4 mars 2023

 

toute une vision du monde
Jean-Christophe Buisson | 
par Jean-Christophe Buisson
le samedi 4 mars
 
  
 

Dieu sait si on nous a parfois reproché de douter de la catastrophe climatique annoncée indifféremment par des experts ou des zozos. Dieu sait si certains de nos journalistes ont même été traités de «climato-sceptiques», ce qui, sur l'échelle de l'insulte contemporaine, se situe presque au même niveau que «fasciste» ou «harceleur sexuel». Mettons les choses au point : ne pas parler tous les jours de la fonte des glaciers qui s'accélère, des sécheresses qui se multiplient, de la montée des eaux qui croît et de la forêt amazonienne qui brûle ne fait pas de nous des irresponsables. Il se trouve que, sur ce front-là, nous nous refusons au pessimisme absolu et préférons en général pointer les bonnes nouvelles. Les raisons d'espérer. Les efforts des uns et des autres (particuliers, entreprises, États). Et que nous croyons plus en la réforme qu'en la révolution. Pour autant, nous sommes conscients de la gravité de la situation, et nous le prouvons cette semaine en donnant une place conséquente à l'enquête de Marc Lomazzi qui publie un livre en forme de cri d'alarme France 2050. RCP8.5, les scénarios du climat (Albin Michel). À l'aide de cartes frappantes, voire sidérantes, il montre comment les pics de chaleurs, les feux de forêt, les risques de crues et le recul du littoral sont des réalités depuis plusieurs décennies et combien ces phénomènes peuvent devenir dramatiques SI ON NE FAIT RIEN. Or, ce n'est pas le cas ! Beaucoup agissent, sinon spectaculairement, du moins réellement. Comme le répète le chef d'entreprise Guillaume Poitrinal, que Judith Waintraub fait débattre avec Marc Lomazzi, une «écologie de l'action» est préférable à l'autoflagellation permanente (d'autant que la France n'est pas le pays le plus en retard dans la lutte contre le réchauffement climatique). Propos salutaire d'un homme qui, dans sa propre activité professionnelle, montre l'exemple et cherche les solutions «pour décarboner nos modes de vie». Et, accessoirement (c'est le titre de son essai par aux éditions Stock), pour «en finir avec l'apocalypse». Comme nous.

 
L'Issole, la rivière qui donne son nom au village varois de Flassans-sur-Issole, est déjà complètement à sec. AFP
 

L'apocalypse, les femmes afghanes la vivent tous les jours depuis le retour des talibans au pouvoir. Comme l’ont constaté et le racontent nos téméraires reporters Solène Chalvon-Fioriti et Véronique de Viguerie (photographe maintes fois récompensée pour son travail sur les pays gangrenés par l'islamisme), un véritable apartheid sexuel a vu le jour à Kaboul et dans les principales villes du pays. Peu à peu, les femmes sont effacées de toute vie sociale : à l'université, à l'école, dans les commerces, dans la fonction publique et même désormais dans la rue. On leur interdit même de mendier ! Les policiers religieux traquent en permanence un visage découvert, un habit trop coloré, une absence de pantalon sous une tunique. Être femme en Afghanistan, c'est être invisible. C'est-à-dire installée à demeure à la maison, parmi les hommes de la famille. Pendant ce temps, tout s'effondre (peut-être, qui sait ?, parce que les femmes ont été chassées de toute activité politique ou administrative...). La famine s'étend, la drogue fait de plus en plus de ravages, les mariages forcés et précoces fleurissent, l'économie est à terre. Et la Chine, que l'absence locale de tout respect de droits de l'homme (et de la femme, surtout) ne rebute guère, accroît son influence et sa présence...

 
Une colonne de jeunes filles serpente entre des maisons de torchis. Leur destination : une école clandestine cachée dans une grotte à Bamiyan. Véronique de Viguerie
 

Si certains pays ont tout de l'enfer, d'autres ressemblent un peu à l'idée qu'on peut se faire du paradis. Le Paraguay, par exemple (le mot commence de la même façon, d'ailleurs). On le croirait maudit par sa taille modeste, son enclavement entre les géants brésilien et argentin, son absence d'accès à la mer, de figure littéraire de notoriété mondiale, de métropole réputée, de lieu aussi emblématique qu'une chute d'Iguazu, un Corcovado ou un lac Titicaca. Et pourtant. C'est avec des trémolos dans la voix que Jean-Bernard Carillet et le photographe Thomas Goisque parlent de leur reportage effectué là-bas, du côté d'Asunción. Et quand ils se taisent, leurs mots et leurs images parlent pour eux. Entre vestiges spectaculaires de ces fameuses «réductions» jésuites immortalisées par Roland Joffé dans le film Mission, merveilles géologiques qui, pour être modestes en taille, n'en sont pas moins remarquables, gauchos plus fiers que des héros de Francisco Coloane, communautés mennonites qu'on croirait sorties, elles, de la série La Petite maison dans la prairie, faune et flore sauvages singulières... : les motifs d'extase ne manquent pas. Le Paraguay, comme un nouvel eldorado touristique.

 
Les chutes Ñancunday, un site naturel exceptionnel et méconnu du Paraguay, à la frontière avec l'Argentine. Thomas Goisque / Le Figaro Magazine

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