samedi 7 mai 2022

ÉLYSÉE

 Alternances

L’opulence de Sarkozy, le calvaire de Giscard... Ces investitures présidentielles qui ont marqué les esprits

Si les cérémonies d’investiture ne sont pas des plus excitantes lorsqu’un président se succède à lui-même, celles où l’un en remplace un autre ont produit quelques séquences devenues historiques.
COMMANDE N° 2017-0764
par Arthur Quentin
publié le 6 mai 2022 à 13h49

Le protocole, tout le protocole, mais rien que le protocole. L’Elysée a promis que la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron qui doit se dérouler ce samedi à partir de 11 heures sera un moment «sobre» et se déroulera «dans le respect des principes républicains». C’est de circonstance : lorsqu’un président se succède à lui-même, cette solennité se limite au strict minimum.

Proclamation des résultats de l’élection par le président du Conseil constitutionnel, discours, remise des insignes de Grand-croix de la Légion d’honneur, passage en revue des troupes, vingt et un coups de canon et basta. Le rituel est alors, il faut le dire, plus rébarbatif et moins riche en images mémorables que lors d’une passation de pouvoirs entre deux présidents.

1988 et 2002 : des célébrations sans tambour ni trompette

Pas de faste, ni de fioriture pour la réélection de François Mitterrand. Le président socialiste n’a pas souhaité donner à cette cérémonie l’éclat qui avait marqué son intronisation en 1981. Le manque d’enthousiasme se ressent jusque dans la voix du journaliste Paul Amar qui la commente pour Antenne 2. Il se contente d’une réception au palais de l’Elysée et d’un discours expéditif : à peine plus de vingt minutes pour l’ensemble des formalités protocolaires. Il faut dire que des élections législatives ont lieu à peine deux semaines plus tard. Le Monde remarque d’ailleurs à l’époque les «yeux cernés» des responsables du Parti socialiste, venus directement du siège historique rue de Solférino où ils venaient de passer la nuit à boucler la liste des candidats.

Quinze ans plus tard, Jacques Chirac n’a convié qu’une soixantaine de personnes pour célébrer sa réélection. Tous sont immobiles pendant que le chef de l’Etat procède au rituel républicain. C’est à croire que nous sommes au musée Grévin et non dans la salle des fêtes de l’Elysée. Jacques Chirac parvient à faire plus court que son prédécesseur : un quart d’heure. Le temps d’un discours où, réélu face à Jean-Marie Le Pen grâce au front républicain et les voix de gauche, il réaffirme le thème majeur de sa campagne, la sécurité. Campagne dont le directeur fut Antoine Rufenacht, maire historique du Havre. Libé constatait à l’époque que ce dernier était le seul invité personnel du Président lors de cette cérémonie. Ce samedi, les yeux pourraient à nouveau être rivés sur un autre édile havrais : Edouard Philippe, dont LREM se méfie des ambitions lors des prochaines législatives.

2012 : l’incartade de François Hollande

Ce 15 mai 2012, l’ambiance est glaciale à l’Elysée. François Hollande doit succéder à Nicolas Sarkozy, qu’il a battu au terme d’un duel particulièrement rugueux. Le premier arrive à l’Elysée, accueilli sous le soleil – c’est un détail important – par le second. Les deux partent s’entretenir une trentaine de minutes. Jusque-là, le protocole est respecté. Mais à leur retour sur le perron du palais présidentiel, François Hollande commet un impair qui marquera les esprits.

La tradition veut en effet que le président élu raccompagne son prédécesseur jusqu’à sa voiture. Mais le socialiste ne s’attarde pas. Il tourne les talons, avant même que Nicolas Sarkozy n’ait regagné son véhicule, et part regagner la salle des fêtes pour être investi. Il confiera cinq ans plus tard avoir regretté cette attitude. Mais le clan de Sarkozy la lui a longtemps reprochée. Carla Bruni fera même allusion à cette incartade dans une chanson de 2013. «Hey le pingouin, si un jour tu recroises mon chemin, je t’apprendrai à me faire le baisemain», chantait-elle, rancunière.

Outre cet écart de conduite, l’intronisation de François Hollande restera dans les mémoires pour des raisons météorologiques. Presque au moment où le socialiste signe le procès-verbal d’investiture, la pluie commence à tomber sur Paris. Lorsqu’il remonte les Champs-Elysées à bord de sa DS décapotée, un déluge s’abat sur lui. Mouillé, le nouveau président ne se doute alors sûrement pas que son quinquennat sera placé sous le signe des intempéries.

2007 : le sacre de Nicolas Sarkozy Ier

Le rituel d’investiture se veut républicain, mais il arrive qu’il prenne des airs monarchiques. Celui de Nicolas Sarkozy, le 16 mai 2007, en est l’exemple le plus probant. Dès son arrivée rue du Faubourg Saint-Honoré, le nouveau président est acclamé comme un roi par la foule. La passation avec Jacques Chirac se déroule pourtant sans encombre, dans le strict respect de la tradition. Les deux sont de droite, le cadet a certes taillé son aîné dont il fut le ministre, mais ils se saluent chaleureusement et le président investi attend longuement le départ en voiture de son prédécesseur.

Ce qui donne à cette intronisation des allures de sacre, c’est surtout le contexte familial de Nicolas Sarkozy qui n’est pas sans rappeler celui des familles royales les plus tumultueuses. Sa femme Cécilia est venue assister à la cérémonie en compagnie de ses deux filles d’un premier mariage, de ses beaux-fils Pierre et Jean Sarkozy, et de Louis, petit dernier de cette famille recomposée. Ce dernier semble impressionné par tant de faste, au point d’en perdre ses bonnes manières. Alors que son père s’apprête à faire son entrée, il s’échappe des bras de sa mère pour aller tripoter le grand collier de la Légion d’honneur.

Il faut dire que le protocole est suivi avec bien peu de rigueur. A la traditionnelle suite numéro 8 en do majeur de Lully, on préfère un air du compositeur espagnol Isaac Albéniz, arrière-grand-père de Cécilia. Le calme et la tenue de rigueur lors de telles cérémonies sont secoués par des éclats de rire et embrassades des invités, anormalement nombreux. De quoi, dix jours seulement après la soirée du Fouquet’s, renforcer l’image d’un président «bling-bling» qui lui collera à la peau tout au long de son mandat.

1981 : passation sous tension entre Mitterrand et Giscard

La cérémonie d’investiture de François Mitterrand, historique à bien des égards, offre son lot d’images marquantes. Il s’agit de la première passation de pouvoirs entre deux présidents élus au suffrage universel : Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et Georges Pompidou en 1969 avaient chacun succédé à Alain Poher, président par intérim. Et surtout elle marque l’arrivée de la gauche au pouvoir après plus d’un quart de siècle dans l’opposition. Ce 21 mai 1981 s’instaure donc le rite de l’escorte du président sortant jusqu’à la cour d’honneur de l’Elysée. Jusqu’alors, il assistait à l’intégralité de la cérémonie.

Mitterrand raccompagne donc Giscard à l’extérieur de l’Elysée où un attroupement de journalistes et de photographes les attend. Le président nouvellement élu est obligé de les écarter pour permettre à son prédécesseur de se frayer un chemin. Ce n’est que le début de son calvaire. Sa voiture est garée à l’extérieur du palais, il doit donc traverser la rue du Faubourg Saint-Honoré puis celle de l’Elysée. Et affronter les sifflets et les huées de la foule venue acclamer le socialiste. Après lui, chaque sortant veillera bien à ce qu’une voiture l’attende dans la cour.

Tandis que Giscard endure un moment de disgrâce, Mitterrand regagne une salle des fêtes pleine à craquer (500 invités) pour être officiellement investi. Son accolade avec l’ancien président du Conseil Pierre Mendès France, en larmes, a particulièrement marqué les esprits. «Vous êtes la personne ici dont la présence ici me touche le plus. Sans vous, tout cela n’aurait pas été possible», murmure le président socialiste. Après cet instant de solennité, le socialiste endosse le costume de monarque républicain pour aller remonter triomphalement les Champs-Elysées, debout dans un cabriolet Citroën SM. Usant avec habileté des attributs du pouvoir pour ancrer la gauche à l’Elysée.

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