L’éruption de la montagne Pelée vue de Bretagne
Si le 8 mai est le jour anniversaire de la naissance de ma chère Mamie, cest aussi, en Bretagne, assimilé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il évoque un autre évènement tout aussi douloureux en Martinique : l’éruption de la montagne Pelée. C’est en effet le 8 mai 1902 que le volcan se réveille, provoquant le mort des 30 000 habitants de la ville de Saint-Pierre. L’évènement est d’une telle ampleur qu’il fait, dès son officialisation, la une de la presse bretonne, Le Nouvelliste du Morbihan se félicitant même d’être le premier à l’avoir annoncé, « avant tous les journaux de Paris ou de la région »1.
Pour L’Ouest-Eclair, la catastrophe est d’autant plus marquante, aux yeux des Bretons, que le contraste est important entre la perception qu’ils se font d’un « éden presque idyllique », et une réalité bien plus tragique. Comme le rappelle le quotidien rennais, la Martinique est en effet une terre accablée « de misères, de tristesses et de calamités »2. Il précise ainsi que l’île connaît « au cours des trois derniers siècles », pas moins de « dix-neuf tremblements de terre dont certains, comme ceux de 1657, de 1766 et de 1839 causèrent des morts par centaines » ; mais également de nombreux cyclones comme celui de 1870 « qu'on appelle encore la bas le grand ouragan » et qui provoque la mort de « 1 000 individus ».
En dépit de ce rappel historique, le quotidien rennais concède que l’éruption de la montagne Pelée « surpasse en horreur et en gravité » toutes les autres catastrophes, ce qui explique l’importance de son traitement dans la presse bretonne. En effet, de la même manière que L’Ouest-Eclair, La Dépêche de Brest consacre l’intégralité de sa première page du 11 mai au « désastre de la Martinique »3. De son côté, le 15 mai, le trihebdomadaire Le Nouvelliste du Morbihan revient sur le « catastrophe de la Martinique » sur une demi page4.
L’intérêt de la presse bretonne pour ce drame intervenu à plusieurs milliers de kilomètres montre que l’éruption est perçue par « la France entière » comme « un deuil terrible » qui frappe « ces frères de nos colonies lointaines »5. A ce titre, la découverte d’un survivant, caché au fond d’un cachot de la prison de Saint-Pierre, est saluée une semaine plus tard. Dans son édition du 18 mai, L’Ouest-Eclair évoque alors l’histoire du « nègre qui, inculpé de meurtre, avait été enfermé dans une cellule souterraine de la prison où il s’est trouvé à l’abri du feu et des gaz asphyxiants »6. Entre stéréotypes et terminologie propre à l’époque, le journal diffuse sans vérification l’information qui tient davantage de la rumeur. Plus tard, on découvre en fait que Louis-Auguste Cyparis purgeait, au moment de la catastrophe, une peine d’un mois de prison pour avoir provoqué une rixe. Grandement brûlé, il est par la suite engagé par le cirque américain Barnum où il est exposé au milieu des « phénomènes » qui font la célébrité de cette entreprise de spectacle. Il est alors présenté comme l’homme qui a survécu à l’enfer de la montagne Pelée7.
Yves-Marie EVANNO
1 « La catastrophe de la Martinique », Le Nouvelliste du Morbihan, 15 mai 1902, p. 1.
2 « Le sinistre des Antilles », L’Ouest-Eclair, 11 mai 1902, p. 1.
3 « Le désastre de la Martinique », La Dépêche de Brest, 11 mai 1902, p. 1.
4 « La catastrophe de la Martinique », Le Nouvelliste du Morbihan, 15 mai 1902, p. 1.
5 « Le sinistre des Antilles », L’Ouest-Eclair, 11 mai 1902, p. 1.
6 « M. Fernand Clerc vivant », L’Ouest-Eclair, 18 mai 1902, p. 2.
7 Au moins un autre homme aurait survécu, le cordonnier Léon Compère