jeudi 29 décembre 2022

JOHNNY BRUSSELS EXPO

 Johnny et ses entrées en scène les plus spectaculaires, en fendant la foule du Parc des Princes en 1983, ou Bercy en 2013, au creux d'une main géante pour le Zénith de Paris en 1984, ou suspendu à un filin pour le Stade de France en 1998.


















Johnny Hallyday, maître des entrées en scène grandioses

Dans une main géante, en fendant la foule ou en hélicoptère, le rockeur soignait particulièrement les ouvertures de ses concerts.

Cent millions de disques vendus, des dizaines de tubes et des concerts grandioses… La légende de Johnny Hallyday s'est largement écrite sur scène. Le showman, à la voix puissante et à la présence scénique hors du commun, aimait régaler son public avec des effets spéciaux spectaculaires.

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Peu d'artistes en France ont osé des entrées en scène aussi folles. Dès 1969, l'idole des jeunes marque les esprits en installant au centre du Palais des Sports de Paris... un immense ring de boxe.

Quelques années plus tard, en 1984, dans un Zénith de Paris flambant neuf, il se présente au public au creux d'une main articulée géante ! Cette prouesse technique a nécessité qu'on abatte un mur pour installer ce décor aux dimensions inédites.

En 1993, il fend la foule du Parc des Princes

Autre fait d'armes : son arrivée fendant la foule lors de son concert au Parc des Princes, en juin 1993. Entouré de dizaines de gardes du corps, il résiste aux assauts d'un public chauffé à blanc. Décoiffé, en nage, le quinquagénaire se hisse enfin sur scène après une séquence inoubliable… Rarement un artiste aura autant fait corps avec ses admirateurs.

Ses concerts au Stade de France s'ouvriront également sur des mises en scène audacieuses, telles que cette arrivée en hélicoptère en 1998. Au pied de la tour Eiffel, en 2000, il «allume le feu » à grand renfort d'effets pyrotechniques.

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Ses dernières tournées ne décevront pas les fans. En 2015, son spectacle utilisait un immense crâne descendant du plafond.



LAFFAIRE DES VEDETTES DE CHERBOURG

 

Les vedettes israéliennes bloquées dans le port de Cherbourg (Manche) à la suite de l’embargo sur les armes à destination de 
Les vedettes israéliennes bloquées dans le port de Cherbourg (Manche) à la suite de l’embargo sur les armes à destination de l’État hébreu décidé par la France.

La fuite à Noël des navires israéliens : en 1969, Cherbourg vedette de l’actualité internationale


Ouest-France du 31 décembre 1969. Même si les vedettes ne sont pas encore arrivées à Haïfa en Israël, on scrute les conséquences politiques de cette fuite.




En 1969, à Cherbourg (Manche), cinq vedettes construites pour la marine israélienne sont clouées au port, frappées par l’embargo français sur les ventes d’armes à Israël. La nuit de Noël, elles prennent discrètement la fuite pour rejoindre Haïfa, le port israélien. Une histoire incroyable et unique qui place Cherbourg sous le feu de l’actualité internationale.


Cherbourg, dans la Manche ? Ses parapluies, bien sûr, immortalisés par le film éternel de Jacques Demy, Les parapluies de Cherbourg, sorti en 1964, Palme d’or au Festival de Cannes, et l’un des grands rôles de Catherine Deneuve. Cinq ans plus tard, un autre film se joue dans la Manche, dans la nuit de Noël 1969. Sauf que cette fois, il ne s’agit pas de fiction. C’est un film tout ce qu’il y a de plus vrai qui va commencer en pleine nuit dans le port de Cherbourg, où la réalité dépassera largement la fiction.

Depuis des semaines, cinq vedettes rapides, construites par le chantier local des CMN (Constructions mécaniques de Normandie), commencent à trouver le temps long, et leurs équipages israéliens aussi. Elles sont destinées à l’État hébreu. Seulement, frappées par l’embargo sur les armes décidé par la France à l’égard d’Israël, elles sont condamnées à rester sur place.

Une société-écran au Panama

À sa manière, dans la nuit de Noël, Israël va débloquer la situation. Discrètement, sur le coup de 2 h du matin, les équipages israéliens prennent le large et mettent le cap vers la haute mer pour rejoindre chez eux, quelques jours plus tard, le port d’Haïfa. L’affaire des vedettes de Cherbourg vient de commencer, avec un scénario renversant. La fuite des bateaux a un écho mondial tant l’histoire est politiquement sensible sur fond de conflit entre Israël et les pays arabes, et la France au milieu qui s’efforce de conserver de bonnes relations avec tout le monde au Moyen-Orient. Dans cette partie du monde, les équilibres géopolitiques sont délicats et instables. Les vedettes qui ont pris la poudre d’escampette peuvent tout compliquer.



Sans tarder, les vedettes font la une d’Ouest-France, et de quantité de médias à travers la planète. En dépit de l’embargo, cinq vedettes israéliennes construites à Cherbourg ont pris le large au cours de la nuit de Noël​, écrit le journal à sa première page au lendemain de ce coup d’audace.

C’est peu dire que la marine israélienne avait bien préparé son coup pour contourner l’embargo français. D’ailleurs, par une pirouette juridique, qui trouve son origine dans une société-écran montée au Panama, avec une boîte postale en Norvège, les cinq vedettes ne sont plus destinées à faire la guerre mais se consacreront désormais à l’exploitation pétrolière. Habile tour de passe-passe puisque la guerre, elles la feront bel et bien sous les couleurs d’Israël. Elles n’ont jamais fait de prospection pétrolière et elles ont été en service pendant près de vingt-cinq ans dans la marine israélienne après avoir bénéficié aussi de travaux de modernisation. Plus tard, deux d’entre elles seront revendues à la marine du Chili​, explique Justin Lecarpentier, Cherbourgeois d’origine, 37 ans, historien, réalisateur de documentaires, et tellement passionné par cette histoire qu’il lui a consacré deux livres, Rapt à Cherbourg (Ancre de Marine) et L’affaire des vedettes de Cherbourg, de l’embargo à l’embarras (OREP). Une telle histoire, on a envie d’en savoir plus​, glisse-t-il.

Les Renseignements généraux étaient au courant

Pour le grand public, l’effet de surprise de la fuite des vedettes a joué à plein. Mais dans les coulisses ? Ce n’est pas sûr du tout. Cinq jours avant le départ, les renseignements généraux avaient envoyé une note à ce sujet​, poursuit Justin Lecarpentier. Des essais des moteurs des vedettes eurent lieu peu de temps avant la fuite. Et puis, il suffisait d’ouvrir les yeux pour voir les marins israéliens faire des courses gargantuesques dans les magasins de Cherbourg. Manifestement, ce n’était pas pour préparer les repas de fin d’année, mais pour nourrir les équipages des vedettes qui s’apprêtaient à larguer les amarres.
Tout se passe comme si le départ des vedettes, dans ces conditions, arrange finalement un peu tout le monde. Il leur fallait bien une porte de sortie, à moins de prendre racine à Cherbourg.



La France met fin à une situation crispante avec Israël et profite d’un habillage juridique qui lui permet de se dédouaner vis-à-vis des pays arabes. Pour autant, il faut bien assurer une sorte de service après-vente aux États du Moyen-Orient et les convaincre que la France n’a pas cédé à Israël. C’est le travail des diplomates. En attendant, les ambassadeurs de France dans les pays arabes ont été chargés d’exposer aux gouvernements la position de Paris selon laquelle l’affaire de Cherbourg n’implique aucun changement dans la politique française vis-à-vis des États arabes​, révèle ainsi Ouest-France dans son édition du 31 décembre 1969.

L’arrivée des vedettes dans le port d’Haïfa, acclamées par les Israéliens. | DR

Et du côté israélien, la France ménage aussi ses arrières même si, en apparence, elle s’est fait doubler. En se refusant de rappeler son ambassadeur à Jérusalem, où même à élever la moindre protestation diplomatique, le gouvernement de Georges Pompidou s’est gardé de prendre des mesures qui auraient encore envenimé les relations franco-israéliennes​, analyse aussi le journal, quelques jours plus tard, le vendredi 2 janvier 1970. « Personne ne semble vouloir dramatiser l’affaire », écrira encore Ouest-France.

Une publicité mondiale pour le chantier naval des CMN

Pendant ce temps-là, les cinq vedettes filent bon train vers Israël et son port d’Haïfa où elles seront accueillies avec leurs équipages par la grande foule et un concert de sirènes.

En tout cas, l’audience internationale de cette affaire apporte une publicité imprévue au chantier naval de Cherbourg. Cela nous a permis de gagner des marchés. Ces vedettes, de Cherbourg à Haïfa, ont réalisé un exploit nautique, surtout à cette période de l’année avec la traversée du golfe de Gascogne​, souligne Thierry Regnault, l’actuel responsable de la recherche et de l’innovation aux CMN. Ces bateaux très rapides, avec une grosse propulsion, très armés et très maniables ​ont ainsi séduit de nouveaux clients. Et dans la mémoire de l’entreprise ? C’est l’épisode marquant​, estime Thierry Regnault.


Les vedettes de Cherbourg arrivent bien au port israélien d'Haïfa. Ouest-France du 2 janvier 1970.

L’histoire des vedettes de Cherbourg ne ressemble à rien d’autre. Dans le journal du 31 décembre, l’éditorialiste d’Ouest-France tient donc à la citer dans son dernier édito de l’année. Justement, comment la définir ? Il se lâche un peu et parle d’un gag héroïco-burlesque éclatant avec un bruit de bouchon de champagne libéré dans le ciel de Cherbourg ».




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mardi 27 décembre 2022

SAUVE QUI PEUT

 

L’ex-Ecureuil d’Aquitaine II de Lamazou sous voiles entre le Venezuela et la Guadeloupe.



C’est la renaissance d’un voilier de légende. Le premier bateau vainqueur du Vendée Globe, entre les mains de Titouan Lamazou en 1989-1990, a eu plusieurs autres vies avant d’arriver au Venezuela où il est longtemps resté à l’abandon. Grâce à l’investissement d’un nouveau propriétaire et de sa petite équipe, l’ex-Ecureuil d’Aquitaine II a pu être convoyé jusqu’en Guadeloupe en novembre dernier. Le photographe du bord a transmis des images exclusives de cette traversée à Voiles et Voiliers.



Le photographe et vidéaste Tanguy Naux nous a envoyé de belles images du grand retour de l’ex-Ecureuil d’Aquitaine II sur les flots.
TANGUY NAUX

À son bord, Titouan Lamazou a remporté le premier Vendée Globe, en 1989-1990, avant d’enchaîner sur une victoire dans la Route du Rhum en monocoque quelques mois plus tard. L’ex-Ecureuil d’Aquitaine II a ensuite participé à deux autres éditions du Vendée Globe (avec Bertrand de Broc et Hervé Laurent) avant de changer de nombreuses fois de propriétaires puis d’être longtemps laissé à l’abandon sur un terre-plein au Venezuela. Après des recherches actives, il a été retrouvé et racheté par Alexandre Treillard, un notaire des Sables-d’Olonne. S’en sont suivies des péripéties dignes d’un film que nous relaterons en détail (sur 6 pages) dans le prochain numéro de Voiles et Voiliers, qui sortira en kiosques le 20 janvier prochain.

Malgré toutes ces casses, on s’est rendu compte durant les six jours de navigation que le bateau était vrai- ment sympa, il ne demandait qu’à galoper

Alexandre Treillard et son équipage ont quitté le Venezuela à bord d’un voilier qui n’avait pas navigué depuis une quinzaine d’années et était donc en mauvais état. L’électronique a été pillée, le moteur en partie démonté. Voiles, taquets, winchs, poulies, chandeliers, chariots, bouts : tout était fatigué à bord. La traversée vers Pointe-à-Pitre s’annonçait difficile. « Après deux heures de navigation, un winch s’est arraché. Je me suis alors dit qu’on pouvait rencontrer de gros problèmes, j’avais peur que le mât tombe. Dans un grain, le bateau s’est couché et le génois s’est déchiré. À 48 heures de l’arrivée, la barre de liaison des deux safrans s’est cassée, en pleine nuit, explique Alexandre Treillard. On a fini avec la barre franche fixée à l’arrière grâce à un bout. Nous avons ensuite rencontré un souci de moteur, une grosse fuite au niveau de la pompe à eau. Malgré toutes ces casses, on s’est rendu compte durant les six jours de navigation que le bateau était vraiment sympa, il ne demandait qu’à galoper. » Le 25 novembre 2022, le premier bateau vainqueur du Vendée Globe est donc arrivé en Guadeloupe. La prochaine étape est de le convoyer jusqu’aux Sables-d’Olonne, son futur port d’attache. Nous ne manquerons pas de vous raconter la suite de cette renaissance rocambolesque.

Alexandre Treillard a pu récupérer la grand-voile d’un ami. Cette GV a été coupée pour pouvoir être apportée depuis la France en avion. Il a ensuite fallu la recoudre et l’adapter pour qu’elle puisse être utilisée sur l’ancien bateau de Titouan Lamazou. | TANGUY NAUX
Mise en place de la grand-voile au Venezuela. | TANGUY NAUX
L’ex-Ecureuil Aquitaine II dans la marine vénézuélienne. L’équipage se repose avant le grand départ. | TANGUY NAUX
Alexandre Treillard à la barre de son voilier de légende. | TANGUY NAUX
L’équipage navigue avec prudence mais le bateau n’ayant pas navigué depuis bien trop longtemps, les casses vont être nombreuses. | TANGUY NAUX
Sous voiles, quelque part entre le Venezuela et la Guadeloupe. | TANGUY NAUX

Françoise Bourdin

 

Françoise Bourdin était passée à « On n’est pas couché », un de ses rares passages à la télé

Malgré ses millions de lecteurs, la romancière a été méprisée par les critiques littéraires. Illustration lors de son passage, en 2012, dans l’émission de France 2.

Photo
CAPTURE D’ÉCRAN / FRANCE 2
Françoise Bourdin sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché » le 31 mars 2012.

LITTÉRATURE - Plus de 15 millions de livres vendus, un nouveau roman publié chaque année... Le succès de Françoise Bourdin avait de quoi impressionner. L’écrivaine française, dont le décès a été annoncé ce lundi 26 décembre, a pourtant été boudée par les critiques littéraires tout au long de sa carrière.

Son passage sur le plateau de l’émission On n’est pas couché le 31 mars 2012 en est l’exemple. Alors qu’elle était invitée pour faire la promotion de son roman Serment d’automne, les journalistes Christophe Barbier, Natacha Polony et Audrey Pulvar n’ont pas caché leur condescendance à son égard.

Pendant l’émission de France 2, l’une des rares où elle a été invitée, Laurent Ruquier a rappelé que les sorties littéraires de l’écrivaine étaient anormalement peu relayées dans la presse, malgré son succès commercial, et Christophe Barbier a proposé une explication peu convaincante. « Françoise Bourdin ne nous a pas dit qu’elle voulait changer l’histoire de la littérature, défendre un genre littéraire, qu’elle concourrait pour l’Académie française ou des prix littéraires. Elle est dans une relation intime avec des millions de fois une personne », a dit celui qui était alors directeur de la rédaction de L’Express.

Lorsque le présentateur lui a fait remarquer que le magazine pourrait quand même publier une critique sur le contenu des livres de Françoise Bourdin, le journaliste à l’écharpe rouge a rétorqué : « Oui mais nous ne sommes pas dans ce registre-là. Chut, ne faisons pas de bruit dans la conversation délicate entre elle et ses lecteurs. »

« J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »
Françoise Bourdin, dans Le Monde en 2019

C’était ensuite au tour de Natacha Polony de faire sa critique du dernier livre de Françoise Bourdin. Elle lui a demandé si « ce ne serait pas possible de prendre plus de temps pour un livre, d’en écrire moins, et de travailler la langue », pour rendre hommage à ses auteurs préférés, Colette et Jean Giono.

Françoise Bourdin a fini par s’habituer à l’absence de critiques

Dans l’émission, Audrey Pulvar l’a, elle, comparé à d’autres auteurs à succès comme Victor Hugo et Arthur Rimbaud, en expliquant qu’ils étaient eux aussi « populaires », mais que leur langue était « belle, et travaillée ».

Mi-amusée, mi-agacée, Françoise Bourdin avait fini par répliquer « Vous posez là des auteurs super classiques en disant ’oui il y a eu Victor Hugo, il y a eu Rimbaud, il y a Giono et Colette, et vous ne l’êtes pas.’ Ben non, je ne le suis pas, c’est indiscutable ».

Interrogée par Le Monde en 2019 sur l’absence de critiques littéraires à son sujet, elle avait répondu : « Longtemps je me suis dit : « je préférerais un mauvais article à ce néant ». « Ça me rendait triste que les journalistes n’aient même pas envie d’ouvrir le livre, de tourner la première page pour voir à quoi ça ressemble, et puis je m’y suis habituée ». En souriant, Françoise Bourdin avait avoué « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée ».

FRANÇOISE BOURDIN

 

La mort de Françoise Bourdin, une romancière populaire à l’univers singulier

Françoise Bourdin est morte le 25 décembre, à l’âge de 70 ans. Sa présence médiatique était inversement proportionnelle au succès de ses œuvres.

Françoise Bourdin, autrice de best-sellers : « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »

Avec plus de 15 millions d’exemplaires écoulés depuis ses débuts, la romancière morte à l’âge de 70 ans était l’une des plus grosses vendeuses de livres en France. Elle était pourtant totalement ignorée des critiques et des prix littéraires. Nous vous proposons de relire son portrait publié en 2019.


La romancière Françoise Bourdin, dans sa maison, à Vernon (Eure), le 17 juin 2019.

Romancière des familles prospères et des belles maisons, qui ne dérogeait jamais au principe du happy end, Françoise Bourdin n’avait pas une pente prononcée pour la mauvaise humeur. Sauf qu’il valait mieux éviter de lui dire qu’elle était « discrète » : « Je ne suis pas discrète du tout ! C’est juste que personne ne me sollicite… », s’agaçait-elle auprès du Monde en 2019. Le choc a pourtant été grand quand le groupe Editis, propriétaire de son éditeur historique, Belfond, a annoncé la mort inattendue, le 25 décembre, de l’autrice à succès, qui n’avait pas pour habitude de faire état de ses éventuels problèmes de santé. Une même discrétion prévalait d’ailleurs à propos de sa date exacte de naissance. On sait juste que, née en 1952, elle avait 70 ans.

De fait, une autre discrétion accompagnait cette pudeur naturelle : celle que lui imposait le désintérêt que la presse peut avoir pour la littérature populaire. Or, populaire, Françoise Bourdin l’a été à un degré extrême. Ses quelque cinquante romans se sont vendus à plus de 15 millions d’exemplaires. Beaucoup ont été adaptés à la télévision. En regard, sa présence médiatique, inversement proportionnelle, faisait pâle figure.

Pour autant, nul mépris ne ressort de la plupart des articles dont, avec le temps, ses romans ont tout de même fini par faire l’objet. « Pas de fumisterie ici, ni d’hystérie » (Libération) ; « Force est de reconnaître la justesse de son regard sur la société française » (L’Express) ; « Un drame à la fois contemporain et intemporel » (L’Obs)… Tout le monde, sur le rayon des best-sellers, ne peut se targuer d’avoir suscité des jugements aussi respectueux. A cet égard, Françoise Bourdin occupait une place singulière. Celle d’une figure qu’ont sans doute rendue plus attachante que d’autres un univers et un parcours non moins singuliers.

Françoise Bourdin, autrice de best-sellers : « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée »

Avec plus de 15 millions d’exemplaires écoulés depuis ses débuts, la romancière morte à l’âge de 70 ans était l’une des plus grosses vendeuses de livres en France. Elle était pourtant totalement ignorée des critiques et des prix littéraires. Nous vous proposons de relire son portrait publié en 2019.

Par


Françoise Bourdin chez elle à Port-Mort, en Normandie, le 15 octobre.

Le Goncourt pour Jean-Paul Dubois, un Renaudot surprise pour Sylvain Tesson, qui ne figurait pas sur la liste des finalistes, le Grand Prix de l’Académie française pour le multiprimé Laurent Binet… Alors que la grande distribution des prix littéraires électrise le Tout-Paris des lettres et des médias, Françoise Bourdin joue avec ses chiens.

Loin des tractations secrètes entre éditeurs, des rumeurs et des pressions, des doux espoirs et des folles déceptions, elle continue à se lever à l’aube dans sa maison de Port-Mort, près de Gaillon, en Normandie, prend sa douche, s’habille, et s’installe devant son ordinateur pour écrire un chapitre de son prochain roman, à l’abri des éclats d’un monde pour lequel elle n’existe pas.


À 67 ans, elle en était pourtant à son quarante-septième livre, des histoires de famille et d’amour qui finissent bien en général. Avec un total de plus de 15 millions d’exemplaires vendus. Un chiffre à faire mourir d’envie n’importe quel auteur. C’est simple, si l’on s’amusait à cumuler les ventes des lauréats des plus prestigieuses récompenses littéraires sur dix ans, elle serait encore en tête.

La reine des clubs France Loisirs

Ses phénoménaux succès de librairie la placent année après année dans les dix plus gros vendeurs de livres français, aux côtés de Marc Levy et Guillaume Musso. 80 000 grands formats en moyenne par an, des éditions de poche par millions, des traductions en douze langues. Françoise Bourdin est la reine du club France Loisirs, la star des bibliothèques municipales où ses ouvrages figurent parmi les plus empruntés.

« Longtemps je me suis dit : “je préférerais un mauvais article à ce néant”. Ça me rendait triste que les journalistes n’aient même pas envie d’ouvrir le livre »

Les prix, néanmoins, ne passeront pas par elle. Son nom n’a jamais figuré sur aucune liste, pas même celle du Prix Maison de la presse, où ses romans s’écoulent par palettes entières. Nul trophée ne trône sur la cheminée de la maison qu’elle a rachetée il y a dix-huit ans à l’historien André Castelot. « J’aurais bien aimé être récompensée, ça m’aurait touchée », lâche en souriant cette blonde aux cheveux courts, aux traits secs, à la silhouette filiforme et au regard timide.

Loin de toute rentrée littéraire, elle sort un nouveau livre à chaque printemps : « C’est une bonne période, en prévision des vacances, le moment où les gens ont le temps de lire. Septembre, c’est la rentrée scolaire qui coûte cher et l’hiver, ils doivent payer leurs impôts », explique-t-elle, pragmatique. Pour le dernier, le second tome d’une mini-saga qui a pour cadre un parc animalier, elle s’est rendue sur le plateau de « Soir 3 ». Ça lui a fait plaisir. Car d’habitude, elle n’est jamais invitée nulle part.


Lu dans Le Monde



Par 

Ancienne élève du Lycée Victor Duruy comme moi


https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Lyc%C3%A9e_Victor-Duruy#%C3%89l%C3%A8ves



lundi 26 décembre 2022

Ô race ! Ô désespoir

 

Ô race ! Ô désespoir

L’amer woke ne dérange aucun ordre institué, ne bouleverse aucunes hiérarchies.


Ô race ! Ô désespoir
Annie Ernaux, le 12/12/2022 / ©Henrik Montgomery/AP/SIPA / AP22749899_000002

Voyage au bout de l’Annie… 


Pour son discours de Stockholm, Annie Ernaux a trempé sa plus belle plume à l’aigre dans l’encrier des meilleurs poncifs : « Par où commencer ? Cette question, je me la suis posée des dizaines de fois devant la page blanche. Comme s’il me fallait trouver la phrase, la seule, qui me permettra d’entrer dans l’écriture du livre et lèvera d’un seul coup tous les doutes ». On avait sûrement calomnié Annie E…Dans L’Obs, Elisabeth Philippe s’interroge : « Mais pourquoi tant de haine ? » Bonne question, mais ce n’est pas aux détracteurs d’Annie Ernaux – plus consternés que haineux – qu’il faut la poser, c’est à l’écrivain. Depuis cinquante ans, la reine des dominés n’a qu’une obsession : venger son sexe et sa race. La race des capésiens ? Drosophile du coche, sur la route de Varennes, de Bandung, elle clame ses traumas, rancœurs, angoisses claustros dans l’ascenseur social : les corons et les Corot. Solécismes, solipsismes et barbarie. La femme gelée se moque des vers ; sa mère a tant souffert qu’elle est dedans sa tombe… « Les haines de races ne sont jamais au fond, que des haines de places » (Rostand).

Un grand concert d’idées brisées

Annie Ernaux est atteinte du syndrome « de la femme raide ». D’un côté les ténèbres, hantées par les Méchants, de l’autre la Lumière, les Gentils. Compteur Geiger à humiliés, hontes, déchirures, cinq plaies, sept douleurs, coiffée d’une couronne d’épines, Annie a des Mani et fait le Job. Elle a perdu la foi mais veut croire encore. Que deviennent toutes les larmes qu’on ne verse pas, se demandait Jules Renard ?

A lire aussi : Annie Ernaux : la vengeance seule sous la plume !

La révolte et l’indignation, comme le soufflé au fromage, ne supportent ni le réchauffé, ni la médiocrité. Autrefois, la vérité, les luttes, les prolos, l’avenir, c’était simple, magnifique et scientifique comme la Révolution. Les progressistes, après avoir adoré Staline, Castro, Mao, Pol Pot, les bilans globulement positifs, ont jeté l’éponge. La Gauche a abandonné la dialectique et les kolkhozes de Koursk, s’est repliée dans les marais de la Morale, les farces et attrapes sociologiques. Bourdieu, mais c’est bien sûr ! L’avantage du couple fashion « dominant-dominé », c’est un flou sémantique qui permet de ratisser large sans se confronter aux contingences du réel. La famille D-D, recomposée, accueille une faune bigarrée au paradis des Vaincus (invisibles, intermittents, immigrés, chevalier d’Éon, Arumbayas, femmes, panda roux, tortue luth) ou dans l’enfer des Méchants (Hitler, réacs, fachos, masculinistes, blancs, Extrême droite, visibles, hyènes lubriques). Papillons difficiles à épingler, les Gilets Jaunes sont au purgatoire.

Les Iraniennes aussi. Le corps des femmes, l’IVG, l’émancipation, l’insoumission, dans Libé, à Yvetot, l’EHESS, Oui ! Mais Mollo Mollo avec les Mollahs de Mossoul, en Moselle. L’ère ottomane suit la Rome antique. Annie Ernaux prend le train en marche, salue de loin les Iraniennes victimes du patriarcat. Elle se voile la face, n’est au Coran de rien. Le hijab permet « la revendication visible d’une identité, la fierté des humiliés ». Vive les accommodements raisonnables avec l’infâme et l’obscurantisme ! Il ne faut pas désespérer Bobigny, ni faire perdre des voix au camarade Mélenchon. La Charia et la pitié.

À Stockholm, Rimbaud, Rousseau, Virginia, Kafka, ils sont venus, ils sont tous là… Annie Ernaux est une bande de seuls à elle toute jeune. Fanatique et naïve comme un ado, elle s’illusionne sur les symboles et l’histoire. La haine paie mieux que le mépris. Son prix Nobel n’est pas une « victoire collective ». À l’instar des grands hommes, les écrivains, « n’ont ni aïeuls ni ascendants ; ils composent seuls toute leur race » (La Bruyère). L’amer woke ne dérange aucun ordre institué, ne bouleverse aucunes hiérarchies. C’est une rebelle d’Etat, admirée, choyée par l’université et le pouvoir. Elle inspire les thésardes, pigistes idolâtres de France Culture, insurgés du Collège de France. Les véritables dominés, les travailleurs sans papiers, miteux, transis, n’ont que faire de son buzz, ses états d’âmes et remords. « Une jument de noble race n’a pas honte de son fumier » (proverbe arabe).

Le bien écrire

« Il me fallait rompre avec le “bien-écrire”, la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait ». Ouiiille… Annie Ernaux fracasse la porte ouverte du « je » singulier qui atteint l’universel, « l’outil exploratoire qui capte les sensations, celles que la mémoire a enfouies ». L’auto-friction, le plaisir des affres du texte et du sexe, les discours d’intranquillité, l’esprit de conquête et d’usurpation, l’homme – enfant de Caïn – méchant animal, hypnos, eros, thanatos, le banal, la scénographie de l’attente, le RER, nourrissent une œuvre. Sous les pavés de Venise, la page. Rien de nouveau, ni d’original. Les sornettes sur « la légitimité en devenir de la femme écrivain » gâtent la sauce. Tristes tropismes.

A lire aussi : Annie Ernaux, ou la déchéance de la littérature française

Le viol de la littérature par la sociologie, prétendre que ce sont les Lumières qui ont accouché du « je » plébéien, mettre Proust en examen pour snobisme et condescendance à l’encontre de Françoise, ce n’est pas sérieux. Annie n’aime ni Houellebecq, ni la concurrence. Silence assourdissant sur L’Enragé éblouissant, Céline, ou le talentueux Darien. Le hic ce n’est pas la belle phrase de Flaubert ou l’écriture à l’os : c’est la moelle, le talent. L’art est la manière. Le style c’est l’homme et c’est la femme. « Que Dieu vous garde du feu, du couteau, de la littérature contemporaine et de la rancune des mauvais morts » (Léon Bloy).

« Si je me retourne sur la promesse faite à vingt ans de venger ma race, je ne saurais dire si je l’ai réalisée. C’est d’elle, de mes ascendants, hommes et femmes durs à des tâches qui les ont fait mourir tôt, que j’ai reçu assez de force et de colère pour avoir le désir et l’ambition de lui faire une place dans la littérature, dans cet ensemble de voix multiples qui, très tôt, m’a accompagnée en me donnant accès à d’autres mondes et d’autres pensées, y compris celle de m’insurger contre elle et de vouloir la modifier ». Péroraison n’est pas raison, ni respiration. Le culte du moi, moi, moi. Le pathos à l’os, creux comme un flyer de l’Unesco ou un tweet d’Elisabeth Borne arrivant à Matignon. Tout ça, pour ça ! Si j’avais su, j’aurais pas venu… On vit très bien sans avenir.

Mère dure, fille rebelle, libre et indépendante, la femme de Lettres du vingtième siècle, c’est Colette« Les Misérables aussi, oui, Les Misérables — malgré Gavroche ; mais je parle là d’une passion raisonneuse qui connut des froideurs et de longs détachements. Point d’amour entre Dumas et moi, sauf que le Collier de la Reine rutila, quelques nuits, dans mes songes, au col condamné de Jeanne de la Motte. Ni l’enthousiasme fraternel, ni l’étonnement désapprobateur de mes parents n’obtinrent que je prisse de l’intérêt aux Mousquetaires […]. Beaux livres que je lisais, beaux livres que je ne lisais pas … J’y connus, bien avant l’âge de l’amour, que l’amour est compliqué et tyrannique et même encombrant, puisque ma mère lui chicanait sa place ».

« La culpabilité est un symptôme dangereux. C’est un signe qui manque de pureté » (Ionesco).




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