Gustave Eiffel, disparu il y a cent ans, en 1923, était un ingénieur visionnaire, à l’affût des nouvelles technologies et des nouveaux procédés de construction qu’il savait inventer et mettre au point. Pour autant, il n’aurait jamais pensé à ça. Des hommes qui se jettent dans le vide accroché à un élastique depuis un viaduc dont il a dessiné les plans, celui de la Souleuvre dans le sud du département du Calvados à La Ferrière-Harang.
Les téméraires descendent et remontent dans le vide, solidement harnachés, jusqu’à ce que ce mouvement de haut en bas, et vice versa, ne s’essouffle. Après tout, l’ingénieur aurait peut-être essayé de jouer ainsi à l’oiseau pendant quelques secondes.
Exploité par la société Skypark, ce viaduc de la Souleuvre, pas très loin de Vire, appartient en effet à l’héritage imposant laissé par Gustave Eiffel. Et sans lui, il n’y aurait pas eu tous ces sauts dans le vide et ces poussées d’adrénaline. Depuis des lustres, les petits trains ne s’engagent plus sur le viaduc dont il ne reste de toute façon que les imposants piliers. Mais grâce à tous ces sauts dans le vide, ils ont retrouvé une seconde jeunesse. C’est ce que rappelait Ouest-France dans son édition du vendredi 7 août 2020 à l’occasion du 30e anniversaire de l’arrivée de ces sauts à l’élastique : Le viaduc, vestige du génie de Gustave Eiffel, a été édifié entre 1887 et 1889 pour relier Caen à Vire grâce au chemin de fer. Après avoir été endommagée au cours de la Seconde Guerre mondiale, la ligne a été désaffectée et son tablier de 364 m a fini par être démonté.
Gustave Eiffel a imposé un style
Mais voilà, ce patrimoine qui porte la signature de Gustave Eiffel a aussi bien vieilli. Comme la passerelle du domaine du château de Kermezen à la Roche-Jaudy (Côtes-d’Armor). La rouille faisait son œuvre, surtout qu’elle a été construite dans un sous-bois où l’humidité est encore plus présente qu’ailleurs.
Heureusement, le Loto du patrimoine est passé par là l’année dernière. Et une somme de 100 000 € a ainsi été réservée pour la rénovation de la passerelle. Pas un luxe puisqu’elle date de 1874. Et puis, souligne aussi Ouest-France, le mardi 20 décembre 2022 en annonçant la bonne nouvelle, « cette passerelle Eiffel est reconnue comme l’un des tout premiers ponts érigés selon les plans de l’ingénieur Gustave Eiffel ». Aujourd’hui, le plan de financement de cette rénovation est en train d’être bouclé, avec l’aide des collectivités locales. Tandis que sur le site de la Fondation du patrimoine, une page est aussi ouverte (rubrique Soutenir un projet) pour contribuer à un financement participatif.
Solide comme le fer, le patrimoine créé ou inspiré par Gustave Eiffel n’en subit pas moins l’outrage des ans, Comme ce fut aussi le cas du phare du port de Moguériec (Finistère), sorti en son temps des ateliers Eiffel. Depuis 1960, après avoir été transféré d’Honfleur (Calvados), il guidait et rassurait les bateaux finistériens. Jusqu’à ce que son état se détériore au point que sa fin fut envisagée. C’était sans compter avec la ténacité et la volonté d’une association Sauvons le phare de Moguériec. Elle s’est débrouillée pour recueillir les fonds afin de financer sa restauration. Tout beau, tout neuf, il a repris du service.
Gustave Eiffel n’a pas seulement construit beaucoup. Le bâtisseur a aussi marqué son temps en popularisant un style pour les ouvrages d’art, jouant avec la solidité du métal et l’harmonie des courbes. C’est une autre forme d’héritage. À la fin de l’année 2020, la ville de Mayenne, dans le département éponyme, fête les 50 ans de son viaduc. Le précédent fut dynamité par les Allemands, dans la nuit du 4 au 5 août 1944, précipitant dans la rivière des tonnes de métal et de gravats. Cet ancien viaduc fut inspiré par le constructeur de la tour Eiffel. Ce viaduc métallique, destiné surtout au transport ferroviaire, est une construction parfois attribuée à Gustave Eiffel. Mais elle fut seulement inspirée des ouvrages du célèbre ingénieur, comme le viaduc de Garabit dans le Cantal
, précise Ouest-France le 9 décembre 2020.
L’impressionnant viaduc de Garabit
Le viaduc de Garabit justement est, après la tour Eiffel, l’une des réalisations majeures de Gustave Eiffel. Le 16 juillet 1939, la superbe construction, qui aujourd’hui surplombe toujours les gorges de la Truyère dans le Cantal, fête son cinquantième anniversaire.
L’Ouest-Eclair (l’ancêtre d’Ouest-France) en profite pour souligner l’œuvre de l’ingénieur dans cette région au relief si tourmenté. Les trains qui depuis cinquante ans font quotidiennement gronder le viaduc franchissent les 447 m de l’œuvre métallique sans provoquer dans l’immense, mais léger, assemblage le moindre mouvement anormal
, écrit l’Ouest-Eclair le 17 juillet 1939, au lendemain de cet anniversaire qui a aussi donné dans la reconstitution avec, détaille le journal, le passage sur le viaduc d’un train de matériel en service l’année où fut inaugurée l’œuvre de l’ingénieur Eiffel
. Gustave Eiffel est bien entré dans l’Histoire.