6 AVRIL 1943

 

Le Petit prince : le best-seller d’Antoine de Saint-Exupéry fête ses 80 ans

Le conte d’Antoine de Saint-Exupéry est l’ouvrage le plus diffusé dans le monde après la Bible. Le plus grand collectionneur finance de nouvelles traductions pour défendre la diversité linguistique.

Le plus grand collectionneur du monde, Jean-Marc Probst, 67 ans, dans la pièce abritant des milliers d’éditions différentes.La sélection
OUEST-FRANCE

 S’il vous plaît… Dessine-moi un mouton…  Ou encore :  On ne voit bien qu’avec le cœur.  Ces citations parmi les plus connues de la littérature mondiale sont extraites du Petit prince, le conte du romancier aviateur de l’Aéropostale, Antoine de Saint-Exupéry.

Le texte onirique écrit pour la jeunesse touche en fait tous les âges par sa profondeur. Le philosophe allemand Martin Heidegger y voyait carrément  le message d’un grand poète par lequel nous sommes amenés à comprendre les grands mystères du monde  .

Le Petit prince, ce «  Petit homme venu des étoiles » comme l’a traduit la version nippone pour ne pas léser l’empereur du Japon, a été publié presque confidentiellement voici 80 ans, le 6 avril 1943. Les 550 exemplaires en anglais et les 260 en français parus le 6 avril 1943 à New York, s’échangent aujourd’hui pour « le prix d’une voiture », estime le spécialiste, Jean-Marc Probst.

Une collection de 6 700 éditions

De cet ouvrage, le plus vendu dans le monde après la Bible, rien n’échappe à ce grand collectionneur. La fondation de ce dernier, à Lausanne (Suisse), abrite  6 700 éditions du texte intégral traduit en 537 langues  et dialectes et patois différents. Du groenlandais au bambara du Mali ( le seul Petit Prince à la peau noire ) en passant par le gallo, le dialecte de l’île de Pâques, le Mapuche…

Les documents les plus rares sont protégés dans un coffre : l’exemplaire du Che dédicacé à un compagnon de lutte en 1959 en Bolivie, des éditions du 6 avril 1943, un autoportrait de Saint-Exupéry, la dernière lettre de l’aviateur en juillet 1944.

La soixantaine élégante, l’œil brillant dès qu’on évoque le sujet, l’Helvète intarissable conserve pour le Petit Prince l’âme de ses 17 ans, quand il a découvert le texte  en pension de montagne, offert par un professeur… Il a tapé dans le 1 000. 

Chef d’entreprise et ancien député

Pourtant, le pedigree évoque plus le businessman de la quatrième planète que le candide tombé de l’astéroïde B 612 : ingénieur de formation à la tête d’une holding familiale qui commercialise les grues et machines de chantier (près de 200 salariés),

n° 2 du patronat suisse, vice-président du commerce suisse, ancien député…

Mais son cœur se déclare voué au Petit Prince dont il  approuve les valeurs , notamment son  absence de matérialisme . Pour le chef d’entreprise, l’ouvrage exalte  les valeurs de créativité, de générosité, de don de soi, de confiance en soi, esquisse des réponses sur l’existence. Et il procure du réconfort à différents moments de la vie. Enfin, c’est une œuvre littéraire majeure. 

Le PDG a laissé ces dernières années la direction opérationnelle du groupe à deux de ses trois fils (le troisième fait carrière à Singapour) et dégage plus de temps pour s’adonner au grand œuvre de sa vie.

Candidat de « La course autour du monde »

D’où est venue l’idée de collecter les éditions ? En 1979, après des études à l’école polytechnique de Zürich, le jeune ingénieur est sélectionné pour participer à l’émission très en vue des chaînes de télé francophones La course autour du monde. Caméra au poing, le Lausannois de 23 ans enjambe les continents durant sept mois et livre, une fois par semaine, un reportage.  Au Japon, en Inde, en Arabie, j’ai trouvé des éditions locales du Petit prince. Ça a été le début de ma collection. 

Malgré les exemplaires rapportés de l’étranger par des proches ou des amis de la famille, plus tard, la bibliothèque ne s’étoffe guère chez le chef d’entreprise et père de famille qui se lance aussi dans la politique…

Son épouse Simonette se souvient :  Quand nous nous sommes rencontrés, il n’avait que 350 livres.  Il faut attendre les années 90 et Internet pour qu’explosent les échanges dans le monde entier. Simonette Probst accompagne depuis son mari dans cette quête lors de voyages, d’expos qui tournent toujours autour du Petit prince. Heureusement, elle partage le goût et loue les qualités humaines de  Jean-Marc, il est hypergentil, il pense beaucoup aux autres. 

Le Petit Prince pour éclairer Poutine ?

La fondation Jean-Marc Probst pour le Petit prince créée en 2013 protège la collection et  entend aussi participer au rayonnement de l’œuvre  en finançant des traductions (déjà une quarantaine) et en les diffusant dans les pays concernés.  La fondation rémunère symboliquement le traducteur 1 000 €, 1 000 dollars ou 1 000 francs suisses, fait la mise en page et assure la publication. 

Aujourd’hui, éditer est facile : les droits d’auteur de l’œuvre n’existent plus dans le monde entier depuis 2015 (à l’exception de trois pays du continent américain et la France). Mais plus compliquée est la diffusion pour que les livres soient distribués dans les bibliothèques et les écoles, fassent l’objet d’animations, de lectures pour promouvoir la langue et l’écrit. D’où le besoin de relais sur place.

L’infatigable Lausannois vient de passer un contrat avec une jeune association française, Piaf solutions, dédiée à  la coopération internationale culturelle, linguistique et technique . Son représentant, Nicolas Mezzalira, ex-directeur des Alliances françaises au Pérou, a déjà aidé, en 2020, la fondation suisse à diffuser les ouvrages traduits en shipibo-konibo dans la zone de l’Amazonie péruvienne en 2020.

Piaf va solliciter les Alliances françaises pour assurer la diffusion localement de 15 nouvelles traductions du Petit Prince d’ici à 2026 dans quinze pays, financées par la fondation.

Jean-Marc Probst souhaite aussi œuvrer pour la paix en Ukraine à partir d’une information dénichée dans une interview diffusée en 2018 :  Le Petit Prince est l’un des cinq ouvrages préférés de Vladimir Poutine. » 

Voici quelques jours, le collectionneur a donné une idée au ministre des Affaires étrangères suisse. « Le président Poutine est sensible aux messages de Saint-Exupéry dans son Petit Prince. Cela pourrait certainement être un prétexte pour établir un dialogue de paix.  La sagesse du Petit Prince convoquée pour infléchir la politique guerrière du Maître du Kremlin, Saint-Exupéry n’aurait sans doute pas désapprouvé…

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