GASPARD ULLIEL

 

PUTAIN DE POUDREUSE


Cinéma

Gaspard Ulliel, un an après, un souvenir toujours vivace


Gaspard Ulliel dans son dernier film « Plus que jamais », sur la mort prématurée, le deuil et le temps qui reste.

Gaspard Ulliel dans son dernier film « Plus que jamais », sur la mort prématurée, le deuil et le temps qui reste.


Le 19 janvier 2022, l’acteur Gaspard Ulliel, 37 ans, décédait des suites d’une collision avec un autre skieur. Alors que sa présence sur les écrans ne s’est pas encore tout à fait estompée, il nous manque déjà.

Un an que la poudreuse a joué les faucheuses en emportant Gaspard Ulliel, à 37 ans, dans un banal accident de ski… Un an que sa brutale disparition a endeuillé le cinéma. Expérience troublante pour le spectateur, l’acteur au regard bleu nuit a pourtant continué à hanter les écrans après sa mort. Non pas seulement parce que certains de ses rôles sont inoubliables – enfant de l’exode au crâne rasé dans Les Égarés, de Téchiné, génie du style et grand écorché dans Saint Laurent, de Bertrand Bonello, revenant mélancolique et moribond dans Juste la fin du monde, de Xavier Dolan. Il est récemment apparu, comme autant d’étranges clins d’œil posthumes, dans plusieurs productions inédites, sur grand et petit écran, entre franchise hollywoodienne et cinéma d’auteur européen.

Dès le mois de mars, Moon Knight, la minisérie Marvel, arrivait sur Disney+. Dans l’épisode 3 de ce récit d’aventure, on retrouvait Gaspard Ulliel dans la peau de l’Homme de minuit, l’un des ennemis de Marc Spector (Oscar Isaac), le bras armé du dieu de la lune. De quoi nous rappeler que l’acteur avait, tout comme Léa Seydoux, une carrure internationale.

Au cinéma, c’est le 16 novembre dernier, dix mois presque jour pour jour après sa mort, que l’acteur s’est retrouvé au générique de deux films… Dans Coma, tourné en décembre 2021, Bertrand Bonello, très proche d’Ulliel qu’il avait dirigé dans Saint Laurent et devait retrouver sur son plateau au printemps 2022 (drame d’anticipation, La Bête aura finalement Léa Seydoux et George MacKay à son casting), nous fait entendre la voix du jeune homme. Le film est confiné dans la chambre d’une adolescente où des poupées dialoguent comme les personnages d’une sitcom. L’une d’elles s’appelle Scott et parle comme Gaspard Ulliel. « J’étais seul dans une salle de projection, Gaspard venait de mourir, et quand j’ai entendu sa voix résonner dans la salle, c’était comme une hantise », a confié Bonello à Variety, exprimant avec ses mots ce que les spectateurs plongés dans le noir ont dû eux aussi ressentir.

Quand la fiction devient archive

Et puis, il y eut Plus que jamais, que les critiques et festivaliers avaient déjà découvert dans la section Un certain regard à Cannes, en mai. Éprouvante projection que celle de ce film sur la mort prématurée, le deuil et le temps qui reste, réalisé par la Franco-Allemande Emily Atef : comment ne pas ressentir comme un vertige méta(physique) en voyant Gaspard Ulliel, déjà mort dans la vraie vie, incarner le compagnon aimant d’une femme (jouée par Vicky Krieps) qui se meurt d’une maladie incurable ?

La réalité a transformé la fiction en une archive précieuse : « le » dernier film de Gaspard Ulliel. Entre la noirceur de Bordeaux et la lumière des fjords norvégiens, l’acteur déploie sans fioritures toutes les variations de la douceur et de l’amour. C’est précisément cette douceur qui nous manque. Cette façon d’infléchir sa voix en une modulation plaintive et caressante qui nous rappelait parfois les accents de grâce qu’un Depardieu d’avant-cabotinage pouvait nous offrir en une phrase, en un regard.

Dans les dernières années de sa courte vie, Gaspard Ulliel, souvent brocardé pour sa plastique lisse de mannequin pour parfum (il était le visage du Bleu de Chanel) avait su apporter profondeur et relief à son jeu, plein d’ambivalences et de mystère. Son côté androgyne – corps viril et gracile à la fois, visage fin aux yeux espiègles, presque enfantins – embrassait pleinement l’époque, cette ère post-#MeToo où les genres se mêlent et se superposent. Et jusqu’au bout, il aura fait montre d’éclectisme dans ses choix, passant de la panoplie du superhéros à un mélo délicat sur la fin d’une vie.

Sur Wikipédia, on apprend que « Gaspard Ulliel » a été le quatrième terme le plus recherché sur Google en France en 2022. 

2023 commence, et l’on formule un souhait : que Gaspard Ulliel ne soit pas oublié. Qu’on le garde avec nous, du côté des vivants et des images qui bougent.

 L’acteur est mort, vivent ses films !

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