ADIEU VOITURE, BONJOUR TRISTESSE...

 

À la recherche de l’automobile perdue

L'automobile demeurera le visage de la France légère et optimiste des Trente Glorieuses

À la recherche de l’automobile perdue
Neuvième édition de "l'Embouteillage de Lapalisse", dans l'Allier, 8 octobre 2022. Plus de 750 véhicules participent à la grande reconstitution de la transhumance des vacanciers sur la Nationale 7. OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP

La voiture a occupé une place à part entière dans notre culture commune, dans notre imaginaire collectif. Présente dans nos souvenirs d’enfance, elle est aussi indissociable de nos amours et de nos fantasmes. Iconique et glamour, à l’instar des stars qu’elle a accompagnées, elle demeure le visage de la France légère et optimiste des Trentes Glorieuses.


Aujourd’hui, je veux vous parler de l’Automobile au singulier avec un A majuscule. Oubliez les insultes et les interdictions, les ZFE vengeresses et le gazole au prix du « N° 5 », la ségrégation urbaine et la ruralité abandonnée, le peuple à l’arrêt, les élites en marche, les faux alibis écologiques et cette rage systémique qui s’est abattue sur l’objet de tous nos fantasmes, son anéantissement programmé et notre patrimoine historique amputé. Laissez tous les salisseurs de mémoire à leurs diatribes endiablées, ils emporteront avec eux le fracas d’une mobilité radicale et vaine. L’Histoire jugera leurs actes. Aujourd’hui, je veux vous parler des souvenirs, de nos souvenirs, faire remonter les « bagnoles » à la surface, raviver leurs traces, nous émouvoir ensemble et partager quelques fragments d’un monde qui sera bientôt englouti.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Adieu voiture, bonjour tristesse

Par quoi commencer ? Le sujet est immense, tentaculaire, terrifiant par son ampleur quasi mystique. Il recouvre tous les domaines de la société ; la voiture fut, tour à tour, un marqueur social, industriel, culturel, émotionnel, onirique, un objet de croyance, un vecteur d’identité, un enjeu de civilisation pour les États et de guerre économique entre les entreprises, un outil de liberté, d’émancipation, de libération, une matière brute à écrire, à filmer, à chanter, un exutoire, une échappatoire, un rêve, un songe, un mirage peut-être. Pour commencer notre voyage à la recherche de cette Automobile perdue, vitre ouverte, coude à la portière, pommeau de vitesse luisant et volant en bakélite entre les mains, je vous lance quelques images, des flashs qui me reviennent, des vapes d’essence, des instantanés d’une époque bénie. Je vous parle des Trente Glorieuses.

Mercedes-Benz 300 SL Coupé (1954). D.R.

Vous connaissez ma nostalgie lancinante. Préparez-vous à l’assaut. Comme ça, pêle-mêle, sans hiérarchie de l’information, sans volonté d’instrumentaliser le lecteur, en se laissant seulement bercer par un passé récent, encore palpable. Pour combien de temps encore ? Juste des odeurs et des bruits. Des arabesques sur les départementales et des bouchons infinis sur la nationale 7. Des mécaniques gorgées de chevaux, des lignes tentatrices, des vacances en Andalousie, un talon-pointe exécuté avec maestria, un intérieur cuir havane, une phrase de Paul Morand à plein régime, une station-service au logo branlant, des carabinieri en Ferrari, des gendarmes en Estafette, des stands du salon de Paris à l’asphyxie, Tintin en Amilcar sous la plume d’Hergé, Johnny en Mustang au Monte-Carlo, Sheila en Parisienne pour l’hebdomadaire Elle, Ric Hocheten Porsche 911 jaune, Vittorio Gassman en Lancia Aurelia, un 15 août étrangement silencieux dans les rues de Rome, une Lotus sous-marine dans un vieux James Bond, Pompidou en 356 clopant dans la cour de l’Élysée, Mitterrand en Renault 30 sortant du Vieux Morvan, la reine Elizabeth II en Land Rover et veste huilée Barbourparcourant la campagne anglaise, Christophe Lambert peroxydé et passablement énervé dans une 205 GTI, Bouvard empereur des journalistes en 604 présidentielle avec téléphone et téléscripteur à bord, Coluche en AMC Pacer prêtée par les établissements Jean-Charles (importateur American Motors), situés rue Claude-Terrasse dans le XVIe arrondissement, Claude Brasseur, le père de Vic en Matra Rancho, l’arrivée motorisée des vedettes dans l’émission « Champs-Élysées » de Michel Drucker, les Lancia

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