Nous sommes les héritiers d’une immense civilisation ainsi que je l’ai rappelé précédemment. Mais tout cela est oublié et même renié par une classe politique dénaturée, déconnectée des réalités et inaudible, à l’image d’un président de la République et d’un (ex-)Premier ministre que personne n’écoute plus.
La France vit une crise politique sans précédent dans son Histoire longue, avec un gouvernement dans l’incapacité de faire voter une quelconque loi et de consolider le budget de l’année à venir. Jamais sous la République comme sous la monarchie, elle n’a connu semblable paralysie de l’exécutif.
Celle-ci est d’autant plus grave que la France est un État centralisé dans lequel chaque chef de service guette mois après mois les consignes et les financements de son ministère. Elle est d’autant plus surprenante que la Constitution de la Ve République a conféré en 1958-1962 au Président de la République autant de légitimité et davantage de pouvoir que n’en avait Louis XIV lui-même !
Mais depuis un quart de siècle, pour des raisons sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, cette légitimité et ce pouvoir se sont vus réduits à néant, au point que le titulaire actuel de la fonction ne semble plus rien maîtriser et ne peut plus sortir dans la rue sans être conspué et menacé.
Les gouvernants européens eux-mêmes s'inquiètent d'une crise existentielle qui met en péril la cohésion de la nation, la survie de l’État et aussi celle de l’Union européenne, dont la France reste vaille que vaille le cœur battant par la géographie comme par l’Histoire.
Le zéro absolu de la pensée politique
Chacun attend un hypothétique choc salvateur. Mais pour aller où ? Les palinodies de ces derniers mois et de ces dernières semaines témoignent du vide vertigineux de la pensée politique. Un comble dans le pays de Montesquieu et Tocqueville !
Face aux défis vitaux auxquels sont confrontés la France et les Français, les partis, les élus et les intellectuels engagés n’ont rien à proposer que des mesurettes sans queue ni tête en totale incohérence les unes envers les autres et sans prise sur les réalités du monde d’aujourd’hui.
Tandis que la dette publique dépasse les trois mille milliards d’euros et le déficit budgétaire les cent cinquante milliards, l’un propose de supprimer deux jours chômés, l’autre de surtaxer le patrimoine des « ultrariches ». Dans l’un et l’autre cas pour un gain très hypothétique de quelques milliards !
À côté de cela, on n’entend aucune proposition de réforme en dépit des signaux d’alerte qui se multiplient de mois en mois avec une balance commerciale toujours plus dégradée et une concurrence étrangère qui affecte les derniers fleurons de la France : la viticulture, l’armement, la pharmacie, le nucléaire et même le luxe ! Avec aussi, pour conséquence, des services publics mis à la diète et en voie de délabrement. Selon la formule percutante de Jean Tirole, Prix Nobel d’économie, nous continuons à « déplacer les transats pendant que le Titanic coule ».
Pour les dirigeants, les partis et les syndicats, les enjeux économiques se résument au partage d’un gâteau de taille fixe. C’est une « pensée à somme nulle » qui nous condamne à l’appauvrissement collectif, avertit Jean Tirole. Et de conclure : « La dette, en somme, n’est pas qu’une affaire de comptes publics : elle est le révélateur de notre incapacité à nous projeter dans l’avenir » (La Tribune, 29 septembre 2025).
De fait, les militants syndicaux et politiques battent le pavé sans y croire et surtout sans but. Quant aux jeunes générations, elles ne défilent même plus pour « sauver la planète ». Elles s’en tiennent à de petits gestes sans conséquence (tri des déchets !) tout en consommant des babioles venues de l’autre extrémité de la planète via les réseaux des géants américains de l’internet.
L'affiche ci-après, qui remonte à 1945 et nous vient du Parti communiste, illustre l'inversion de valeurs survenue depuis la Libération dans les partis et plus généralement la société française.