Le Covid long touche 2 millions de personnes en France. Les manifestations sont nombreuses et, pour de nombreux malades très handicapantes. Que sait-on aujourd’hui de ce syndrome ? Comment l’explique-t-on et quelle est sa prise en charge ?
À côté des épisodes infectieux bien connus du Covid, un nouveau phénomène se manifestait dès la fin 2020, ne cessant de prendre de l’ampleur jusqu’à devenir un enjeu majeur pour les autorités de santé : des patients qui voyaient persister une grande fatigue, un brouillard cérébral, des palpitations, des troubles digestifs ou respiratoires : on découvrait le Covid long, un syndrome qui concerne aujourd’hui 2 millions d’hommes et de femmes en France.
Qu’est-ce-que le Covid long ?
Environ 4% de la population adulte est atteinte de Covid long, 10% à peu près en guérissent, 5 à 10% restent extrêmement handicapé et pour 90% des patients, les symptômes s'améliorent, mais de façon très, très lente. Au niveau du monde, cela veut dire qu’au minimum 100 millions de personnes sont atteintes de Covid long. Selon la définition donnée par l'OMS en 2021 : ce sont des gens qui, dans les trois mois d'un Covid, ont des signes prolongés qui durent plus de deux mois qui associent surtout la fatigue, des troubles cognitifs, des essoufflements ou des tachycardies. Mais un tas d'autres organes peuvent être atteints. Selon l’infectiologue : « Le Covid long ce n'est pas une séquelle du Covid, mais c'est quelque chose qui est toujours évolutif. »
Dans 10% des cas de Covid long, on a des formes sévères
Dans 10% des cas de Covid long, il y a des formes sévères avec, comme le rappelle Dominique Salmon-Ceron : « ce sont des gens qui, après trois ans, n'ont plus d'indemnité, plus de salaire, donc ils peuvent être licenciés, ils sont obligés éventuellement de reprendre un travail, mais avec la saturation intellectuelle, ce sont souvent des travails à temps partiel. À la faculté, ce sont des jeunes qui sont quelquefois radiés de leurs études. » […] « On a des gens qui sont extrêmement handicapés, et c'est une maladie invisible, c'est une petite mort invisible. Et cela a un impact extrêmement important sur le psychisme de ces personnes, avec des gens qui ont des idées suicidaires. »
Mais pourquoi certaines personnes vont avoir un Covid long ?
Selon la présidente du groupe de travail de la Haute Autorité de Santé sur le Covid long: « Toutes les sortes de Covid peuvent laisser un Covid long, mais c'est plus souvent des gens qui ont eu des formes assez symptomatiques, avec beaucoup de symptômes. Des symptômes ORL comme tout le monde, mais aussi des symptômes pulmonaires, digestifs, neurologiques. […] Il semble qu'il y ait beaucoup d'allergiques chez les patients Covid longs, pas mal de maladies auto-immunes. »
Selon l’infectiologue, les personnes qui ont déclaré un Covid long : « ce sont des gens qui ne se sont pas bien débarrassés du virus. Au départ, ils ont eu une réponse immune, mais au lieu que ce soit une réponse immune qui donne des cellules tueuses, qui éjectent le virus, c'est une réponse un petit peu de type allergique qui fait que le virus est resté dans des réservoirs. Il y a au moins trois conséquences : une inflammation, mais ce n'est pas une inflammation comme on voit dans les méningites avec des vitesses de sédimentation élevées, c'est plutôt l'immunité innée, les mastocytes qui sont très excités. Ensuite, il y a un dysfonctionnement des mitochondries. Il y a une hypothèse aussi sur une inflammation des vaisseaux avec la formation de micro-caillots. Et il y a tout un tas d'autres atteintes, qui sont probablement la conséquence de ces mécanismes. Il y a aussi une atteinte du système nerveux autonome qui se passe au niveau du tronc cérébral et qui est très dysfonctionnel chez ces patients."
Quels traitements aujourd’hui ?
Aujourd’hui encore, il y a des traitements qui sont encore symptomatiques, mais qui sont dirigés contre les atteintes constatées. Selon le Professeur Dominique Salmon Ceron :« Il y a une chose très importante, ce qu'on appelle le pacing, c'est-à-dire que le patient doit bien comprendre que son niveau d'énergie est plus faible qu'une autre personne. Donc, il ne peut pas faire comme avant. Il faut adapter sa vie et fractionner ses activités. Si on arrive à faire ce pacing qui nécessite de se reposer entre ses activités, on passe à un Covid long moins sévère et encore moins sévère. Après, on a des traitements symptomatiques et c'est vrai que parmi ces traitements, beaucoup de gens ont ce syndrome d'activation des mastocytes, donc les antihistaminiques sont donnés. Ce peut être aussi des bêtas bloquants, des anti-inflammatoires, des anti-douleurs. A côté il y a une prise en charge psychologique qui est souvent nécessaire. Et il y a toutes les rééducations. Par exemple, la rééducation neuropsychologique faite par des orthophonistes, cela permet aux patients de trouver des solutions pour contourner leurs troubles cognitifs. La rééducation respiratoire marche bien également."
Et niveau recherche, où en est-on ?
Selon Dominique Salmon-Ceron : « Quand on aura des antiviraux très efficaces en combinaison qui peuvent être donnés de façon prolongée, ce sera vraiment très intéressant de les tester. Mais peut-être qu'il y aura des atteintes aussi qui resteront. Donc on cherche aussi des médicaments qui puissent renforcer le métabolisme des mitochondries. Et il y a des essais menés dans chaque pan. Il y a des essais sur les antiviraux, sur les anti-inflammatoires, les antihistaminiques, ou d'autres immunomodulateurs. Il y a des essais menés sur les anticoagulants, sur des médicaments qui agissent plutôt au niveau du cerveau. Il y a même des essais avec l'Aphérèse (méthode qui consiste à nettoyer le sang : c'est un système de filtration externe et à réinjecter le sang une fois filtré.)"
Pour l’instant ce sont les médecins généralistes qui gèrent les personnes atteintes de Covid long mais il faut créer des centres spécialisés et former les médecins, et bien sûr avoir des financements pour la recherche.