jeudi 29 septembre 2022

ON NE MEURT PAS DE VIEILLESSE.

 









Le certificat de décès de la reine Elizabeth II vient d’être rendu public trois semaines après la mort de la souveraine, le 8 septembre. Le document mentionne sa « vieillesse » comme cause de sa mort. Sauf que la vieillesse ne peut être considérée comme une pathologie et donc comme une cause de décès.



C’est dans son château de Balmoral, en Écosse, que la reine Elizabeth II s’est éteinte « paisiblement » ce 8 septembre, à 96 ans. Ce détail de localisation obligeait un médecin à établir un certificat de décès. En Angleterre, cette obligation légale s'applique aux sujets du souverain, mais pas au souverain lui-même. Le document a été rendu public par les archives nationales d'Écosse, ce 29 septembre. Il mentionne sa « vieillesse » comme cause de décès. Voilà donc comment s’est achevé le règne le plus long de la monarchie britannique.

« La cause principale de la mort est enregistrée », a expliqué Douglas James Allan Glass, médecin de Braemar, village voisin de Balmoral, « apothicaire de la reine » depuis 34 ans. Bémol : vieillir n’est pas une maladie. Et donc pas non plus une cause de décès au sens biologique. Une formulation détournée qui permet surtout de préserver le secret médical qui entoure la fin des soixante-dix années de trône d’Élizabeth II. En France, la « vieillesse » n’est d’ailleurs jamais mentionnée comme cause de décès, comme nous l’explique Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (AP-HP). Entretien.

Marianne : Pourquoi est-il imprécis de dire que la reine est « morte de vieillesse » ?

Christophe Trivalle : Deux jours avant de disparaître, la reine Elizabeth a rencontré la Première ministre britannique : c’est sa dernière apparition publique. Don, 48 heures avant de s’éteindre, elle était sur pied. Difficile de parler de « mort de vieillesse » dans ce cas ! Cette notion floue se rapporte souvent aux personnes dont l’état de santé général se dégrade progressivement avec l’âge. On l'utilise surtout dans le langage courant lorsqu’on ne sait pas réellement ce qui a provoqué la mort. Il est vrai que certaines maladies qui sont plus fréquentes avec l’augmentation de l’espérance de vie, puisqu’elles sont particulièrement liées à l’âge – c’est le cas d’Alzheimer et de Parkinson par exemple – et sont parfois appelées « maladies du vieillissement ».

À LIRE AUSSI : Longévité : vivra-t-on un jour jusqu'à 200 ans ?

Mais on ne peut pas pour autant dire qu’une personne meurt de vieillesse. Un décès a forcément une cause, qui peut être liée à d’autres pathologies : une maladie cardiovasculaire, un cancer, une infection… La reine n’est pas morte de vieillesse, cela n’a pas de sens. Quand on parle de mort de vieillesse, on englobe tous les décès pour lesquels nous n’avons pas de diagnostic médical précis. Et cela arrive souvent. Quand une personne décède, surtout une personne âgée, on ne fait pas forcément d’autopsie, alors qu’on en pratiquait davantage il y a quelques décennies. Désormais, on ne le fait que quand il y a une suspicion, une raison médico-légale, par exemple en cas de suicide.

Dans ces cas où l’on ne sait pas exactement ce qui a mené au décès, que mentionne-t-on sur le certificat ?

Cette formulation de « vieillesse » est potentiellement valable au Royaume-Uni. Mais en France, à ma connaissance, on ne l'utilise pas. Quand l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale] ou encore l’Insee [Institut national de la statistique et des études économiques] publient les pourcentages des causes de décès en fonction des tranches d’âges, la « vieillesse » n’apparaît pas, cela n’aurait que peu de sens. Quand on ne sait pas, souvent, on indique un « arrêt cardiorespiratoire ». Ce qui n’est pas tellement plus précis, puisque si on décède, on est forcément en arrêt cardiorespiratoire. Mais généralement, si la personne a une maladie associée, comme du diabète ou de l'hypertension, on le mentionne. J’essaie, de mon côté, d’être le plus précis possible pour que les certificats permettent de faire des statistiques fiables sur les causes de décès au niveau de la population.

À LIRE AUSSI : Fantasme de la vie éternelle : est-ce qu'on perd son temps à essayer d'en gagner ?

Prenons l’exemple d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, décédée parce qu’elle s’étouffe avec un aliment. Sur le certificat de décès, j’écrirais « fausse route », c’est-à-dire que l’aliment est parti vers les poumons plutôt que vers le système digestif, puis « trouble de la déglutition ». Or, ce dernier est lié à sa pathologie, donc figure aussi « Alzheimer » sur le document. C’est la même chose pour une personne qui décède d’une infection qui est apparue car elle était immunodéprimée à cause d’un traitement anticancéreux. Tout est lié : le cancer, ou plutôt son traitement, permet à l'infection de se répandre. Celle-ci provoque un choc septique, suivi d’un arrêt cardiaque. On ne peut pas mentionner uniquement cette deuxième cause, c’est imprécis ! Enfin, si la mort est rapide, inattendue et inexpliquée, on peut mettre « mort subite ». On en parle souvent chez les nourrissons mais cela peut arriver à tout âge, même chez les personnes âgées. La personne se porte bien, mais elle meurt subitement.

Pour la reine, aurait-on alors pu parler de « mort subite » ?

Non. Le matin de son décès, on a su que son état de santé inquiétait son entourage. Elle est morte à 15 heures. Ce qui veut dire qu’il s’est dégradé avant qu’elle ne meure – certes rapidement, mais ce n’est pas propre à une mort subite. On ne peut donc pas savoir ce qui s’est exactement passé : ce peut être un infarctus massif, un AVC [accident vasculaire cérébral]… Tout cela est du domaine de l’hypothèse, mais il y a forcément un diagnostic plus précis que la vieillesse qui a mené à la disparition d'Elizabeth II. Cette formule permet probablement de préserver le secret médical, en protégeant la cause réelle. Nous n’avons accès qu’à une feuille de ce certificat : peut-être y en a-t-il d’autres.









Vieillir n’est pas une maladie. Et donc pas non plus une cause de décès au sens biologique.
AFP

"Non, Elizabeth II n’est pas 'morte de vieillesse' !"



Christophe Trivalle, gériatre : "Non, Elizabeth II n’est pas 'morte de vieillesse' !"

C’est dans son château de Balmoral, en Écosse, que la reine Elizabeth II s’est éteinte « paisiblement » ce 8 septembre, à 96 ans. Ce détail de localisation obligeait un médecin à établir un certificat de décès. En Angleterre, cette obligation légale s'applique aux sujets du souverain, mais pas au souverain lui-même. Le document a été rendu public par les archives nationales d'Écosse, ce 29 septembre. Il mentionne sa « vieillesse » comme cause de décès. Voilà donc comment s’est achevé le règne le plus long de la monarchie britannique.

« La cause principale de la mort est enregistrée », a expliqué Douglas James Allan Glass, médecin de Braemar, village voisin de Balmoral, « apothicaire de la reine » depuis 34 ans. Bémol : vieillir n’est pas une maladie. Et donc pas non plus une cause de décès au sens biologique. Une formulation détournée qui permet surtout de préserver le secret médical qui entoure la fin des soixante-dix années de trône d’Élizabeth II. En France, la « vieillesse » n’est d’ailleurs jamais mentionnée comme cause de décès, comme nous l’explique Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (AP-HP). Entretien.

Marianne : Pourquoi est-il imprécis de dire que la reine est « morte de vieillesse » ?

Christophe Trivalle : Deux jours avant de disparaître, la reine Elizabeth a rencontré la Première ministre britannique : c’est sa dernière apparition publique. Don, 48 heures avant de s’éteindre, elle était sur pied. Difficile de parler de « mort de vieillesse » dans ce cas ! Cette notion floue se rapporte souvent aux personnes dont l’état de santé général se dégrade progressivement avec l’âge. On l'utilise surtout dans le langage courant lorsqu’on ne sait pas réellement ce qui a provoqué la mort. Il est vrai que certaines maladies qui sont plus fréquentes avec l’augmentation de l’espérance de vie, puisqu’elles sont particulièrement liées à l’âge – c’est le cas d’Alzheimer et de Parkinson par exemple – et sont parfois appelées « maladies du vieillissement ».

À LIRE AUSSI : Longévité : vivra-t-on un jour jusqu'à 200 ans ?

Mais on ne peut pas pour autant dire qu’une personne meurt de vieillesse. Un décès a forcément une cause, qui peut être liée à d’autres pathologies : une maladie cardiovasculaire, un cancer, une infection… La reine n’est pas morte de vieillesse, cela n’a pas de sens. Quand on parle de mort de vieillesse, on englobe tous les décès pour lesquels nous n’avons pas de diagnostic médical précis. Et cela arrive souvent. Quand une personne décède, surtout une personne âgée, on ne fait pas forcément d’autopsie, alors qu’on en pratiquait davantage il y a quelques décennies. Désormais, on ne le fait que quand il y a une suspicion, une raison médico-légale, par exemple en cas de suicide.

Dans ces cas où l’on ne sait pas exactement ce qui a mené au décès, que mentionne-t-on sur le certificat ?

Cette formulation de « vieillesse » est potentiellement valable au Royaume-Uni. Mais en France, à ma connaissance, on ne l'utilise pas. Quand l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale] ou encore l’Insee [Institut national de la statistique et des études économiques] publient les pourcentages des causes de décès en fonction des tranches d’âges, la « vieillesse » n’apparaît pas, cela n’aurait que peu de sens. Quand on ne sait pas, souvent, on indique un « arrêt cardiorespiratoire ». Ce qui n’est pas tellement plus précis, puisque si on décède, on est forcément en arrêt cardiorespiratoire. Mais généralement, si la personne a une maladie associée, comme du diabète ou de l'hypertension, on le mentionne. J’essaie, de mon côté, d’être le plus précis possible pour que les certificats permettent de faire des statistiques fiables sur les causes de décès au niveau de la population.

À LIRE AUSSI : Fantasme de la vie éternelle : est-ce qu'on perd son temps à essayer d'en gagner ?

Prenons l’exemple d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, décédée parce qu’elle s’étouffe avec un aliment. Sur le certificat de décès, j’écrirais « fausse route », c’est-à-dire que l’aliment est parti vers les poumons plutôt que vers le système digestif, puis « trouble de la déglutition ». Or, ce dernier est lié à sa pathologie, donc figure aussi « Alzheimer » sur le document. C’est la même chose pour une personne qui décède d’une infection qui est apparue car elle était immunodéprimée à cause d’un traitement anticancéreux. Tout est lié : le cancer, ou plutôt son traitement, permet à l'infection de se répandre. Celle-ci provoque un choc septique, suivi d’un arrêt cardiaque. On ne peut pas mentionner uniquement cette deuxième cause, c’est imprécis ! Enfin, si la mort est rapide, inattendue et inexpliquée, on peut mettre « mort subite ». On en parle souvent chez les nourrissons mais cela peut arriver à tout âge, même chez les personnes âgées. La personne se porte bien, mais elle meurt subitement.

Pour la reine, aurait-on alors pu parler de « mort subite » ?

Non. Le matin de son décès, on a su que son état de santé inquiétait son entourage. Elle est morte à 15 heures. Ce qui veut dire qu’il s’est dégradé avant qu’elle ne meure – certes rapidement, mais ce n’est pas propre à une mort subite. On ne peut donc pas savoir ce qui s’est exactement passé : ce peut être un infarctus massif, un AVC [accident vasculaire cérébral]… Tout cela est du domaine de l’hypothèse, mais il y a forcément un diagnostic plus précis que la vieillesse qui a mené à la disparition d'Elizabeth II. Cette formule permet probablement de préserver le secret médical, en protégeant la cause réelle. Nous n’avons accès qu’à une feuille de ce certificat : peut-être y en a-t-il d’autres.

VIGILANCE JAUNE

 ⚠️Prudence ! 🟡⛈⛈


Le temps se gâte rapidement à partir de ce midi sur l'ensemble de nos îles ainsi que vendredi. Localement de fortes averses parfois orageuses accompagnées de quelques bonnes rafales de vent, surtout vers les îles du Nord. 



A partir de la semaine prochaine nous serons vigilants à deux ondes tropicales qui quitteront l'Afrique.  Trop tôt pour parler de trajectoires .


BLONDE

 Je viens de regarder sur Netflix 


BLONDE : chronique

Andrew Dominik parfait son entreprise d’observation de figures réelles par la fiction et invite le spectateur à une proposition de cinéma sensorielle, subjective et expérientielle, pour qui le mot chef-d’œuvre semble avoir été inventé.

 

Ana de Armas donne vie à Marilyn dans ce biopic consacré à l’icône hollywoodienne.

Cela commence par une photo de son père. Avec sa moustache, c’est le sosie de Clark Gable. Elle ne doit le dire à personne. Avec ses boucles à la Shirley Temple et son air innocent, la petite Norma Jean garde le silence. Ce secret va la dévorer. Voici une histoire américaine, donc universelle. Presque trois heures, il fallait bien ça pour transposer les mille pages du roman signé Joyce Carol Oates, chef-d’œuvre fébrile et poisseux. En images, il est plus délicat de plonger dans la psyché d’une star. Andrew Dominik s’en tire avec les honneurs de la guerre. Le côté vénéneux est là. C’est un film à la première personne. Peut-être vaut-il mieux avoir lu le livre avant, pour combler les ellipses, identifier certains protagonistes.

D’une caméra frôleuse, le réalisateur survole cette carrière hors norme, de la rencontre brutale avec Darryl Zanuck dans son bureau à la déréliction finale. La métamorphose de la jeune fille banale en symbole sexuel est scrutée à la loupe. Les hommes s’intéressent à son physique. Elle voudrait davantage. C’était de la fragilité aux mensurations parfaites, une bombe peroxydée. Il y avait cette dualité de la pin-up qui rêvait d’être prise au sérieux.



À son meilleur, le cinéma est pure empathie, dans sa définition la plus littérale : il dépasse la simple compréhension et propulse le spectateur dans le cœur, la tête et les pompes d’un personnage. Il parvient à en détailler et à en partager intimement la spécificité, la singularité et la subjectivité. Le roman « Blonde » de Joyce Carol Oates, dont « la synecdoque [était] le principe », se plongeait déjà dans la subjectivité de Marilyn Monroe. Il usait de la fiction pour remodeler le mythe afin d’en faire jaillir une vérité humaine fragmentaire plus que biographique. Son adaptation par Andrew Dominik décuple cet effet empathique, peut-être parce qu’un film ne connaît pas les interruptions de la lecture et que le cinéma synthétise diverses formes d’Art – peinture, photographie, musique ou littérature. BLONDE s’impose ainsi instantanément en bulle sonore et visuelle, sensorielle, expérientielle, où Marilyn plonge ses yeux dans ceux du spectateur pour un tête-à-tête de 2h47 entre confession et soliloque, entre rêve et cauchemar.

« You will have to shoot around her » (« Vous allez devoir tourner sans elle »), hurle Monroe en quittant le plateau de CERTAINS L’AIMENT CHAUD. Andrew Dominik fait exactement le contraire : dans BLONDE, rien ni personne n’existe à part Marilyn, autour de Marilyn. Seuls comptent ses sentiments, son visage, son corps, ses traumas et comment ceux-ci influencent son existence. Pour ainsi mettre en scène ce qu’elle ressent, pense, vit et imagine, le cinéaste s’appuie tout d’abord sur Ana de Armas, dont la ressemblance et le mimétisme ne sont que la partie émergée, presque réductrice, d’une prestation remarquable de nuances, capable de joindre dans un même mouvement la puissance à la fragilité. Il construit aussi un puzzle formel à la fois soigneusement réfléchi et aux atours d’aléatoire. Les cadres, pour la plupart resserrés, enferment Marilyn dans son image – tout le film est d’ailleurs inspiré de photographies et images d’époque, effet saisissant de voir tout un inconscient collectif visuel prendre vie, loin de toute reconstitution académique. Flou des arrière-plans, vignettage, aberrations : tout, dans la splendide photo de Chayse Irvin, vient obstruer « l’autour ». Lorsque les cadres respirent davantage, la ligne d’intimité qui relie le spectateur à Monroe se distend, comme si l’on perdait peu à peu l’actrice. Chaque plan plus large hurle ainsi sa solitude – Marilyn, seule dans la foule d’une salle de cinéma où le tout-Hollywood l’admire à l’écran ; seule face à une foule rugissante qui l’observe filmer la scène de la grille soufflante de SEPT ANS DE RÉFLEXION. Par de constants passages de la couleur au noir et blanc ou par d’incessants changements de ratios, BLONDE saute sans transition de la proximité du banal à l’iconique image cinéma, Marilyn n’existant jamais vraiment uniquement dans l’une ou l’autre, les deux sphères constamment poreuses. Andrew Dominik atteint ici une maîtrise absolue de son langage, jouant autant d’une foule d’images marquantes, choquantes ou évocatrices, que de la puissance du hors champ. Rares sont les films qui évitent aussi scrupuleusement les plans d’exposition et refusent avec autant d’efficacité le contre-champ. Rares aussi sont les cinéastes embrassant avec autant de passion le mauvais goût pour toucher à la subjectivité de leur protagoniste – des draps qui se transforment en chutes du Niagara ; des étoiles en spermatozoïdes.

Absolument fidèle au roman de Joyce Carol Oates alors qu’il en élague des parties entières (l’orphelinat, le premier mari, le tournage des DÉSAXÉS ou du PRINCE ET LA DANSEUSE…) et use d’ellipses brutales ainsi que d’allers-retours temporels, BLONDE recrée puis réinvente la réalité par la fiction. D’aucuns jugeront l’entreprise problématique. Mais comment pourrait-il en être autrement, puisque BLONDE cherche à figurer et partager un ressenti forcément trop intime et trop subjectif pour s’embarrasser du factuel ? La confusion entre fiction et réalité infuse en Marilyn-même, qui alimente notamment son audition pour TROUBLEZ-MOI CE SOIR de souvenirs personnels. Ce qu’entreprend BLONDE n’a rien à voir avec une exactitude historique mais tout avec une réalité humaine, où l’on accède à une vérité de Marilyn parmi d’autres. Celle-ci, tour à tour bouleversante, captivante, repoussante ou révoltante, raconte le rêve hollywoodien, ses fantasmes éculés de perfection, la concupiscence toxique qui en découle. Dans ce songe-cauchemar, Marilyn apparaît autant bloquée sur des rails qui lui refusent tout libre arbitre, que maîtresse de sa seule solution de repli : l’autodestruction. Au point que, lors de quelques saillies particulièrement éloquentes, BLONDE bascule de l’onirisme au film d’horreur, des bébés hurlent dans des tiroirs, des visages se déforment, des silhouettes hantent les ombres. Là, comme dans la synecdoque chère à Joyce Carol Oates, de la silhouette de l’icône émerge celle d’une femme et, derrière elle, celle de millions d’autres. BLONDE n’a peut-être pas le tampon d’authenticité de la biographie. Il a mieux : celui du très grand cinéma.


Ana de Armas incarne Marilyn Monroe dans « Blonde », d’Andrew Dominik.

Ana de Armas incarne Marilyn Monroe dans « Blonde », d’Andrew Dominik.

Netflix/Plan B Entertainment

Adapté du roman de Joyce Carol Oates, cet anti-biopic cauchemardesque sur la vie de Marilyn Monroe voit enfin le jour, après dix ans d’acharnement du cinéaste Andrew Dominik. Le résultat : un trip expérimental, qui séduit ou irrite.

POUR

Ne pas prendre le film Blonde pour ce qu’il n’est pas : un biopic glamour et hagiographique sur Marilyn Monroe. À l’instar de Todd Haynes, et de son I’m Not There kaléidoscopique sur Bob Dylan, Andrew Dominik emprunte un autre chemin, bien guidé il faut le dire par le best-seller Blonde (2000), de l’écrivaine Joyce Carol Oates, dont son film est une adaptation très fidèle. Le roman, et non la biographie, s’inspirait de la vie tragique de Marilyn pour brosser l’envers du décor de l’industrie cinématographique américaine, la manière peu reluisante (euphémisme) avec laquelle le cinéma avait traité une actrice – déjà perturbée par une histoire familiale complexe – rapidement prise au piège d’une dualité aliénante, Norma Jean / Marilyn.

Cette vision sombre fait écho à d’autres déboulonnages en règle de grandes figures populaires. On se souvient du sulfureux Hollywood Babylone, du cinéaste Kenneth Anger, énumération hallucinante qui mêlait vérités interdites et bribes de ragots pour dépeindre les dessous gratinés (et parfois criminels) du monde du cinéma au milieu du siècle dernier (il y a d’ailleurs un chapitre sur la mort mystérieuse de Marilyn). Ou encore de la trilogie Underworld USA, de James Ellroy, pour le versant politique, et sa description sans fard du comportement sexuel sordide du président Kennedy – dont on découvre un aperçu écœurant dans Blonde.

Blonde, le film, est aussi un livre d’images. Un roman-photo aux couleurs et cadrages variés qui déverse (dégueule ?) les clichés, connus ou pas, de la vie de l’« actrice blonde » et les détourne par une mise en scène proche du cinéma d’horreur, surréaliste, qui fait se répondre les scènes entre elles, parfois dans un même plan. Tout n’est pas réussi : le film trébuche notamment sur les histoires balisées des relations maritales de Marilyn avec Joe DiMaggio et Arthur Miller. Mais l’ensemble demeure une plongée expérimentale remarquable, brutale et terrifiante, dans un cauchemar américain vécu à travers la psyché du personnage principal, soulignée par l’envoûtante musique de Nick Cave et Warren Ellis qui mêle synthés oniriques et piano menaçant.

Cet aspect « crépuscule des idoles », très contemporain, ne se résume pas à une simple approche des coulisses du showbiz. Il nous interroge sur notre propre regard et notre rapport cathartique au cinéma. Tout le monde projette ses désirs sur Marilyn : sa mère, les producteurs, les réalisateurs, ses maris, les journalistes (les flashs crépitent comme des coups de feu)… mais aussi le public. Son identité se dérobe sous notre regard et nos fantasmes portés vers cet « être de pellicule » (pour reprendre l’« être de papier » de Roland Barthes).

Ce regard, il est bien entendu matérialisé par la caméra. C’est la grande valeur ajoutée du film par rapport au roman. Une caméra-ennemie intrusive (y compris physiquement), qui ne laisse aucun répit à Marilyn. Il faut souligner la performance d’Ana de Armas, impressionnante en petite fille prisonnière d’un corps d’adulte qui ne lui appartient plus.

Mais qu’elle l’incarne bien ou non, que son personnage soit vraiment Marilyn ou pas, que les faits soient vrais ou romancés, finalement, peu importe. Ce qui compte, c’est qu’elle interprète une femme qui souffre derrière la figure iconique. Elle est avant tout un réceptacle de toutes les maltraitances vécues silencieusement par de nombreuses actrices et de nombreuses femmes. Un corps-étendard victime du patriarcat, mais aussi sacrifié sur l’autel de nos désirs, symbole d’un geste féministe radical et nécessaire. – S.M.


CONTRE

Dans la première partie de Blonde, Marilyn Monroe, alors au début de sa carrière, passe une audition comme si sa vie en dépendait, devant un aréopage de décideurs quelque peu interloqués par son style de jeu qui ferait passer l’Actors Studio pour un modèle de sobriété. Verdict du réalisateur : « On dirait une folle. » Le problème est que, au terme des interminables cent soixante-cinq minutes du film d’Andrew Dominik, on ne retient que cela de Marilyn. La complexité de la star, la fantaisie de l’actrice, sa drôlerie ? Oubliées… Seuls sa figure de victime, ses malheurs de femme-enfant brisée psychiquement par la domination masculine, intéressent le cinéaste, dans un crescendo d’humiliations et d’horreurs qui témoignent d’une complaisance malsaine à filmer la déchéance mentale et physique de son héroïne.

Andrew Dominik a beau tenter de reproduire les cauchemars éveillés des chefs-d’œuvre de David Lynch (jusqu’à la bande originale de Nick Cave et Warren Ellis qui pastiche les partitions d’Angelo Badalamenti pour Lost Highway ou Mulholland Drive), multiplier les effets de mise en scène arty (telle l’image qui change de format sans prévenir), Blonde est paradoxalement et désespérément balisé de bout en bout, suscitant lassitude et, in fine, rejet. Avec des fautes de goût pour le moins embarrassantes… Enchaîner un plan d’Ana de Armas en plein orgasme avec une image des chutes du Niagara empruntée à Niagara, le film qui a fait de Marilyn une star, ou filmer un examen gynécologique avec la caméra placée dans le vagin (Andrew Dominik serait-il fan de Gaspar Noé ?), passe encore : dans les deux cas, c’est vulgaire, idiot, mais inoffensif. En revanche, on ne pensait pas découvrir, dans un film aussi ouvertement féministe, des images d’un fœtus implorant sa mère de ne pas « [le] tuer cette fois ». Une séquence digne des pires spots de propagande anti-avortement financés par la droite religieuse aux États-Unis. – S.D.


À voir
 Blonde, drame d’Andrew Dominik (États-Unis, 2h45, 2022). Scénario : A. Dominik, d’après le roman de Joyce Carol Oates. Avec Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody. Sur Netflix

mardi 27 septembre 2022

PLOUMANAC'H

 

D'où viennent ces algues vertes fluo dans le port de Ploumanac'h?

À Perros-Guirec, au port de Ploumanac'h, un dépôt inhabituel d'algues vertes, vendredi 23 septembre, a suscité étonnement et inquiétude chez des riverains..

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Cette algue verte filamenteuse fait partie de notre écosystème. Une espèce cousine, mais différente de la laitue de mer qui prolifère à Saint-Michel-en-Grève.
  ©Gaël Descat – Le Trégor

Un amoncellement inhabituel d’algues vertes, vendredi après-midi au port de Ploumanac’h, a suscité l’étonnement, voire un peu d’inquiétude, chez des riverains surpris par ce dépôt sur quelques dizaines de mètres.



Pour Sylvain Ballu, en charge de la surveillance des marées vertes au CEVA (Centre d’étude et de valorisation des algues) : « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter ».

Les courants et le vent

« Cette algue verte filamenteuse fait partie de notre écosystème. Espèce cousine, mais différente de la laitue de mer, l’Ulva armoricana, qui prolifère, par exemple à Saint-Michel en Grève, elle a pu être déposée là par la marée, poussée par les courants et le vent. L’autre hypothèse étant qu’à la faveur des conditions climatiques de ce début d’automne, elle a connu un léger regain de croissance ».

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« L'action du vent et des courants a provoqué ce dépôt d'algues vertes, et les mortes-eaux de la semaine dernière ne leur ont pas permis de repartir vers le large. » Vincent Claveau, capitainerie du port de Perros-Guirec. ©Gaël Descat – Le Trégor

Surveillance continue

Quoi qu’il en soit, si sa couleur verte presque fluo intrigue dans ce petit port, élément de patrimoine à préserver, ce dépôt d’algue devrait bientôt disparaître.


À lire aussi

« On reste vigilant, et je regarderai l’anse de plus près au prochain survol en avion au-dessus ».

Action de surveillance que le Ceva effectue depuis une vingtaine d’années à raison de sept fois par an.


 

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