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PARLEMENT

Israël-Hamas : à l’Assemblée, les invectives volent haut, mais le débat ne décolle pas

La plupart des député·es ont exprimé une vision convergente de la situation au Proche-Orient, entre condamnation des crimes de guerre des deux côtés et réaffirmation de la nécessité de la création d’un État palestinien. La discussion a encore été marquée par les critiques en direction de La France insoumise.

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« Nous sommes des pavloviens de la discorde. » Président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges (Modem) a résumé en quelques mots les trois heures de débat sur la situation au Proche-Orient à l’Assemblée nationale. « Nous ne sommes jamais aussi heureux, les uns les autres, que quand nous nous écharpons, a développé le député Modem. Nous sommes beaucoup plus d’accord que nous le croyons. »

Au cours des discussions, la plupart des orateurs des divers groupes politiques ont, effectivement, tenu sur le fond des propos similaires. Tous et toutes ont condamné les crimes de guerre du Hamas, tous et toutes ont affirmé le droit d’Israël à se défendre dans le respect du droit international.

La grande majorité des intervenants a insisté sur la nécessité à court terme d’un cessez-le-feu et, à plus long terme, de la création d’un État palestinien. Mais les nombreuses invectives en direction des bancs de La France insoumise ont empêché cette concorde d’émerger.

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La première ministre Élisabeth Borne à la tribune de l’Assemblée nationale, pour une discussion sur la crise au Moyen-Orient, le 23 octobre 2016. © Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Face à un hémicycle clairsemé, Élisabeth Borne a ouvert le débat à l’Assemblée nationale sur la situation au Proche-Orient en rappelant « la voix singulière de la France ». Dans une ambiance tendue, la première ministre a réitéré son soutien au « droit de se défendre d’Israël », tout en insistant : « Les civils doivent être épargnés, les populations ne doivent pas payer pour les crimes des terroristes. »

La cheffe du gouvernement n’a en revanche pas repris à son compte l’expression de « soutien inconditionnel » prononcée par Yaël Braun-Pivet à la tribune le 10 octobre. La présidente de l’Assemblée nationale, en visite en Israël avec plusieurs députés Renaissance et Les Républicains (LR), avait réitéré ce week-end ce soutien appuyé à la politique israélienne, en déclarant que « rien ne [devait] empêcher Israël de se défendre ».

« Hauteur et mesure »

« Il n’y aura pas de paix durable dans la région sans une perspective politique pour les Palestiniens, a insisté la première ministre. La solution est claire, des garanties pour la sécurité d’Israël et un État pour les Palestiniens. C’est la ligne que la France défend avec constance, et qu’elle continuera à porter. » Des propos introductifs repris en conclusion par la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna : « La seule solution viable, c’est la solution à deux États. Nous devons avoir le courage de retrouver le chemin de la paix. »

À rebours des positions tenues par certains au sein du groupe Renaissance, qui reprochent au Quai d’Orsay une ligne « trop chiraquienne », Élisabeth Borne s’est prononcée pour « une trêve humanitaire qui pourra mener à un cessez-le-feu ». Une position partagée sur les bancs dépeuplés de l’hémicycle, où les député·es n’ont cependant pas montré un grand intérêt pour les appels liminaires à « à la hauteur et à la mesure ».

La cheffe du gouvernement a tenu à apporter son soutien à Yaël Braun-Pivet, ciblée par Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter). « Madame Braun-Pivet campe à Tel Aviv pour encourager le massacre », avait-il écrit en marge de la manifestation pour la Palestine. Tout au long de la discussion, les député·es du Rassemblement national comme de la majorité ont parsemé leurs interventions, à la tribune comme sur les bancs, de critiques en direction de La France insoumise.

Première oratrice après Élisabeth Borne, Mathilde Panot a lu son discours dans la cacophonie, traitée de « collabo », accusée de vouloir « mettre le feu à la France », renvoyée au refus de son parti de qualifier de « terroriste » l’attaque du 7 octobre du Hamas. « Un crime de guerre n’est pas justifiable, en aucun cas, et pas davantage en réponse à des crimes de guerre », a affirmé la députée LFI, critiquant les déclarations de Yaël Braun-Pivet en Israël, des propos « inacceptables qui gênent jusque dans [ses] rangs et dans ceux du Quai d’Orsay ».

Au milieu du brouhaha, Mathilde Panot a martelé la nécessité d’un cessez-le-feu et d’une solution à deux États, avant de conclure : « Face à l’horreur, nous n’aurons eu qu’un seul mot d’ordre : cessez-le-feu ; qu’une seule boussole : la paix. »

Consensus sur la solution à deux États

Il aura fallu l’intervention de Jean-Louis Bourlanges pour ramener un peu de calme dans l’hémicycle. « La violence barbare du Hamas est sans excuse, mais pas sans cause », a rappelé le centriste, qui a entrepris de rappeler la dérive des gouvernements successifs de Benyamin Nétanyahou, et sa responsabilité dans la détérioration de la situation au Proche-Orient.

Convoquant les positions historiques d’Yitzhak Rabin et d’Ariel Sharon dans un discours remarqué, Jean-Louis Bourlanges a plaidé lui aussi pour une solution à deux États, face à un hémicycle qui, pour une fois, écoutait l’orateur présent à la tribune. « La rupture introduite ces dernières années dans la politique israélienne par les gouvernements successifs de M. Nétanyahou n’est certainement pas la cause unique de la situation nouvelle, mais elle y a puissamment contribué », a-t-il continué.

La suite des interventions aurait pu se placer sous son patronage. Sur le fond, les prises de paroles successives ont toutes ou presque suivi la même ligne. Boris Vallaud (PS) a appelé à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat », rappelant que « les enfants, ce sont les mêmes à Gaza ou Kfar Aza [l’un des kibboutz victimes de l’attaque du Hamas – ndlr]. Chaque vie compte. » « Deux États, a insisté Cyrielle Chatelain (EELV), c’est la seule solution pour permettre aux Israéliens de vivre en sécurité et aux Palestiniens de vivre libre. » Fabien Roussel (PCF) a appelé lui aussi à un « cessez-le-feu immédiat », tandis que Benjamin Saint-Huile (LIOT) rappelait que « le droit à la sécurité pour Israël sera conditionné à la reconnaissance de l’État de Palestine ».

Les quelques dissonances sont finalement venues de la majorité et du Rassemblement national. Président du groupe d’amitié France-Israël, Mathieu Lefebvre, qui avait fait le déplacement avec Yaël Braun-Pivet ce week-end, a commencé son intervention par défendre ce voyage et charger Jean-Luc Mélenchon : « Nous n’y sommes pas allés camper, contrairement à ce qu’a dit M. Mélenchon depuis les profondeurs antisémites abjectes de l’histoire. » Il s’est ensuite employé à rappeler « le soutien indéfectible que nous devons à Israël », face à ce qu’il qualifie de « véritable pogrom ».

Marine Le Pen, elle, a entrepris de longuement critiquer le « délitement de la diplomatie française », et si elle a, elle aussi, rappelé la nécessité d’une solution à deux États, elle n’a pas demandé de cessez-le-feu : « On ne demande pas aux terroristes de cesser le feu, on leur demande de déposer les armes et de libérer les otages, c’est tout. » La présidente du groupe RN a profité du débat pour ressortir son obscure proposition de « déclaration des droits des peuples et des nations », présentée lors de sa rentrée politique et tombée dans l’oubli depuis.

Finalement, après près de trois heures de discussion, la première ministre Élisabeth Borne est remontée à la tribune pour conclure. Et si elle a tenu à saluer « la quasi-totalité des oratrices et orateurs » et un débat « digne », retenant comme Jean-Louis Bourlanges de nombreux points de convergence, elle a aussi très vite ciblé Mathilde Panot, se disant « scandalisée par [son] obstination à ne pas condamner le Hamas ». Retour à la case départ.

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