Mais madame Le Pen, personne ne nous écoute. Photo Ludovic Marin (2022)
Macron et Le Pen se sont affrontés hier soir pour leur second débat d’entre-deux-tours, après celui de 2017. Un duel où la candidate d’extrême droite n’a pas eu le répondant nécessaire face au sortant, dans des échanges où les questions liées à l’énergie ont occupé une large place. Marquée par son crash de 2017, Le Pen a souvent manqué de précision face aux piques de son rival. Ce dernier s’est quant à lui livré à un exercice d’humilité poussif, son un ton variant entre la charité et la condescendance. On retiendra quelques moments marquants : le faux départ de la championne du RN [Voir Youpol ⤵️], le pouvoir d’achat et la «vraie vie», «Gérard Majax» ou encore la «climatosceptique» versus le «climato-hypocrite». On retiendra aussi que les affirmations des deux impétrants ont oscillé entre bobards et faits. Et puis que l’écologie, absente de la campagne, n’aura quasiment pas été présente lors de cette joute présidentielle. Le débat n’a en tout cas pas convaincu la classe politique, qui l’a jugé sévèrement. «Quel gâchis, le pays méritait mieux. Vivement le troisième tour», a notamment déclaré le troisième homme de la campagne, Jean-Luc Mélenchon.
| «Oh aïe aïe. Mais arrêtez de tout confondre, ce n'est pas possible.» Il est 22h03, hier soir, quand Macron assène à Le Pen cette réplique. Comme un écho à 2017, quand il notifiait à son opposante du FN qu'elle confondait SFR avec Alstom, le candidat LREM a pris un malin plaisir à mettre en lumière les galères lepénistes. Il est cette fois question de la dette. La députée du Pas-de-Calais tance d'abord son adversaire : «Je rappelle que vous êtes le Président qui a créé 600 milliards d'euros de dette supplémentaire en cinq ans, dont deux tiers qui n'ont rien à voir avec le Covid.» Macron s'interroge alors sur ces «deux tiers». Et là, survient le drame. «Mais parce que c'est la sécurité sociale et les collectivités locales, madame Le Pen. Oh aïe aïe. Mais arrêtez de tout confondre, ce n'est pas possible, cogne-t-il. Je ne vous donne pas de leçon, je connais le numéro par cœur.» Puis le Président-candidat d'assurer que «les 600 milliards d’euros de dettes, c’est 200 milliards de l’État, le reste c’est la sécurité sociale et les collectivités locales. Pourquoi ? Car vu que les gens ne pouvaient plus travailler [à cause de la crise sanitaire], on n’a pas relevé leurs cotisations». Un cours d'économie éclair que confirme François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes. Interrogé par nos copains de CheckNews, il estime que plus de la moitié de l’augmentation de la dette correspond bien au coût de la crise sanitaire.
| 0 seconde, bourde comprise | Le camp Le Pen l'a suffisamment répété depuis 5 ans : pas question de rééditer le débat catastrophique de 2017, cette fois elle était prête, elle avait travaillé, elle s'était reposée, elle n'allait pas commettre les mêmes erreurs. Tous les détails de la joute (déroulé de l'émission, organisation du plateau, etc.) avaient par ailleurs été soigneusement bordés par les équipes des finalistes pour éviter toute mauvaise surprise, toute inconnue. Et puis finalement, la première bourde de la candidate d'extrême droite est survenue avant même le début de sa confrontation avec Macron. Après l'introduction des journalistes Gilles Bouleau et Léa Salamé annonçant les thèmes de discussion à venir, la présentatrice de France 2 indique : «Marine Le Pen, vous avez été tirée au sort pour vous exprimer en premier.» La réalisation lance alors un mini-générique, un gros jingle sonore et un plan large du plateau, pendant que le duo d'animateurs retourne s'asseoir. Mais, sans doute trop pressée ou stressée, Le Pen démarre en trombe et entame son propos liminaire sans que les téléspectateurs ne la voient ni ne l'entendent. Quand la musique s'arrête, sa voix émerge alors au milieu de son propos : «...et dans le monde. Mais le plus grand atout de la France, c'est son peuple.» Bouleau intervient : «Madame Le Pen, oserais-je, alors que le débat a à peine commencé, vous interrompre ? Juste pour vous rappeler que nous voulions vous poser, à l'un et à l'autre, dans les mêmes termes, la question suivante : en quoi seriez-vous une meilleure Présidente que votre adversaire ?» Faisant contre mauvaise fortune bon cœur et tout sourire, sous l'oeil circonspect du Président, la députée du Pas-de-Calais se dit alors «absolument navrée» d'avoir «commencé avant même» le vrai début des hostilités. Un faux départ qui annonçait la couleur d'une nouvelle prestation pas au niveau.
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Deux heures cinquante de joute assez technique, souvent ennuyeuse. Le face-à-face entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen n’a pas tourné au pugilat, comme en 2017 – au prix d’une courtoisie forcée. La candidate RN a gardé son calme, sans injure ni sortie de route verbale, tentant d’apparaître comme la candidate « du peuple », mais sans parvenir à cacher ses approximations, ni se montrer percutante dans ses attaques sur le bilan du quinquennat. Le président sortant, lui, n’a pas masqué son agacement, adoptant souvent une posture désinvolte, sourcils froncés et bras croisés, voire se rongeant un ongle, comme s’il s’ennuyait, consterné, ainsi qu’un langage parfois familier. Au risque de sembler irrespectueux et hautain. Mais surtout, « avec la plus faible audience de l’histoire de ce débat – 15,6 millions de téléspectateurs, contre 16,5 en 2017, et 20 en 2007 –, cette soirée confirme, selon l’historien Christian Delporte, que ce débat traditionnel est largement obsolète, surtout à l’heure des réseaux sociaux. La formule doit probablement être réinventée ». Lire la suite |
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