LE JOUR OÙ DE GAULLE A CHOISI LA GUERRE
Hubert Germain, dernier survivant des Compagnons de la Libération
Le dernier Compagnon de la Libération Hubert Germain, qui commémorera vendredi l'Appel du 18 juin avec Emmanuel Macron, a vécu la débâcle de l'été 1940 à Bordeaux, où il passait le concours d'entrée de l'Ecole navale.
"Au bout de cinq minutes je me suis dit +Mais qu'est-ce que tu fais là ?+", confiait-il à l'AFP en 2017. "Je me suis levé en disant à l'examinateur: +Je pars faire la guerre+".
Dans le port de Saint-Jean-de-Luz, le jeune homme trouve l'Arrandora Star, qui s'apprête à convoyer des soldats polonais vers l'Angleterre. Il monte à bord avec trois camarades et arrive à Londres le 24 juin 1940.
Né le 6 août 1920 à Paris, fils d'un général des troupes coloniales, l'ancien colosse de 1m90 est âgé de près de 101 ans. Il est en fauteuil roulant et ne quitte plus sa chambre médicalisée des Invalides.
Il est aujourd'hui tout entier tourné vers cette cérémonie du Mont-Valérien. "Le 19, adieu !" glisse-t-il à ses visiteurs, selon Le Parisien.
Il y a 81 ans, ce n'est pas l'Appel du 18 juin qui l'a décidé. "On ne va pas recommencer ce cinéma-là, personne ne l'a entendu, l'appel ! (...) On a tous entendu ce laïus effrayant du maréchal Pétain, disant qu'il fallait terminer la guerre et déposer les armes. Ça a été un choc".
Le souvenir de sa première rencontre avec de Gaulle, cet été-là, est intact : "Il s'arrête un instant, me regarde et me dit: +Je vais avoir besoin de vous+. Quand, à 18-19 ans, vous vous ramassez ça en pleine figure, dans le désastre général qui est là, il y a quelque chose qui vous émeut profondément".
Engagé dans les premiers au sein des Forces françaises libres (FFL), Hubert Germain est affecté sur un cuirassé, où il suit les cours d'élève officier de marine.
La journée, il étudie entre les alertes, la nuit il participe à la défense antiaérienne contre les raids allemands.
Au printemps 1941, il rejoint en Palestine la 1ère division française libre destinée à combattre au Levant. Il intègre ensuite la Légion étrangère et combat en Libye.
- "Les braises ardentes" -
"Enfant, je me disais que c'est ce que je devais toujours rechercher dans ma vie : le plus difficile", confiait-il dans "Espérer pour la France", un livre d'entretiens avec Marc Leroy paru en 2020. Chef de section antichars, il se distingue lors de la bataille de Bir-Hakeim en juin 1942 et est cité à l'ordre de l'armée.
Il combat ensuite en Egypte (El Alamein), en Tunisie et débarque en Italie. Blessé à Pontecorvo, il est évacué sur Naples, où il est décoré de la Croix de la Libération par le général de Gaulle fin juin 1944.
Il participe au débarquement de Provence en août 1944. Arrivé sur la plage, il tombe dans le sable et "pleure comme un enfant" : "J'avais retrouvé mon pays".
Puis il combat pour la libération de Toulon, de la vallée du Rhône et de Lyon, prend part aux campagnes des Vosges, d'Alsace et termine la guerre dans le sud des Alpes.
Nommé aide de camp du général Koenig, commandant les forces françaises d'occupation en Allemagne, le lieutenant Germain est démobilisé en 1946.
Le voilà attaché de direction dans une entreprise de produits chimiques, avant d'être élu maire de Saint-Chéron (Essonne) en 1953, mandat qu'il conserve jusqu'en 1965.
Devenu député de Paris en 1962, il est ministre des PTT de 1972 à 1974 et brièvement ministre chargé des relations avec le Parlement, en 1974. Il dirige ensuite la Société française de télédistribution.
"Nous étions les braises ardentes et l'Ordre de la Libération s'est donné pour mission de garder ces braises ardentes en témoignage de cette époque", dit-il à propos de cet ordre, fondé par le général de Gaulle.
"Voilà mon rôle pour le peu de temps que j'ai à vivre encore : à tous les jeunes qui aspirent à travailler pour une France belle forte, saine, je suis apte à leur en donner un message".
Seules 1.038 personnes ont reçu le titre de compagnon de la Libération. Hubert Germain, dernier survivant, sera inhumé au Mont-Valérien, lieu de martyre de la Résistance.
Célébration de l’appel du 18 juin : «L’ultime mission» du dernier compagnon de la Libération au côté de Macron
Cinquante-sept ans les séparent, mais ils ont fini par nourrir une relation de respect et de confiance. Le 18 juin, Hubert Germain, «Français libre» de la première heure, commémorera l’appel du général de Gaulle auprès d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron (à dr.) s'entretient avec Hubert Germain, l'un des cinq derniers vétérans de la médaille des Compagnons de la Libération lors d'une cérémonie commémorative de l'appel du général Charles De Gaulle en juin 1940 au Mémorial national du Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine), le 18 juin 2018. / CHARLES PLATIAU/AFP
À la mi-juin 1940, Hubert Germain s’apprête à passer le concours d’entrée à l’École navale à Bordeaux. Dans la salle d’examen, il a l’esprit ailleurs.
« Paris venait de tomber, la France se noyait. “Alors, Hubert, que vas-tu faire ? se demandait le jeune homme. Tu vas passer un examen et tu vas peut-être être reçu. Et après ? Tu vas devenir officier de la marine ou de l’armée de l’air d’un État qui sera aux ordres de l’Allemagne nazie ?” Impensable. Il se leva donc, rendit une copie blanche au surveillant et sortit », relate l’ouvrage Nous n’étions pas des héros de Benoît Hopquin (Calmann-Lévy).
Compagnons de la Libération, la valeur de l’exemple
« Je pars faire la guerre », lance en partant Hubert Germain, comme il s’amusait à le raconter souvent. Quelques jours après son départ, le général de Gaulle lance un appel sur les ondes de la BBC à Londres. Quatre-vingts ans plus tard, pour commémorer le célèbre discours appelant à poursuivre le combat, Hubert Germain s’est entretenu avec Emmanuel Macron, jeudi 18 juin 2020, à l’Ordre de la Libération à Paris. Il a également pris part aux Invalides, à une cérémonie de remise de la fourragère de l’Ordre de la Libération aux élèves officiers du 2e bataillon de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr.
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Résistant de la première heure, Hubert Germain, âgé de 101 ans, est désormais le dernier compagnon de la Libération encore en vie, après la mort de Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin, vendredi 20 novembre. Autres derniers témoins sur les 1 038 Compagnons distingués par le général de Gaulle, Pierre Simonet, pilote aux 137 missions de guerre, est mort le 5 novembre, et Edgard Tupët-Thomet, résistant de l’intérieur et agent secret, le 9 septembre.
La bataille de Bir Hakeim et le débarquement de Provence
Né le 6 août 1920 dans les beaux de quartiers de Paris, fils d’un général des troupes coloniales, Hubert Germain embarque pour l’Angleterre, le 24 juin 1940, à Saint-Jean-de-Luz. Avec trois camarades, il se joint à des troupes polonaises à bord de l’Arandora-Star. Engagé aux FFL, il est affecté sur le cuirassé Courbet, où il suit les cours d’élève officier de marine. Le jour, entre les alertes, il étudie. La nuit, il participe à la défense antiaérienne contre les raids allemands.
Hubert Germain intègre ensuite la Légion étrangère. Il combat en Syrie, Libye, Égypte, Tunisie et Italie. Lors de la campagne de Libye en particulier, il se distingue comme chef de section antichar dans les combats de Bir-Hakeim, du 27 mai au 11 juin 1942. En Italie, le 24 mai 1944, il est « blessé en dirigeant le tir des mitrailleuses lourdes de sa section pour continuer à appuyer le bataillon qui attaque le long du Liri », raconte l’Ordre de la Libération. Évacué sur Naples, il est décoré par le général de Gaulle en Italie, fin 1944.
Entre-temps, en août 1944, Hubert Germain participe au débarquement de Provence et à la libération de Toulon, de la vallée du Rhône et de Lyon. Son parcours ne s’arrête pas là : il prend part aux campagnes des Vosges, d’Alsace et termine la guerre au massif de l’Authion. Appelé comme aide de camp auprès du général Pierre Kœnig, commandant les forces françaises d’occupation en Allemagne, il est démobilisé en 1946.
Engagement politique
Après les combats, Hubert Germain s’engage autrement, dans la politique : maire de Saint-Chéron (Essonne), député de Paris, puis ministre des PTT et des relations avec le Parlement. Le 17 mars, au début du confinement pour lutter contre le coronavirus, Hubert Germain lançait, avec Daniel Cordier et Pierre Simonet, un appel particulier. « Nous avons combattu cinq longues années pour que la France sorte victorieuse de cette terrible Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, nous sommes tous confrontés à une autre menace, à une guerre d’un autre genre », écrivaient les trois résistants, appelant les Français à faire « preuve de raison, de solidarité, de cohésion nationale et de responsabilité individuelle ».