Ces 177 Français inconnus, héros du Jour J
Ils furent 175 000 à débarquer le 6 juin 1944 sur les côtes normandes. Dont 177 Français oubliés. Un livre retrace leur histoire.
On célèbre avec un faste
inégalé le 70ème anniversaire du plus gigantesque
débarquement militaire de l'histoire, le 6 juin 1944, sur les côtes de
Normandie. Les troupes franchissant la Manche ce jour-là étaient
composées pour l'essentiel de soldats américains, canadiens et
britanniques, près de 175 000 ayant mis le pied sur le sol français au
soir du jour J. Et parmi eux, un nombre infime de soldats français : les
177 marins du 1er bataillon de fusiliers marins commandos (BFMC) aux
ordres de Philippe Kieffer, qui débarquèrent sur la plage d'Ouistreham (Calvados).
Dans
le livre qu'il publie pour célébrer la mémoire de ces Français
exceptionnels, qu'il appelle les "modestes héros", le journaliste
Jean-Marc Tanguy revient sur les itinéraires individuels et collectifs
qui les conduisirent à la bonne place, au jour de gloire. Rejoindre
Londres ne fut jamais une mince affaire, mais, pour les futurs
commandos, le plus dur restait à faire : l'entraînement d'une extrême
dureté au centre d'Achnacarry, en Écosse,
sous la férule d'instructeurs britanniques aguerris. Car, à cette
époque, les créateurs de la guerre commando moderne sont bien les
soldats de Sa Majesté.
"Rien d'émouvant"
Depuis
dix ans, l'auteur suit pas à pas les survivants de cette unité d'élite.
Ils ne sont plus que dix, dont Hubert Faure, qui a plus de 100 ans, et
René Rossey, le benjamin de 87 ans. La moitié d'entre eux seront
présents lors des cérémonies. Dans les témoignages
recueillis par Tanguy, on est moins frappé par l'authenticité des
exploits accomplis par ces hommes au combat, au prix de lourdes pertes,
que par leur manière de les banaliser : "Chacun se débrouillait pour
sauver sa vie", explique ainsi Rossey, quand Léon Gautier trouve que ça
aurait pu aller plus vite : "J'ai trouvé la journée du 6 juin très
longue, pas forcément très dure par rapport à ce qu'on attendait, mais
vraiment très longue." Quant au passage du Pegasus Bridge, il ne l'a pas
vraiment marqué : "Les balles sifflaient, des fumigènes avaient été
tirés pour protéger le passage, mais rien d'émouvant." Effectivement, on
ne saurait être plus modeste !
Regret
L'ouvrage
est abondamment illustré de photos de l'auteur, pour la période
récente, et d'images historiques peu connues tirées pour l'essentiel des
archives britanniques. Il fait une large place à un amer regret de
Tanguy : si l'histoire de ces hommes n'a pas été oubliée dans le fameux Jour le plus long de Darryl Zanuck,
elle n'a pas inspiré le cinéma français, alors qu'elle contient tous
les ingrédients nécessaires... Mais que peut-on demander au cinéma quand
la République elle-même a tardé à reconnaître ces combattants
d'exception. Il a fallu attendre 2004 pour que les derniers survivants
qui n'avaient pas encore été décorés reçoivent la Légion d'honneur. En
2008, la marine nationale a recréé le commando Kieffer, spécialisé dans le commandement et l'appui opérationnel et héritier des valeurs des combattants du 6 juin 1944.
Jean-Marc Tanguy, Le Commando Kieffer, les 177 Français du D-Day, Albin Michel / DMPA, 192 pages, 29 euros