mercredi 26 avril 2023

Sarah Bernhardt

 

L'ombre bienveillante de Sarah Bernhardt plane toujours sur Belle-Île

On l'appelait "La voix d'or" ou "La divine". Après des années de représentations et de longues tournées sur les cinq continents, la grande tragédienne, Sarah Bernhardt, tirait définitivement sa révérence, à son domicile parisien, le 26 mars 1923.

Cent ans après, Paris s'apprête à fêter ce "monstre sacré" en lui dédiant une grande exposition. Celle-ci se tiendra au Petit Palais, du 14 avril au 27 août 2023. A Belle-Île-en-Mer (Morbihan) où Sarah a passé des étés enchantés, son souvenir est toujours vif. Bien sûr les témoins ont disparu mais il reste le site exceptionnel de la pointe des Poulains et son célèbre fortin - ouvert à la visite - dont la tragédienne s'était éprise au premier regard. A deux pas de là, dans l'une des villas qu'elle avait fait construire, a été aménagé un espace muséographique où sont contés les séjours bellilois de Sarah.

Fascinante, mystérieuse, extravagante, courageuse, patriote, envoûtante... Les multiples facettes de ce personnage hors du commun - qui a passé les quatre premières années de sa vie à Quimperlé (Finistère) - ont permis à son nom de traverser le siècle quand tant d'autres, pourtant célèbres en leur temps, sont tombés dans les oubliettes de l'Histoire.

La bande dessinée a sans doute aussi joué un rôle dans l'entretien du mythe. L'aventure de Lucky Luke, Sarah Bernhardt, sortie en 1982, signée Morris, Xavier Fauche et Jean Léturgie, a fait découvrir Sarah Bernhardt à des générations de jeunes lecteurs qui n'auraient peut-être pas été amenés à croiser un jour le chemin de sa légende.

Sarah Bernhardt et ses séjours à Belle-Île, tout comme l'émotion suscitée là-bas au moment de sa mort, c'est l'histoire que nous vous avons racontée samedi dans Histoires d'Ouest et que vous retrouverez ci-dessous dans sa version longue et riche de nombreux documents, parfois inédits.

Olivier Renault et Didier Gourin, journalistes à Ouest-France

Histoires d'Ouest

RECIT. Sarah Bernhardt, la bonne dame de Belle-Île  

Le 26 mars 1923, il y a cent ans, la « Voix d’or » s’éteint à Paris. Sens dessus dessous, la France pleure son idole disparue. Mais à Belle-Île-en-Mer où Sarah a passé tant d’étés enchantés, l’émotion est toute particulière. Sa célèbre « dame blanche » ne paraîtra plus au large du Palais.

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dimanche 23 avril 2023

23 AVRIL 1945

Mon père a été libéré le 23 avril 1945





" et par saint Georges
Vive la cavalerie !"

LES DERNIERS JOURS DU CAMP DE ZEITHAIN

"L'histoire d'une nation se forge avec des hommes et des femmes courageux. Les récits de nos combats, des dépor­tés, des résistants, des prisonniers victimes des circonstances nous font prendre conscience des souffrances d'une nation afin qu'elle conserve ses valeurs. 
Voici le récit dou­loureux relatif à un camp de prisonniers de la seconde guerre mondiale rapportée par mon père. 

          "Nous sommes arri­vés au camp de ZEI­THAIN le 29 mars 1945, venant de BENNDORF, le château de la misère et de la faim. "

 

 


mon père a d'abord été détenu au XIII A
à partir du 26 septembre 1940


 puis au IV D





à partir du 13 septembre 1941 



 

 
 
Nos débuts y furent des plus pénibles en raison du manque de ravitaillement. On sentait à divers indices que c'était vraiment pour nos gardiens le commencement de la fin. Pour les prisonniers russes du bloc voisin, c'était plus dramatique encore. Ces pauvres Russes étaient dans un état physique lamentable. Quand on leur offrait une cigarette, ce qui de notre part était vraiment un acte de charité, car il ne nous en restait pas beaucoup, ils avaient du mal à la fumer. Chez ces gens épuisés, la mortalité était très élevée. Tous les matins nous assistions à un défilé de cadavres qui n'avaient plus rien d'humain. Ils étaient portés sur des, civières et balancés dans une fosse commune sans autre forme de procès. Un jour j'en ai compté vingt-trois.
 
 

 

 

Nous étions parfois autorisés à une promenade le long des barbelés du camp. Nous en profitions pour faire ample provision de pissenlits, orties, et autres herbes moins nobles que nous utilisions ensuite au mieux pour confectionner diverses soupes ou salades. Certains se moquaient de nous et d'autres nous désapprouvaient ouvertement, prétendant que les lieux de nos cueillettes recouvraient les fosses où avaient été enterrés les prisonniers russes morts du typhus l'année précédente. C'était sans doute vrai. En tous cas, s'ils mangeaient les pissenlits par la racine, selon l'expression consacrée, nous étions très heureux de nous contenter des feuilles pour le moment. D'ailleurs, nous n'avions cure de ces propos pessimistes (ou envieux ?), car nous considérions avoir subi assez de vaccinations diverses depuis cinq ans, pour être immunisés contre toute maladie, contagieuse ou non, pendant plusieurs années encore. Et je me souviens qu'un jour, pour montrer à tous que nous n'avions pas peur, nous avons mangé des pissenlits en potage, en hors-d'œuvre, en ratatouille, en salade, et en dessert, lequel consistait en pissenlits braisés à la crème de rutabagas.

 
C'est alors qu'il se produisit un événement fabu­leux qui bouleversa à point nommé le cours des choses. Nous vîmes en effet arriver au camp un beau matin un camion blanc qui nous parut gigantesque. Il portait les marques de la Croix Rouge suédoise. Ce camion providentiel contenait des tonnes de vivres de grande valeur nutritive sous un faible volume : lait concentré, confiture solide, fruits confits, chocolat, biscuits et bonbons vitaminés, rations de combat, le tout était agrémenté de cigarettes et de ... papier hygiénique ! II y avait aussi des produits en poudre que nous ne connaissions pas, en particulier du café soluble. Un comité « ad hoc » fut constitué sur le champ, avec pour mission d'assurer la répartition équitable de ces vivres, ce qui ne posa aucun problème. C'est probablement grâce à cette manne céleste que nous pûmes récupérer assez de forces pour surmonter les efforts qui nous attendaient par la suite. Je vais dire qu'en ce qui concerne le café il y eut quelques tâtonnements. Dans l'ignorance des choses, on en arrivait à des concentrations exagérées, causes de troubles plus ou moins graves…Il y eut aussi des accidents à la suite de l'absorption inconsidérée de ces aliments très concentrés. Etant donné la précarité de notre état physique, il fallait évidemment prendre certaines précautions, suivre le mode d'emploi et ne pas dépasser la dose prescrite. Sinon le résultat était déplorable : malaises, diarrhée, tachycardie, tremblements convulsifs, etc...
 
 

Et la vie quotidienne poursuivait son petit train-train : appel, soupe, appel, soupe et dodo


 
 
 
 
Le matin du 22 avril nous nous étions aperçus que nos gardiens étaient partis dans la nuit. Nous en avions déduit que les Russes ne devaient pas être loin. La première conséquence de ce départ fut que nous fîmes plus ample connaissance avec les prisonniers russes. Mais tout ce que nous pûmes en tirer se réduisit à des « Nie poniemaï » c'est-à-dire « moi y en a pas comprendre ». 




 


 

En second lieu, nous assistâmes à des scènes curieuses : certains prirent la place des sentinelles dans les miradors !... Enfin, ce qui me parut plus astucieux, une équipe s'empara de la cuisine et réussit à la faire fonctionner avec ce qui s'y trouvait encore, ce qui fait que nous eûmes le jus, la soupe et la bibine habituels.  
 
 

 
Quelle ne fut pas notre stupéfaction le lendemain vers 8 h du matin quand nous entendîmes nos guetteurs crier : « les voilà, les voilà, ils arrivent !... » Nous nous précipitons tous pour occuper les postes d'observation les meilleurs et nous découvrons un spectacle hallucinant Une nuée de cavaliers a surgi de l'horizon. Ce sont des cavaliers d'un autre âge, montés sur de petits chevaux rapides à crinière et à longue queue. Ils ont la lance au poing. Ils la tiennent horizontalement. Quand ils sont plus près, nous reconnaissons des faces de mongols avec des moustaches tombantes, coiffés d'un drôle de bonnet de fourrure sur le devant duquel on distingue une étoile rouge. Ces cavaliers sont accompagnés d'artilleurs qui prennent très rapidement position et mettent leurs pièces en batterie. Le Camp est submergé par les nombreux arrivants. Ils se rendent compte que nous ne représentons aucun intérêt pour eux. Malgré tout, leur « intendance » suit. Nous avons droit à une ration de mixture bizarre, à puiser dans un grand récipient, genre « roulante ». C'est l'intermédiaire entre le pot au feu et la choucroute. " Mais c'est quand même meilleur que la soupe de rutabagas. Les Russes ne s'attardent pas et ils poursuivent leur mission. De ce fait, nous avons l'impression d'être vraiment libérés. Aussi sortons-nous du camp au début de l'après-midi, sans but précis, histoire de voir un peu ce qui se passe dans les environs.
 
On nous sert une nouvelle ration de borchtch que nous avalons avec appétit. Notre sortie nous a donné faim. Vers 18 h un rassemblement est ordonné. Ce n'est pas un « appel ». Il s'agit de nous informer que pour ne pas gêner les opérations en cours, nous devons nous préparer à évacuer le camp d'un moment à l'autre et nous diriger sur GRÔDITZ, village situé à une dizaine de kilomètres au nord-est.
 
 

 


 


Nous atteignons sans encombre la route qu'empruntaient ces jours derniers les colonnes de réfugiés. Leurs impedimenta sont abandonnés. Nous nous livrons à un pillage en règle mais les Russes sont passés avant nous et il n'y a plus grand chose à récupérer. Nous apercevons non loin de là un village du nom de JAKOBSTAHL. Il y a là des tas immenses de sacs de 50 kilos et des montagnes de pains de sucre. Je remplis mon sac de sucre et comme la journée s'avance, je rentre au camp où je retrouve mes camarades qui sont tout fiers de me montrer le butin de l'expédition dont ils de grands hangars. Je pénètre avec quelques camarades à l'intérieur de l'un d'eux et nous tombons sur une réserve phénoménale de sucre. Il y a là des tas immenses de sacs de 50 kilos et des montagnes de pains de sucre. Je remplis mon sac de sucre et comme la journée s'avance, je rentre au camp où je retrouve mes camarades qui sont tout fiers de me montrer le butin de l'expédition dont ils ont fait partie de leur côté : deux canards et trois lapins «récupérés » dans une ferme. De quoi envisager avec optimisme nos prochains repas.


 
On nous sert une nouvelle ration de borchtch que nous avalons avec appétit. Notre sortie nous a donné faim. Vers 18 h un rassemblement est ordonné. Ce n'est pas un « appel ». Il s'agit de nous informer que pour ne pas gêner les opérations en cours, nous devons nous préparer à évacuer le camp d'un moment à l'autre et nous diriger sur GRÔDITZ, village situé à une dizaine de kilomètres au nord-est.
 

Nous nous mettons donc en devoir de réunir nos affaires d'autant plus rapidement que nos artilleurs russes du matin ont déjà commencé à tirer par-dessus le camp. Nous voyons ainsi en action pour la première fois les fameuses « orgues de Staline ». Sans doute pour ne pas être en reste, ceux d'en face eh font autant et notre camp est bombardé par leur artillerie. Un obus traverse même de part en part la baraque où je me trouve, heureusement sans éclater, mais cela suffit à me décider à partir sans emporter tout ce que j'avais prévu de prendre avec moi.

 

Nous sortons donc du camp et nous dirigeons en colonne de pagaille vers le bois voisin. Les combats ont l'air de s'intensifier. Nous voyons des fusées éclairantes, soutenues par des parachutes sans savoir à quel parti elles appartiennent.

 

Après trois heures de marche nous arrivons à CRÖDITZ vers minuit. La place du village est éclairée par les incendies. Dans un grand déploiement de forces, un général russe est arrivé au milieu de nous et nous a harangués d'une manière fort civile sans que nous comprenions un traître mot de son discours. Néanmoins il nous fut résumé sur le champ et il en ressortit que la glorieuse et invincible armée de libération du valeureux peuple russe était heureuse d'avoir pu nous soustraire à l'ignoble tyrannie du monstre nazi, mais que sa tâche n'était pas terminée et qu'elle devait poursuivre sa mission jusqu'à la victoire finale.

 

Et voilà pourquoi je ne laisse jamais passer la fête de saint Georges chaque 23 avril depuis lors sans célébrer le souvenir de cette « libération » d'une manière ou d'une autre…

vendredi 21 avril 2023

CAUSE TOUJOURS...

 


Double je
Image d'archive, 2019 © SEBASTIEN SALOM GOMIS/SIPA

Le Monde et Le Canard Enchaîné rapportent d’étonnants propos tenus, en petit comité, par Emmanuel Macron. Le président semble affectionner un langage de charretier quand les citoyens ne sont pas là pour l’entendre…


Lors des Vraies Voix (Sud Radio) du 18 avril, animées par Philippe David et Stéphanie de Muru – émission que j’ai la faiblesse de juger excellente par son mélange de sérieux et de drôlerie -, à nouveau confronté à la critique virulente de Françoise Degois, socialiste assumée, sur Emmanuel Macron, je me suis trouvé dans l’obligation de rappeler qu’il avait aussi des qualités, de l’intelligence et qu’on ne pouvait pas faire comme s’il était tellement médiocre que rien de positif ne pouvait être dit à son sujet. J’ai été immédiatement traité de “macroniste”, ce qui est une absurdité pour qui, par exemple, lit certains de mes billets. Ceux-ci permettent, il faut le dire, de ne pas s’abandonner à une réactivité immédiate conduisant à forcer le trait…

Avoir écrit le 18 avril : Emmanuel Macron : “une espèce de vide” ?, m’a conduit à me pencher sur le contraste entre l’allocution présidentielle et les propos qui l’ont précédée. Entre l’apparente sérénité et équanimité de la première et la vulgarité des seconds, comme si Emmanuel Macron était un adepte du double Je. Ce que d’ailleurs j’ai toujours cru, avec cette propension qu’il a à se couler dans la conviction de son interlocuteur, sur le plan national comme – et c’est plus grave – dans le registre international.

Arrêter de faire des “turluttes” aux maires du Sud

Je ne suis pas naïf au point de m’imaginer que les chefs d’État, dans leur entre-soi de conseillers et d’affidés, n’usent que de la langue de Bossuet. C’était vrai pour le général de Gaulle, pour Georges Pompidou, pour Nicolas Sarkozy et pour Jacques Chirac. C’est vrai pour Emmanuel Macron.On peut aussi se rappeler les vulgarités de Richard Nixon, lors du Watergate, quand il se croyait seul avec ses collaborateurs.

A lire aussi, Céline Pina: Macron, encore plus sourdingue que Quasimodo!

Pour notre président, s’il n’y a rien de choquant dans sa volonté “de faire passer en première lecture avant l’été les textes travail et immigration” et que l’expression imagée dont il use : “Il faut se mettre en danseuse et repartir. Relever le museau n’est pas honteuse, on peut en revanche s’étonner – euphémisme ! – de la suite : “Il faut être dur avec ceux qui veulent nous crever la paillasse. Faire payer l’hypocrisie et les jeux de dupes”. Sans oublier, à l’intention de quelques maires socialistes du Sud, “il faut arrêter de leur faire des turluttes (Ce que rapporte Le Canard enchaîné). Sans doute cela a-t-il fait rire son cercle inconditionnel mais de la part d’un président, c’est affligeant. Au risque de passer pour un rabat-joie démocratique, cette période ne prête pas vraiment à la réjouissance ! Il est vrai que tous ceux qui travaillent de près avec Emmanuel Macron ont confirmé qu’il affectionne un langage sinon de charretier, du moins plus que familier. Sans doute la libération d’un esprit trop plein… Pour être aimable !

C’est loin, 2027

Cette manière, après son intervention où il invoque l’exigence de “l’apaisement” en considérant ce dernier quasiment comme acquis, de montrer qu’il n’est prêt qu’à en découdre et à jeter encore plus d’huile sur le feu, ne laisse pas d’inquiéter sur la sincérité de celui qui a été réélu pour tenter de mener la France à bon port au moins jusqu’en 2027. C’est probablement l’une des causes fondamentales de la désaffection citoyenne que cette pluralité de langages sur le plan politique et ce que l’on pourrait appeler la comédie institutionnalisée, l’hypocrisie consacrée. Que peut bien penser un citoyen de bonne foi, même s’il n’y a pas à surestimer la délicatesse des oppositions (celle de LFI en tout cas dans le verbe et les attitudes hostiles au président), de ce clivage entre un Emmanuel Macron qui feint officiellement la douceur et l’urbanité républicaines et, dans ses coulisses authentiques, montre la dérision et le peu de crédit qu’il attache à ces dispositions affichées pour la frime démocratique ?

A lire aussi, Ivan Rioufol: «Cent jours d’apaisement»: c’est mal parti

Ce qui serait acceptable dans une nation à peu près en paix civile est intolérable dans un pays qui depuis plusieurs mois, est bousculé, bouleversé, fracturé, sans gouvernail véritable, sans un pouvoir respecté bien au-delà des contestations politiques. La parole publique n’est plus crue. On ne l’imprime plus comme digne d’intérêt et de confiance.

Avec un président qui joue un double Je avec les citoyens et les corps intermédiaires, elle se perdra dans les oubliettes républicaines.

Je veux conclure, selon moi de manière honnête. J’ai le droit d’avoir cette vision critique du président et de l’essentiel de sa politique mais il n’empêche que j’ai honte pour cette démocratie qui traite et insulte ainsi un chef de l’Etat réélu. J’ai peur pour lui et le silence assourdissant de toute la classe politique est lamentable.

S’opposer au président, soit, mais dégrader à ce point la fonction, non!





LE PARTI D'EN RIRE

 


La démonstration par l’absurde
© France 5

Jacques Pessis consacre ce soir un documentaire à Pierre Dac, speaker de la France libre et prince des loufoques. Sur France 5 à 22h20


Il y a des parcours qui imposent le respect. On se sent à la fois, petit et reconnaissant, ému et fasciné par cet homme d’1,63 m qui parla à d’autres Français dans des circonstances tragiques. À Londres, il fut un combattant féroce. Sa voix résonne encore dans le poste. Inlassablement, à coups de billets et de chroniques, il mata la confiance de l’occupant et sapa le moral des collabos. Il fut l’ennemi public numéro 1 de Radio-Paris. Philippe Henriot, secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement Laval le poursuivit de sa hargne fétide. Le chansonnier de la France libre lui écrivit la plus belle épitaphe sanglante et victorieuse, quelques jours avant que la Résistance n’abatte ce suppôt d’Hitler dans sa chambre à coucher.

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Pierre Dac (1893-1975) n’a jamais reculé devant ses responsabilités historiques. Déjà, durant la Première Guerre mondiale, dans son uniforme de caporal d’infanterie, il avait laissé sur le champ de bataille, un bras gauche en vrac. Dans les professions récréatives où les hommes de spectacle et de divertissement souvent planqués donnent la leçon aux populations et sont si prompts à professer l’engagement, son exemple est rare. Il fut notre honneur et notre espoir. Blessé, décoré, il s’enorgueillissait même d’être le seul civil membre d’honneur du groupe Lorraine. Il ne pardonnait rien aux résistants de 1945. Cet insolite, mot qu’il chérissait par-dessus tout, né un 15 août comme Napoléon, a toute sa vie pratiqué le « self-défense » et le rire comme arme de destruction massive. Un humour juif patiné par l’ambiance gouailleuse des cabarets montmartrois et mâtiné de fog anglais. Un précurseur de l’absurde et de la dingue diphtongue, d’un sabir chantant et du faussement protocolaire, bien avant Raymond Devos, Coluche, les Nuls ou le GORAFI.

Le parti d’en rire 

En 1969, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission « Radioscopie », il déclarait : « Je porte en moi incontestablement plus de 5 000 ans d’hébraïsme ». Pierre Dac est né André Isaac d’un père boucher, un signe céleste pour celui qui débuta à « La Vache enragée ». Il se destinait à une carrière de violoniste, un éclat d’obus en décida autrement. Plus tard, il avouera qu’il « jouait comme une seringue ». Après divers métiers, chauffeur de taxi maladroit ou représentant de commerce timoré, c’est sur scène, en chansons et en sketchs, que son talent pour détourner les mots va exploser. Jacques Pessis, grand spécialiste de cet artiste majeur aussi iconoclaste que secret, amoureux de sa femme et pionnier de l’humour à la TSF, sorte de professeur Champignac allumé, retrace son existence, vendredi 21 avril sur France 5, dans un documentaire très réussi intitulé « Pierre Dac, le parti d’en rire ». Il n’élude rien des doutes et des succès de l’artiste, de ses huit ans de dépression nerveuse qui aboutirent à une tentative de suicide, de ses difficultés pour rejoindre de Gaulle, de la prison en Espagne, jusqu’au “Sâr Rabindranath Duval” dont la mécanique absurde fonctionne encore aujourd’hui auprès d’un public pourtant biberonné à la virtualité.

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Fondateur de la Société des Loufoques et rédacteur en chef de la revue L’Os à moelle créée en 1938, Pierre Dac est l’inventeur, entre autres, du sandwich au pain et du Schmilblick, ainsi que le rédacteur de petites annonces farfelues comme cette demande d’emploi : « Cuisinière cuisinant mal, cherche place chez ménage hargneux manquant de sujets de scènes de ménage. Se mettra du côté du plus offrant » ou celle-ci: « Timide si vous n’osez pas prendre la Bastille, prenez le train à la gare de la Bastille ». Pour la blague, il lança même un mouvement « le MOU » et posa sa candidature à l’Elysée-Matignon. C’est avec Francis Blanche, son fils spirituel, qu’il demeure dans nos mémoires télévisuelles. Nos parents se souviennent de « Signé Furax », le feuilleton radiophonique qu’il ne fallait rater sous aucun prétexte et de ce mystérieux « boudin sacré ». Ils étaient fous et inspirés, complètement barges comme l’atteste cet épisode au nom improbable : « la villa de la matraque sucrée ». Au cours de ce film, on voit une famille d’esprit se dessiner, Jean Yanne et Claude Piéplu sont de la partie, et on peut le dire : « cet humour nous manque ! ».

Pierre Dac, le parti d’en rire, film de Jacques Pessis – Vendredi 21 avril – 22 h 20 – France 5

 

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