dimanche 9 mars 2025

 Les signaux que nous envoie la Russie sont très clairs : "Tout ce qui nous empêchera de conquérir l'ensemble du territoire ukrainien sera perçu comme une déclaration de guerre". Comme depuis le début de l'invasion, il s'agit de maintenir une pression maximale sur les européens, devenus le seul ennemi conséquent, depuis le spectaculaire alignement américain sur les intérêts russes. 



La Russie ne veut pas simplement garder le Donbass et la Crimée, elle veut l'Ukraine en entier, avec un Kadyrov ukrainien à sa tête. Surtout elle veut la puissance de feu ukrainienne. Ce que cela implique en pratique, c'est que toute l'armée ukrainienne, qui est devenue l'une des principales armées européennes, doit devenir pour Poutine un outil dans sa main pour poursuivre le reste de sa geste impériale. Se battre aux côtés des ukrainiens, c'est se battre, aussi, pour ça.


Ce que Poutine pense et a toujours pensé, c'est que l'Europe finira par céder, car les démocraties sont veules et vulnérables, et qu'elles finissent toujours pas céder si on les pressurise assez fort. Ce qu'il veut pour l'Europe est aligné sur ce qu'il a réussi à obtenir aux USA : supprimer le contre-modèle libéral. Détruire l'UE et démonétiser l'ensemble des régimes libéraux européens, que ce soit en les attaquant directement dans l'Est ou en les écroulant de l'intérieur avec des partis anti-EU qui feront tomber l'union comme un château de cartes. Ce but de supprimer le contre-modèle démocratique européen est pensé, théorisé, affiché. Toute réflexion sur la guerre à l'Est qui réfléchit dans le cadre d'une dissociation entre les intérêts ukrainiens et les intérêts du reste de l'Europe n'a de sens que dans le cadre étroit d'une réflexion où le fait de basculer sous des régimes autoritaires en Europe de l'Ouest n'est pas un problème. Donc n'a de sens que si on se situe à l'extrême droite. Là il est cohérent de penser et d'agir dans la perspective d'un inévitable choc autoritaire à venir, comme celui que Trump a fait subir aux États-Unis ou comme celui qu'Orban a réalisé en Hongrie depuis 2010.  


Ainsi, mettre la tête dans le sable et ne vouloir se concentrer que sur nos intérêts étroitement nationaux en renvoyant le soutien à l'Ukraine à un problème lié au supposé impérialisme de l'OTAN est une façon de reculer pour mieux sauter (et bizarrement l'OTAN, qui  est en train de se désintégrer sous nos yeux, semble être devenu le cadet des soucis des russes qui semblent trouver maintenant que l'UE est leur seul vrai problème depuis toujours. Quand bien même l'UE a été un voisin relativement pacifique et excessivement complaisant avec Poutine depuis 20 ans). 


A partir de maintenant, ce qui est devenu à l'échelle mondiale non pas un modèle mais un contre-modèle, à savoir la démocratie libérale, a vocation pour les russes à disparaître.  Afin qu'un nouvel ordre mondial illibéral et mafieux puisse émerger, dans une logique d'espace impériaux, l'Europe ayant vocation à devenir un regroupement de vassaux que Poutine puisse influencer à l'Est tandis que les États-Unis, devenus un régime illibéral et peut-être pour longtemps, pourront faire de même à l'Ouest. 


Le fait de dire : "Nos frontières ne sont pas directement menacées, le peuple français n'est pas prêt à se battre ou à souffrir si ses frontières ne sont pas directement menacées" est une pirouette. Le Pen peut dire ça puisque contrairement à son patriotisme affiché, elle se moque que la France et l'UE deviennent les jouets du régime poutinien. En un sens, cela fera ses affaires et la collaboration avec des puissances étrangères, autoritaires et hostiles est, à l'extrême droite, une tradition. Mais pour tous ceux qui rejettent la possibilité d'un basculement autoritaire à la Orban ou à la Trump, il y a énormément à perdre. Je m'étonne qu'on puisse ne pas le voir et psalmodier l'éternel : "Macron a déjà supprimé la démocratie, l'UE est anti-démocratique donc la catastrophe est déjà passée". C'est du somnambulisme, purement et simplement.


Personnellement, je ne vois aucune autre solution qu'une Europe de la défense. On peut la penser dans des termes opposés à ceux que  propose ou proposera Macron. On peut trouver criminel _ce que je trouve_ qu'il bloque la volonté d'autres membres de l'UE de saisir les avoirs russes gelés dans son éternelle fausse modération (fausse modération que l'on a vue hier quand il a renvoyé dos à dos, à la fin de son allocution, les "pacifistes" et les "va t-en-guerre"). On peut battre en brèche sa rhétorique d'une énième attaque sur les droits sociaux alors qu'il n'y a pas de raisons, à priori, de les opposer à la défense, comme pour l'écologie ou comme pour le Covid. On peut avoir peur à l'idée que de jeunes gens partent se battre sur un futur front (mais on n'en est pas du tout là en fait. L'Europe de la défense est un projet de dissuasion. Exactement comme la volonté de De Gaulle d'avoir l'arme nucléaire était un moyen de ne pas avoir à s'en servir. Si on ne comprend pas ça, on ne comprend rien à la dynamique de la défense...)


Mais une chose est sûre : bloquer toute initiative européenne en ce sens comme une perte de souveraineté, opposer le social et la défense (comme Macron en fait), rire de la possibilité que l'on s'engage sur une intégration politique et économique massives dans l'UE (alors que mettre, à minima, en cohérence la défense de tous les états membres est une nécessité absolue), bref s'opposer à tout cela sans rien proposer d'autre qu'un hypothétique basculement à gauche à l'échelle nationale, censée tout arranger, avec pour toutes troupes une gauche divisée atteignant péniblement les 30%... Eh ben, pour le dire de manière directe, c'est se suicider à la fin d'un baroud d'honneur. C'est une façon de choisir dès maintenant un régime autoritaire d'extrême droite, sans possibilité de retour en arrière, régime qui sera totalement aligné sur Poutine, où toutes les institutions aujourd'hui malmenées par Macron et sa clique seront, demain, détruites, définitivement.


Sans lutter, sans penser ce qui nous arrive, en avançant en somnambule vers notre propre destruction. Un délire sur la route du goulag.

 Les signaux que nous envoie la Russie sont très clairs : "Tout ce qui nous empêchera de conquérir l'ensemble du territoire ukraini...