mardi 11 mars 2025

ALERTE

 Edito de Laurent Joffrin :

"À juste titre, sous la plume d’Ariane Chemin et Ivanne Trippenbach, Le Monde décrit la formidable machine propagandiste mise au service de la Russie poutinienne par le milliardaire réactionnaire Vincent Bolloré. Employés par le groupe ou bien ayant table ouverte sur ses chaînes ou dans ses journaux, ces zélateurs du Kremlin forment une sorte de cour des miracles de la droite dure, une fanfare criarde qui joue sur tous les tons la même mélodie de la reddition.


Certes, la France n’est pas en guerre : on mettra pour l’instant ces billevesées sur le compte du débat politique, aussi louche soit-il en l’espèce. Mais si notre pays était attaqué directement et s’ils poursuivaient leur tâche défaitiste, on les désignerait par un vocable plus précis : une phalange de traîtres.


On y trouve de tout : les politiques Mariani, Zemmour, Fillon ou Bardella, les amuseurs Praud et Hanouna, le vendéen antédiluvien de Villiers, les complotistes Asselineau et Meyssan, le philosophe foutraque Onfray, avec quelques autres folliculaires et publicistes de moindre calibre, du JDD ou de Valeurs Actuelles, auxquels il faut bien ajouter, quoique dans une version différente, Mélenchon et ses adeptes.


Ils sont de poils et plumes diverses. Il y a les historiens à œillères, tel de Villiers, juchés sur leur pseudo-érudition, qui convoquent le souvenir de la Russie naissante au Moyen-âge (à Kiev, en effet), la mémoire de Pierre le Grand, de Catherine II, de l’empire des Tsars ou de l’URSS, pour expliquer que l’Ukraine fait partie depuis toujours de l’espace russe et donc que Poutine envahissant l’Ukraine n’a d’autre idée que de suivre une ancestrale et légitime tradition. Un détail devrait les gêner, qu’ils passent soigneusement sous silence : peu sensible à cet héritage de soumission, le peuple ukrainien veut son indépendance. Quel toupet ! Il a voté plusieurs fois en ce sens et soutient toujours son président dans sa volonté d’émancipation après trois ans de sacrifices. Quoi ? disent ces souverainistes. L’Ukraine veut rester souveraine ? Quelle est cette invraisemblable prétention ? La force est du côté russe : à genoux !


Il y a ensuite les réalistes de la défaite supposée, qui versent une larme de crocodile sur l’Ukraine pour lui annoncer dans la phrase suivante qu’elle a perdu la guerre. Ainsi Pascal Praud en exergue de son émission : « La Russie a gagné la guerre et nous, Européens, l’avons perdue, avec l’Ukraine ». Au même moment, après des pertes immenses et des milliers de missiles déversés sur les civils, les armées de Poutine ont toutes les peines du monde, depuis un an, à grignoter quelques pouces de territoires. Les Ukrainiens, quoique soi-disant minés par la décadence occidentale, lui tiennent toujours la dragée haute. C’est la défection de Trump qui les menace, bien plus que la valeur des soldats russes. En décidant à l’avance de leur défaite, ces faux réalistes lui plantent avec courage un couteau dans le dos.


Il y a ensuite la cohorte grimaçante des complotistes, emmenés par le triste clown Hanouna, qui déclarent qu’en alertant les Français, Emmanuel et les défenseurs de l’Ukraine sont « manipulés ». Par qui ? Comment ? On ne sait. Et si le président français tient un langage martial en inventant une menace qui n’existe pas (comme on le voit tous les jours…), c’est pour gagner des points dans les sondages. Comme s’il jugeait opportun d’annoncer des sacrifices aux Français pour établir sa popularité. Comme si, pour se remettre au centre du jeu, il inventait une menace que lui désignent pourtant tous ses services de renseignement. Hanouna se remplit les poches en racontant des balivernes aux spectateurs : il ne peut pas imaginer que qui conque puisse être motivé par des considérations moins avides et moins basses.


Il y a enfin les trumpistes français, qui vouent un culte à la force, à la xénophobie et au mensonge, les Zemmour, Knafo et autres Bardella, voyant dans le couple Poutine-Trump un noble exemple pour la France. Pour eux, comme l’a dit le président américain, Zelensky « joue avec la Troisième Guerre Mondiale ». Juste remarque : comme chacun sait, c’est le président ukrainien qui ont lancé une « blitzkrieg » il y a trois ans contre la Russie, qui a saisi un cinquième de son territoire et qui a menacé d’employer l’arme nucléaire si on ne mettait en travers de sa route…


Reste le cas particulier de Jean-Luc Mélenchon. Cette fois, c’est un anti-américanisme congénital qui explique l’aberration. Jusque à l’incohérence totale : les États-Unis étaient coupables quand ils défendaient l’Ukraine ; ils le sont aujourd’hui parce qu’ils ne la soutiennent plus. Va comprendre Charles… Mélenchon professe une sorte de gaullo-trotskysme qui voudrait que la France rompe avec l’OTAN et l’Europe au moment même où la menace renaît à l’est et qu’elle se contente de défendre ses frontières nationales grâce à l’arme nucléaire (curieux pour des antinucléaires…). Voilà donc la cinquième colonne tonitruante qui se fait l’auxiliaire de la tyrannie. Et qui n’hésite pas, sans rire, à se prétendre patriote".

ALERTE

 Edito de Laurent Joffrin : "À juste titre, sous la plume d’Ariane Chemin et Ivanne Trippenbach, Le Monde décrit la formidable machine ...