Anthologie de la répartie
Les 1000 meilleures répliques de l’Histoire
L’anecdote est à l’histoire ce que le sel est à la cuisine. Et tout conteur apprend que la gravité qui imprègne un récit nécessite de temps en temps un contrepoids plus léger ou piquant.
Il ne fait d’ailleurs aucun doute que la lecture des grands événements historiques n’aurait pas la même saveur si elle n’était parsemée d’épisodes rocambolesques, de quiproquos drolatiques, de paradoxes savoureux, de propos vachards ou d’inepties comiques.
Véridiques, embellies ou même inventés. Quelle phrase synthétise mieux le décalage entre l’aristocratie et les révolutionnaires de 1789 que celle prêtée (à tort) à Marie Antoinette : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche » ?
Les amateurs considèrent le mot d’esprit comme la forme la plus raffinée de l’humour. Le mot d’esprit n’est pas une citation ordinaire. C’est une répartie spirituelle de circonstance prononcée en réaction à un événement ou un propos, telle une réplique caustique. Les grandes pages de l’histoire sont émaillées de ces mots d’esprit, célèbres ou oubliés, que l’on doit aussi bien à d’illustres personnages qu’à de simples anonymes.
Parce que le mot d’esprit appartient au registre de l’anecdote, il est quasiment impossible de garantir son authenticité. À l’instar des citations historiques, il est généralement rapporté par des chroniqueurs, parfois très longtemps après les faits. Or on devine que pour le narrateur la tentation est grande d’améliorer une réplique ou de la reformuler pour le plaisir d’amplifier son effet. Quitte même à la forger de toute pièce.On cite ainsi régulièrement cet échange entre de Gaulle et Massu lors de leur entrevue à Alger en juin 1958 :
- Alors, Massu, toujours aussi con ?
- Toujours gaulliste, mon général.
Hélas, aussi savoureuse que soit cette répartie, il semble bien qu’elle doive plus à l’esprit malicieux des journalistes qu’à celui du général Massu qui niera toujours l’avoir prononcée. De même, il est fréquent qu’un mot d’esprit fameux ne soit pas attribué à son véritable auteur. On ne prête qu’aux riches, comme dit l’expression…
Ce dialogue entre Louis-Philippe et un Talleyrand agonisant est repris dans le film Le Diable boiteux de Sacha Guitry :
- Sire, je souffre comme un damné.
- Déjà ? *
La répartie fut en réalité prononcée en 1777 par un médecin nommé Bouvart, au chevet du cardinal de La Roche-Aymon.
* Toutes les citations mentionnées dans cet article sont extraites de l'ouvrage de Julien Colliat, Anthologie de la répartie, les 1000 meilleures répliques, (2019, Cherche-Midi, 278 pages, 20€).