lundi 7 avril 2025

 Make Confusion Great Again : récit d’un ego en roue libre! Une nouvelle théorie du chaos. 





J’ai bien observé le non verbal et le verbal de son discours. Chaque mot, chaque attitude.  Je ne résiste pas, deux jours après,  à une analyse du discours de Trump  sous l’angle de son caractère psychologique.  On peut le qualifier d’erratique, désordonné, narcissique. Mais surtout, j’ y décèle des indices laissent entrevoir un dérèglement profond.  Il révèle ce qui est le pire en lui, une imprévisibilité dangereuse qui donne le sentiment que son chaos mental pourrait déboucher sur le chaos mondial. 


Un discours sous tension interne : confusion, dispersion, glorification


Ce que Donald Trump a livré à l’Amérique et au monde n’est d’ailleurs pas un discours. C’est un flux verbal. Un tourbillon désarticulé. Un vortex de mots en abîme. Un monologue haletant, saturé de redites, d’exclamations, de chiffres brandis comme des pancartes, sans transition, sans hiérarchie, sans logique apparente. Il passe d’une attaque contre le lait canadien à une anecdote sur Shinzo Abe, glisse sans transition d’un graphique à une déclaration d’amour à sa ministre de l’Agriculture, évoque sa beauté juvénile dans la même respiration qu’une menace de prison pour fraude douanière.


Ce n’est plus un programme. C’est un zapping intérieur.


Des tournures obsessionnelles, autoréférencées, auto-encensées


Le président américain ne parle pas du pays. Il parle de lui- à la troisième personne, parfois, comme un narrateur mythomane de sa propre légende. Il se cite, se confirme, se félicite. Il ne présente pas un projet : il déroule un miroir. Avec une constance saisissante, il assène :

 • « On n’a jamais vu ça. »

 • « C’est historique. »

 • « J’ai eu cette idée. »

 • « C’était mon intuition. »

 • « J’étais jeune, très beau. »


Il ne plaide pas. Il se proclame. Il n’analyse pas. Il assène. Chaque fait est une preuve de sa supériorité. Chaque critique est une jalousie. Chaque adversaire a tort. Toujours. Depuis 40 ans. C’est l’éloquence paranoïde d’un homme pour qui la contradiction est une menace existentielle.


Des marques de désorganisation mentale


Le chaos formel n’est pas un détail stylistique. Il est au cœur du message. Certaines phrases sont inintelligibles. Des formules se contredisent dans la même ligne. L’improvisation est telle que l’on frôle l’incohérence syntaxique :


On ne sait plus ce qui est dit, ce qui est pensé, ce qui est feint. Tout est mélangé : chiffres inventés, souvenirs vagues, accusations confuses, aveux involontaires. L’ensemble donne le vertige. C’est une parole qui vacille, non parce qu’elle hésite, mais parce qu’elle s’effondre sous son propre poids.


Une dramaturgie égocentrée et quasi messianique


Trump ne gouverne pas. Il se met en scène. Il n’invoque pas la démocratie. Il se proclame sauveur. Il ressuscite le pays, redonne la fierté, fait pleuvoir les milliards. Le Congrès devient une formalité. L’économie, un décor. L’Amérique, son reflet.

 • « Ce que vous allez voir, c’est une transformation totale de la nation. »

 • « Si je n’avais pas agi, il n’y aurait plus de travail aux États-Unis. »

 • « En 100 jours, on a accompli plus que n’importe quelle administration de toute l’histoire. »


C’est une rhétorique quasi religieuse. Il ne fait pas appel au peuple : il se substitue à lui. Le pouvoir ne se partage pas : il s’incarne. Le miracle n’est pas à prouver : il est proclamé.  Dieu parle par ses mots. Ses mots sont Dieu. 


Un état d’excitation sans limite et une temporalité éclatée


Le temps, chez Trump, est une matière instable. Il parle de 7 ans d’action. De 40 ans de vision. De 100 jours d’accomplissements. De 75 jours de présidence. De 4 semaines de miracles. De décisions prises ce 2 avril 2025, lors du “discours de la libération” , dont il parlait « il y a déjà des décennies ». Il amalgame des périodes sans cohérence, oublie les élections, nie les transitions, gomme les défaites.


C’est une confusion temporelle structurante : le présent est toujours triomphant, le passé toujours prophétique, le futur toujours glorieux. Ce n’est plus de la stratégie. C’est une mythologie autocentrée.


Le miroir d’un pouvoir déroutant


Il y a pourtant, dans les envolées de Donald Trump, quelque chose d’étrangement familier. Comme un écho de discours qu’on croyait disparus dans les tréfonds de l’histoire : ceux de l’entre-deux-guerres, lorsque le chef se confondait avec la nation, que la vérité se résumait à sa voix, et que la complexité du monde se réduisait à un ennemi désigné. À défaut d’uniforme, Trump arbore une rhétorique qui en porte les galons : exagération permanente, glorification de soi, simplification agressive du réel, identification obsessionnelle entre son destin personnel et celui de l’Amérique. L’homme n’est plus un président : il devient messie, tribun, héros industriel et, pourquoi pas, distributeur officiel de miracles économiques. Il faut dire qu’il a bien révisé ses classiques — ou du moins absorbé leur logique. Il ne cite pas Goebbels, mais en applique le principe : plus c’est énorme, plus ça passe. Le Congrès devient un décor, les ouvriers un fond d’écran vivant, la réalité un accessoire capricieux. Certes, Trump n’est pas Mussolini, et il n’a pas lu Mein Kampf ; mais il en mime, sans toujours le comprendre, les ressorts : la verticalité autoritaire, l’anti-intellectualisme, la mise en scène de l’homme providentiel. Ce n’est pas une résurgence fasciste, c’est un pastiche algorithmique. Et s’il fallait chercher ses cousins les plus directs, on les trouverait du côté des autocrates des temps modernes: un Duterte vociférant, un Bolsonaro à la dérive, un Viktor Orbán plus subtil mais tout aussi avide de centralité et de pouvoir. Tous partagent ce goût de la verticalité sans responsabilité, de la politique comme performance, et du peuple comme miroir. Trump n’a pas inventé la recette. Il l’a juste réchauffée au micro-ondes médiatique, nappée de superlatifs, de fond de teint orange et servie avec un sourire carnassier.


Et si le désordre n’était pas un style, mais un symptôme ?


Nombre de psychiatres américains avaient tenté d’alerter, depuis des années, sur ce qu’ils nomment le « dangerous case of Donald Trump » : trouble narcissique, absence d’empathie, impulsivité dangereuse. L’ancien ministre étasunien Robert Reich parle d’un homme « qui ne distingue plus l’autorité du pouvoir personnel, ni la vérité de l’auto-affirmation ».


Mais inutile de trancher ici entre diagnostic et mise en scène. Le trouble, justement, est qu’on ne sait plus.


Ce discours n’est ni vraiment improvisé, ni réellement cohérent. Il n’est ni projet, ni vision. Il est un chaos réverbéré. Un entrechoc de pulsions, de fierté blessée et de ressentiment bruyant. Ce n’est pas le symptôme d’un désordre mental. C’est peut-être bien pire : le spectacle d’un pouvoir convaincu que ce désordre est une forme d’ordre supérieur — parce qu’il vient de lui.

11 avril 1925

Il y a un siècle, jour pour jour, paraissait  Gatsby le Magnifique , devenu depuis un classique de la littérature américaine.   F. Scott Fit...