Gracié pour raisons humanitaires, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est libre
Boualem Sansal, en novembre 2018, à Paris. François Bouchon / Le Figaro
L’écrivain Boualem Sansal était emprisonné depuis presque un an. Le président algérien Tebboune a fini par le gracier. Cette libération inespérée est advenue grâce à un montage diplomatique impliquant Berlin en plus de Paris et Alger. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier avait proposé que Boualem Sansal soit « transféré en Allemagne pour y recevoir des soins médicaux », compte tenu de son âge avancé et de sa santé fragile. Ce médiateur avait deux avantages : n’avoir aucun contentieux avec l’Algérie et être un acteur clef en Europe.
Un an de tentatives diplomatiques laborieuses
Ce prisonnier devenait « embarrassant » pour le régime, lequel cherchait une solution pour s’en sortir tête haute. Le temps pressait. La visite du pape Léon XIV, très attendue, ne pouvait en aucun cas advenir dans ces conditions. De plus, si l’écrivain mourait en détention, le coût politique aurait été colossal. Berlin était donc le bon interlocuteur au bon moment. « En coulisses, c’est bien la diplomatie qui a payé », souffle-t-on. « La méthode Macron n’est pas si mauvaise », sourit un proche de l’Élysée.
Kamel Daoud : « Aujourd’hui, Boualem Sansal est libre, mais il reste à libérer toute l’Algérie »
Boualem Sansal et Kamel Daoud. François BOUCHON
Dans l’entretien magistral, complexe, touchant, qu’il nous a accordé, le lauréat du prix Goncourt 2024 dresse le bilan de cette année d’emprisonnement pour son ami. « Lorsqu’on embastille un écrivain, on lui en veut pour une part de soi qu’on n’a pas encore réussi à affronter ni à apaiser », médite-t-il.
Kamel Daoud développe : « Je crois que l’Algérie doit guérir son rapport à la France pour trois raisons ». Premièrement, « la France est pour l’Algérie plus qu’une question physique : c’est une question intime. Tant que ce rapport n’est pas apaisé, endossé, notre rapport à l’histoire et à nous-mêmes reste altéré ». Deuxièmement, « la France est, pour les Algériens, le reste du monde. C’est à travers la France que nous voyons le monde. Ainsi, tant que ce lien n’est pas guéri, notre lien au reste de l’humanité ne l’est pas non plus ». Troisièmement, enfin, « nous devons nous rappeler qu’une blessure est toujours enrichissante ».