Chronique du trentième du mois de juin, en l'an de très grande dissolution vingt-quatre.
Avènement de madame la ChatelHaine de Montretout..
"Le Roy se mourant" Bridget Jaune
Ceux qui avaient tant admiré le Roy ne le comprenaient plus. Ils ne se cachaient plus pour médire de Sa Très Haute Turpidité. Tel monsieur du Conbandit, lequel s'était pourtant prosterné avec ardeur dès le premier soir de sa victoire en l'an dix-sept, ou encore monsieur de La Grange, l'ancien conseiller de la baronne de la Notte-Ah qui avait été aussi un des artisans de la glorieuse ascension de Manuléon 1er. Ceux-là n'admettaient point que Notre Cynique Freluquet renvoyât dos à dos les Haineux et les Plébéiens. Certes comptait-on parmi ces derniers ces maudits Insoumis, qu'il conviendrait de battre le moment voulu, mais ils n'étaient point aux portes du palais, armés de leurs fourches de gueux. Il convenait en l'espèce de ne point permettre aux soudards de madame la ChatelHaine de Montretout de réduire le Roy à quia et le royaume avec. Ces Dévôts de la première heure s'interrogeaient aussi : comment Sa Machiavélique Suffisance, qui avait triomphé de la ChatelHaine par deux fois grâce aux suffrages de la Sénestre, ne trouvait-Elle point "incongru de refuser aux autres" ce qu'elle avait demandé pour Elle-même ?
Le Roy se savait incompris de son peuple, ces viles illettrés, ces gueux et ces gueuses à qui il fallait faire en tout temps et tout lieu la leçon. N'était-ce point ainsi qu'il avait maté la Grande Gileterie ? Ceux qui murmuraient désormais à l'oreille de Sa Grande Dégringolade, cherchaient, disait-on, à en faire une marionnette. Cependant, Notre Gesticulant Pantin s'était grandement offusqué que l'on pût se vanter ainsi de s'introduire dans sa cervelle. Il était le Roy, l'Unique, le Seul. Lui seul savait, lui seul décidait. Monsieur Rogue-le-Petit, favori de la Reine-Qu-On-Sort, se targuait d'être l'un des artisans de la Dissolution. C'était en vérité le Roy qui, raffolant des médisances et des ragots d'égoût de ce courtisan, en avait fait son Conseiller mémoriel. Sa Grandeur Amoindrie prisait aussi les plaisanteries de corps de garde du baron du Nocher. Ce baron avait été un des favoris du roy Niko dit le Petit-Marécage. Le baron du Nocher était désormais de toutes les confidences. Les Dévôts de la première heure avaient été contraints de faire l''amer constat que leur Héraut, celui qui tenait dans ses mains par la grâce de son formidable "enmêmetantisme" la Dextre et la Sénestre, celui qu'ils avaient porté aux Nues, s'y était installé. Il était devenu Jupiter. Et voilà qu'il fallait convoquer Caligula ou Néron.
Le jeune comte de Barretoidella, lors d'une joute face à monsieur Faurus, avait révélé l'étendue de la noirceur de son âme et de son indignité. Par une méchante saillie qu'il voulait spirituelle, il avait ironisé sur la figure d'un héros de la Résistance, lequel avait été torturé à mort par ceux-là mêmes qui avaient fondé sa Faction.
On craignait partout des émeutes en ce soir de la première partie du Tournoi. Le Roy lui-même avait prophétisé la guerre civile. Dans la bonne ville de Nissa, le baron de la Fesse-Transie dut faire intervenir la maréchaussée afin de mettre fin aux troubles causés par un partisan du baron de la Chiotte.
Julie d'Aiglemont