Ruines d’empire, berceau du fascisme, cœur de la dolce vita… L’histoire contrastée de la Ville éternelle est, à elle seule, un voyage dans le temps.
Au lendemain du premier bombardement de Rome par les Américains, Pie XII se rend sur la place San Lorenzo à la rencontre de la population. En ce 20 juillet 1943, on peut lire sur les visages l’émotion, voire la sidération, de découvrir, après une nuit d’horreur, le pape brandissant une liasse de billets de banque dont il promet la distribution prochaine… Maigre consolation quand on sait ce qui les attend : l’occupation allemande de huit mois, les rafles, le rationnement… Mais l’espace d’un instant, dans le regard des Romains épuisés, on peut lire une infime lueur d’espoir face au Saint-Père envoyé de la providence. Cette image devenue célèbre est à retrouver aux côtés de 500 autres photographies rassemblées dans ce recueil exceptionnel retraçant l’histoire de Rome depuis 1840. Un (très) gros livre signé Taschen, qui dévoile, à travers le regard de Giacomo Caneva, William Klein ou Henri Cartier-Bresson, toutes les facettes de Rome où se mêlent le passé et le présent, le spectaculaire et le quotidien.
A l’époque où la capitale des Etats pontificaux devint capitale de l’Italie (1871), apparaissaient déjà en photo tous les contrastes de la ville, entre le luxe des belles propriétés, qui semblaient sortir d’un film de Visconti, et les quartiers prolétaires de Travestere et Testaccio, où le linge séchait sur un fil suspendu d’une fenêtre à l’autre. Au fil des pages, on plonge aussi dans le triomphe de Mussolini et les manifestations fascistes démesurées des années 1920 ; on assiste à l’entrée des Américains le 4 juin 1944 dans les rues de Rome (la première capitale d’Europe libérée des nazis) ; on redécouvre l’insouciance de la dolce vita dans les années 1950 et le miracle économique, les tournages de films dans les studios de Cinecittà, les papes qui se succèdent… Un exceptionnel portrait photographique de la Ville éternelle qui pourrait bien donner quelques envies de vacances romaines.
Rome, portrait d’une ville, de Giovanni Fanelli, éd. Taschen, 50 €.