Dans le ciel de Bénouville (Calvados), l’envol de 75 colombes a remplacé les planeurs des hommes du major Howard. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, ils avaient réussi l’exploit de prendre le pont de Bénouville aux Allemands sans le détruire.
Soixante-quinze ans plus tard, le vétéran Reg Charles, un des héros de cette illustre mission, foule ce même Pegasus Bridge, le fragile oiseau de la paix entre les mains, entouré de 350 enfants chantant L’Hymne à l’espoir
Une image puissante, qui bouleverse la foule, soudain devenue plus silencieuse. « C’est très émouvant, merci les enfants », souffle l’ancien combattant de l’Oxfordshire and Buckinghamshire Light Infantry.
Un parchemin pour la paix de 44 mètres de long
Ce jeudi 6 juin, c’est moins la mission héroïque des vétérans anglais que la paix retrouvée entre les peuples qui est célébrée. « Afin que se perpétuent les valeurs de paix et de liberté transmises par les vétérans, le site de combat a laissé la place à une terre pacifiée », récite un enfant au micro. Et ça, les écoliers l’ont bien compris.
Partis de chaque côté du pont, ils se sont retrouvés en son milieu pour assembler un gigantesque parchemin de 44 mètres de long, « comme l’année de la Libération, explique la petite Camille. Il y a des puzzles qui représentent les peuples. Parfois les pièces ne vont pas tout à fait ensemble, mais elles restent côte à côte. Ça symbolise la paix sur la Terre. Et il y a aussi le poème Liberté, de Paul Éluard, qu’on a appris à l’école. »

Les enfants ont chanté « L’Hymne à l’espoir » avec le ténor José Todaro, sur le Pegasus Bridge. (Photo : Ouest-France)

« L’avenir est entre vos mains »
Le vétéran Reg Charles se prête volontiers au jeu des photos avec la jeunesse, tapotant la joue d’un petit garçon qui secoue son Union Jack miniature. « L’avenir est entre vos mains », leur glisse-t-il. Les écoliers le regardent avec de grands sourires, sans oser trop approcher « ce monsieur impressionnant » de 96 ans.
« C’est pas tous les jours qu’on voit ça ! s’exclame Anaïs, élève de CM2. À l’école on nous a expliqué ce qui s’était passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais rencontrer des vrais gens qui y ont participé, ce n’est pas du tout la même chose... »
L’un de ses camarades poursuit : « Moi, j’ai aussi appris pourquoi l’Europe avait été créée, pour qu’on ne se fasse plus la guerre. Ce serait bien que ça ne recommence jamais, alors il faut rester amis. Même si c’est compliqué de comprendre ce qu’on n’a pas vécu. »
Quand les répliques des planeurs du major Howard survolent le pont. L’enfant écarquille les yeux : « Mais ils sont grands ! Ils ont vraiment atterri ici ? » Il se retourne vers Reg Charles et chuchote à un parent d’élève : « Ça se dit comment, « bravo », en anglais ? »

Les écoliers ont pu prendre des photos et dire « Thank you » à Reg Charles, vétéran anglais. (Photo : Ouest-France)

Salvatore Bellomo, maire de Bénouville, a eu l’idée de cette cérémonie originale. Il tenait à l’idée de ce pont pour la paix entre les peuples. « Dans ce monde en pleine contestation, confrontation, remise en question, la démocratie, les valeurs humaines, la dignité des hommes sont en danger, dit-il. Nous avons aujourd’hui, pour demain, pour l’avenir de nos enfants, le devoir de nous élever et de refuser toute forme de barbarie, toute idéologie dangereuse pour défendre le bien le plus sacré : la paix, la liberté et la fraternité. »
Désormais, sous le pont, coule la paix. Ni immuable ni définitive, toujours à défendre.