mardi 24 janvier 2023

 

Il pêche une grosse langouste au large de Guernesey

​Un pêcheur de Guernesey a partagé les produits de sa pêche sur YouTube, vendredi 13 janvier 2023, et sa joie d’avoir récupéré a « biggest crayfish » dans un casier. Il s’agit d’une langouste.

Le pêcheur anglo-normand a diffusé sa pêche miraculeuse sur sa chaîne YouTube.
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Daniel Bourgaize, pêcheur dans l’île anglo-normande de Guernesey, est aussi youtubeur avec sa chaîne Inglorious fishing. Vendredi 13 janvier 2023, il a partagé sa joie d’avoir récupéré, dans l’un de ses casiers, à l’est de Guernesey, « a biggest crayfish », autrement dit une très grosse langouste.

Une première pour ce pêcheur

« Quelle belle créature ! C’était la première que j’ai jamais attrapéecomme le rapporte le journal Guernsey press. Elles étaient rarement vues localement en raison de la surpêche dans les années 1960 et 1970. » Un retour de la langouste est observé depuis quelques années, notamment au large de la Bretagne.

Selon le pêcheur anglo-normand, la langouste pesait neuf livres, soit un peu plus de quatre kilos. Ce qui serait dans la fourchette haute du poids théorique. Le pêcheur a remis à l’eau la langouste, « qui était pleine d’œufs ».

lundi 23 janvier 2023

LA FABRIQUE DES ÉPIDÉMIES

 

Le film de Marie-Monique Robin sur les pandémies fait un tour de Bretagne

Dans ce film avec Juliette Binoche, la journaliste Marie-Monique Robin enquête sur les origines des pandémies comme la Covid. A voir au cinéma de Loudéac le 24 janvier 2023.

Marie-Monique Robin et Juliette Binoche, à Madagascar.
Marie-Monique Robin et Juliette Binoche, à Madagascar. ©Pierrot Men

Comment des épidémies deviennent-elles des pandémies ? Et si la pandémie de coronavirus était le fait des humains ? Pourquoi a-t-on besoin de l’opossum ou du renard pour éviter une pandémie chaque année ? Pourquoi devrions-nous bien plus nous méfier de nos braves cochons que des chauve-souris ?

La Ligue des Droits de l’Homme et le cinéma municipal de Loudéac, s’associent pour projeter, mardi 24 janvier 2023, le film La Fabrique des Pandémies. Ce sera la prochaine étape d’une tournée à travers les salles obscures bretonnes pour ce film-enquête de Marie-Monique Robin, celle qui avait pourfendu les pesticides chimiques dans le documentaire à succès Le Monde selon Monsanto.

« C’est un film qui aurait dû sortir dans les salles, mais qui n’a finalement été diffusé qu’à la télévision », regrette un peu Isabelle Allo, la directrice du Quai des Images. Ce film fait suite au bestseller éponyme de Marie-Monique Robin et a obtenu dix prix internationaux.

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Isabelle Allo, directrice du Quai des Images et Gwenaëlle Kervella, adjointe à la culture, entourent Gaëlle Gouérou, présidente de la section locale de la Ligue des Droits de l'Homme. ©Le Courrier Indépendant

La section de Loudéac – Centre-Bretagne de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), présidée par Gaëlle Gouérou, fait venir Philippe Laville, des membres du groupe de travail de la LDH nationale dédié à la santé, l’environnement et la bioéthique. Il échangera avec les spectateurs à l’issue de la projection.

Il sera accompagné par le Dr François Deleume, porte-parole de l’association « Alerte médecins contre les pesticides ». Car la biodiversité et sa préservation sont au cœur du sujet : notre santé en dépend.

Scientifique mais pas ardu

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La Fabrique des pandémies : première d'une série de projections en Bretagne mardi 24 janvier 2023 au cinamé Quai des Images, à Loudéac.  ©DR

« C’est un film qui est très scientifique, indique Isabelle Allo, mais il est aussi très pédagogique« , avec une Juliette Binoche « qui se met à notre place ». C’est-à-dire, des gens ordinaires qui ne connaissent à peu près rien à la science, mais qui ne sont pas pour autant incapables de comprendre, pour peu qu’on leur explique bien. Et les scientifiques qu’a rencontré l’actrice font un bel effort de clarté et de pédagogie.

La maire adjointe à la culture, Gwenaëlle Kervella, se réjouit que le cinéma municipal amène au public « de la connaissance. C’est la connaissance qui mène à l’éveil du sens critique, afin que chacun puisse se faire une opinion« . En l’occurrence, on ne ressortira pas de ce film sans comprendre un peu mieux l’immense bazar planétaire que nous vivons depuis trois ans.

Vidéos : en ce moment sur Actu

Au delà de son aspect scientifique, La Fabrique des Pandémies reste « un beau film » sur le plan esthétique, qui fait voyager à travers de nombreux pays sur une musique signée Emilie Loizeau.

« On en sort un peu plus sachant, et optimiste« , sourit Gaëlle Gouérou. Optimiste, car « grâce aux travaux scientifiques qui ont été menés depuis dix ans, on sait que l’on peut encore corriger la trajectoire. » Moyennant pas mal de choses à faire…

Bref, un film qui fait du bien et qu’il faut donc aller voir.

Projection et débat mardi 24 janvier à 20 h 30 au Quai des Images. Tarif unique : 4,50 €.

MADAME IRMA PREVOIT 2023 EN TREGOR

 

Ce qui va (peut-être) se passer dans le Trégor en 2023

Faites l'humour, pas la guerre. Grâce à sa boule de cristal 7G, la rédaction du Trégor est heureuse d'offrir à ses lecteurs, en exclusivité mondiale, la rétro de 2023. 

Clam
 Vu la mortalité des fous de Bassan aux Sept-Iles, autant y créer un beau poulailler industriel de 200 000 dindes. ©Clam

Neige. Spectaculaire tempête de neige sur le Trégor, paré d’un épais manteau blanc. La vie s’arrête, les conditions climatiques entraînent ainsi l’annulation de toutes les cérémonies de vœux des maires. « C’est regrettable, nous confie l’un d’eux, j’avais placé une super citation de Nelson Mandela à la fin de mon discours. » Pas grave, ça servira l’année prochaine.

Février

Promotion. Lassée de voir Perros faire la maligne en accueillant l’équipe de rugby du Chili, Pédernec riposte en annonçant être la base arrière de l’équipe du Costa Rica pour le Mondial de padel cet automne. Pour construire son futur centre d’entraînement, l’école publique est rasée. Ce sont les enfants qui sont contents.

Vision. Les conditions climatiques extrêmes persistent et plusieurs témoins affirment vu un ours blanc barboter dans l’estuaire du Jaudy. Du coup, trop jaloux, c’est Momo le morse qui fait la tronche.

Mars

Volaille. La disparition de la colonie de fous de Bassan de la réserve des Sept-Îles, éradiquée par la grippe aviaire, fait des envieux. « Il y a de la place pour créer un beau poulailler industriel de 200 000 dindes, en serrant un peu », souligne le syndicat pour la promotion de l’élevage intensif. On sait déjà qui seront les dindons de la farce.

Météo. On n’a jamais vu ça un mois de mars ! Une canicule inédite s’abat sur la région, le thermomètre s’affole. Première victime : le Trail de l’ours blanc, reporté faute de mascotte crédible.

Technologie. Petite surprise à Lannion-Trégor Communauté où un 25e poste de vice-président est créé. Dans un communiqué, l’Agglo annonce qu’elle ou il (plus probablement) sera « en charge de la transition douce vers la zapette ». Comprenne qui pourra. 

Avril

Soucoupes. Extraordinaire : ce n’est pas une, mais trois soucoupes flottantes qui sortent de l’usine Anthénea pour prendre la route du Qatar, sous les applaudissements d’une foule enthousiaste. Dix-sept autres suivront dès cet été, annonce le patron, sous l’oeil attendri des élus et des écologistes, rassurés par la plantation de trois mignons rosiers. C’est bizarre, je ne le sens pas trop ce poisson d’avril…

Cette fois, ça suffit ! Deux mois après de nouvelles élections municipales, le conseil de Trélévern a de nouveau démissionné. Provoquant l’ire du préfet qui prend une décision radicale : la principauté de Port L’Épine obtient l’indépendance, le reste de la commune est rattaché à Plougras. Oui, c’est loin, mais ça leur apprendra !

Mai

Pont. Personne n’a rien vu venir : en une nuit, un quatrième pont a été construit sur le Léguer. Une prouesse technique qui remporte l’adhésion face aux récriminations de ces pénibles écologistes. Maintenant qu’il est là, c’est vrai, ce serait dommage de ne pas l’essayer avec mon 4X4.

Télé. Arnaud Personnic, artisan à Cavan, est l’un des finalistes de la nouvelle émission de M6, Le meilleur plâtrier. Ce samedi soir, il aura une belle occasion de repasser les plâtres.

Juin

Expo. Avec la brusque montée des eaux, la pointe du Dourven devient une île inaccessible. C’est dommage pour les trois personnes (estimation Iflop) qui voulaient visiter l’exposition estivale intitulée (In)Certitude.s ou un regard sur la minéralité intrinsèque des choses, par le collectif IN-Visu. 

Village. Brusque montée des eaux encore : Ploumanac’h candidate à l’émission « Le plus beau village sous-marin de France ». Si on gagne, il faudra songer à agrandir les parkings à bateaux.

Juillet

Vélo. Après dix-sept heures de vaine attente sur les quais de Lannion, Gaétan Le Couzic se rend à l’évidence : le Tour de France ne passe pas à Lannion cette année.

Polar. Un nouveau rendez-vous littéraire dans le Trégor : le premier salon du polar régionaliste se tient à Minihy en présence d’une cinquantaine d’auteurs. Un événement terni par l’horrible assassinat, en pleine délibération, des membres du jury du Prix du salon. L’auteur de Nique le jury à Minihy est activement recherché.

Août

Voile. Perros-Guirec renoue avec les grandes épreuves de voile en accueillant une étape de la Solitaire du Figaro. Les portes du port étant restées coincées à cause d’un boulon récalcitrant, les skippers disputent l’épreuve dans le port miniature du Linkin. Même le vainqueur en sort frais comme une roz.

Méthaniseur. À Pleumeur-Bodou, la mise en route d’un méthaniseur géant pose problème. Qu’il soit alimenté par 17 éoliennes de 150 m, branchées sur une turbine d’extraction de sable coquillier n’est pas la question. Mais sa forme arrondie fait que nombre de touristes le confondent avec le Radôme et plongent, littéralement, dans un spectacle à couper le souffle. Et plutôt deux fois qu’une.

Septembre

Concert. Enfin ! Après des années de polémique, le Parc des expositions ouvre ses portes. Pour le concert inaugural, le Zénith de Lannion frappe fort avec à l’affiche Nolwenn Leroy et Jean-Baptiste Guégan ! Ah non, finalement, ils n’étaient pas disponibles. Heureusement, le fils du sosie de Mike Brant, qui passait par là, a accepté de monter sur scène. Une belle saison culturelle s’annonce…

Promotion. Scandale à Pédernec : la presse révèle que l’équipe du Costa Rica n’était même pas qualifiée pour le Mondial de paddle. Qui d’ailleurs n’a même pas eu lieu. Seuls les enfants n’y trouvent rien à redire en cette période de rentrée.

Octobre

Distinction. Sans surprise, le repreneur de la boucherie du Miroir à Lannion, disparu en laissant tout le monde en plan, remporte pour la seconde année consécutive le Prix Spécial du label « Pourris en Bretagne ». Le lauréat est prié de retirer son prix au commissariat de Lannion.

Série. Tournée dans le Trégor, la série de fantasy Guimaëc of thrones cartonne sur Netflix. La plateforme a racheté les droits du roman de l’autrice Michèle Michèle, un peu déçue du résultat :  « Ils auraient au moins pu garder mon titre original : Les elfes trop pures à Plufur ! » Pour le reste, hormis ces orques revêtus de marinières et deux-trois coiffes bigoudènes, l’esprit mystico-granito-celtique du bouquin est plutôt bien respecté.

Technologie bis. Enfin une solution pour les habitants du Trégor rural, privés d’Internet depuis un an après un nième vol de cuivre. Pouvoirs publics et opérateurs inaugurent un audacieux dispositif de pigeons voyageurs porteurs de clés USB récapitulant l’actualité des derniers mois. Amédée Le Houérou, de Plounérin, comprend enfin pourquoi son voisin argentin lui rit au nez tous les matins.

Novembre

Loto. Les escaliers de Brélévenez à Lannion ont été choisis par la Mission Bern ! Le loto du patrimoine rapporte 200 000 €, bien utiles pour aplanir ces foutues 142 marches et y installer un funiculaire. Modernité, quand tu nous tiens !

Collusion. Alors que s’ouvre la campagne des Restos du cœur, l’aéroport de Lannion voit atterrir son 100e jet privé. Deux événements sans aucun rapport, mais qui font bien rire les riches.

Décembre

Bain. Les plages de Beg Léguer et de Trestraou noires de monde pour le dernier bain de l’année. Il faut dire que, grâce au réchauffement climatique, l’eau pointe à un bon petit 22°. À part chez les vendeurs de combis, y a de la joie !

Aberration. Suite à cette dernière brève, un abondant courrier des lecteurs arrive à la rédaction du Trégor. Celui de Nikolas Grandic résume bien le sentiment général : « Depuis la brusque montée des eaux, chacun sait que les plages de Beg Léguer et de Trestraou ont disparu du paysage. Votre rétro du futur n’a aucune crédibilité scientifique. Cela m’étonne qu’un journal aussi sérieux que le vôtre publie de telles inepties. » Bon, ben, bonne année 2024 quand même.

Philip Cadik (avec les dessins de Clam)

Clam
A Lannion, ça rame pour les soucoupes flottantes destinées au Qatar. ©Clam

dimanche 22 janvier 2023

22 JANVIER 1963

 Le 22 janvier 1963, les deux pays signaient un traité de coopération scellant leur réconciliation. Cette relation privilégiée reste d’autant plus centrale en Europe que le continent doit composer avec le Brexit et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, estiment les chercheurs William Leday et Felicitas Holzer.

par Felicitas Holzer, Enseignante-chercheure en philosophie politique à l'université de Zurich et William Leday, Enseignant en relations internationales à Sciences-Po Aix-en-Provence
publié le 21 janvier 2023 à 16h52
 

Europe  Soixante ans du traité de l’Elysée : où en est le couple franco-allemand ?

Le 22 janvier 1963, les deux pays signaient un traité de coopération scellant leur réconciliation. Cette relation privilégiée reste d’autant plus centrale en Europe que le continent doit composer avec le Brexit et l’invasion de l’Ukraine. Lire plus

Tribunes



Pensé politiquement dès 1958, porté sur les fonts baptismaux avec la signature du traité de l’Elysée en 1963 par le président De Gaulle et le chancelier Adenauer, le couple franco-allemand – qualifié plus sobrement de tandem ou de partenariat en Allemagne –, n’a jamais été aussi effacé au sein d’un édifice européen confronté à plusieurs crises. Alors que la perception positive entre les deux peuples reflète plutôt une relation apaisée qu’une supposée indifférence (les enquêtes d’opinion de part et d’autre du Rhin montrent des opinions positives oscillant autour de 85 %-90 %), les divergences politiques n’ont jamais été aussi nombreuses. En témoigne, l’annulation du Conseil des ministres franco-allemand le 26 octobre censé scander politiquement la relation entre nos deux pays. Alors qu’elle célèbre ses noces de diamant, cette relation franco-allemande peut se réinventer pour relever les défis qui s’imposent à l’Europe.

Issu d’un processus de réconciliation considéré et célébré comme un modèle, le couple franco-allemand a en grande partie façonné l’édifice européen. Les grandes avancées européennes n’ont été possibles que lorsque ces deux grands pays s’accordaient de façon proactive et que les deux chefs d’Etat portaient ensemble une volonté politique, prouvant au passage que la relation franco-allemande est aussi une affaire d’incarnation comme l’ont illustré François Mitterrand et Helmut Kohl. Depuis lors, une forme de froideur semble s’être installée entre les dirigeants des deux pays, exception faite des moments de crise qui provoquent une réaction concertée telle l’opposition de Paris et de Berlin face à l’intervention des Etats-Unis en Irak en 2003 ou à l’occasion de la crise financière de 2008 qui menaçait l’Euro.

Des divergences depuis les années 90

La réunification express de l’Allemagne en 1990 – les réticences de François Mitterrand et de Margaret Thatcher faisant écho à l’empressement de Helmut Kohl – puis le choix d’une politique de désinflation compétitive par la coalition emmenée par le SPD de Gerhard Schröder, a achevé de découpler les deux pays et mis fin aux termes tacites du contrat les liant. En effet en 1963, la France et l’Allemagne assumaient des ambitions différentes : à Paris, la grande politique, notamment en Europe, supposée porter un universalisme que le général De Gaulle et ses successeurs entendaient perpétuer ; à Berlin, le rôle de locomotive économique au sein d’un marché commun dans lequel elle a su redéployer son génie industriel. Depuis les années 90, les divergences entre les deux pays se sont multipliées, et Berlin a pris l’ascendant économique et entend désormais abandonner sa pusillanimité sur le plan international. Il est loin le temps où comme l’écrivait Zbigniew Brzezinski «à travers la construction européenne, la France vise la réincarnation, l’Allemagne la rédemption».

Dans ce chaos mondial provoqué par le délitement de l’ordre international, l’affaissement des sociétés démocratiques, le dérèglement climatique, la France et l’Allemagne voient leurs modèles respectifs remis en cause. L’influence de la France à l’international est battue en brèche comme l’illustre son retrait progressif de l’espace saharo-sahélien. Si elle pèse encore par les leviers classiques de la puissance tels que son siège de membre permanent du Conseil de sécurité ou la dissuasion nucléaire, son influence tend de plus en plus à correspondre à son véritable poids économique.

Ce reflux de l’influence française, à l’œuvre depuis plusieurs années déjà, coïncide désormais avec l’ébranlement du modèle et de la stratégie de l’Allemagne par la guerre russo-ukrainienne. L’appariement énergétique avec Moscou signe l’échec de la stratégie engagée par Gerhard Schröder et Angela Merkel (tant sur le plan économique que diplomatique), et les décisions prises sans concertation par le chancelier Olaf Scholz d’un réarmement massif de la Bundeswehr (100 milliards d’euros) ou son déplacement officiel en Chine creusent un peu plus le fossé entre Paris et Berlin en matière d’orientation stratégique.

Entre les péril extérieur et différends internes

Le conflit ukrainien et ses conséquences, l’«Inflation Reduction Act» des Etats-Unis ainsi que le Brexit favorisent une centralité nouvelle du couple franco-allemand. En effet, ces menaces externes et le départ du Royaume-Uni sont pour les Allemands et les Français une opportunité de tracer ensemble une nouvelle perspective pour eux-mêmes et pour l’Union européenne. Les sujets ne manquent pas, que ce soit les questions énergétiques (en dépit des divergences) ou l’urgence de penser un modèle agricole respectueux du vivant et de l’environnement… De même, sur le plan international, la masse critique et complémentaire d’un point de vue géopolitique des deux pays devrait inciter Berlin et Paris à croiser et accorder leurs regards et leurs influences. Cela suppose au préalable une analyse partagée des risques, des menaces et des moyens d’action sur un spectre allant du soft (la culture) au hard power (la dissuasion nucléaire).

Au-delà, et comme le proposait Joschka Fischer en 2000, dans la mesure où une convention telle que celle de 2004 semble inenvisageable, le couple franco-allemand peut constituer le noyau de cette avant-garde d’Etats volontaires visant un approfondissement du projet européen autour de ses valeurs. Cela suppose, sous la contrainte du péril extérieur, de dépasser les différends internes au couple et ainsi retrouver un rôle moteur au profil de l’ensemble européen, reste à trouver la volonté politique des deux côtés du Rhin.





samedi 21 janvier 2023

 

"Le style c’est l’homme", écrivait Buffon, Annie Ernaux l’a pris au pied de la lettre (Th. Martin)

par Thierry Martin. 7 octobre 2022

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Le Monde, L’Obs, 20 Minutes, le Huffington Post, Télérama, l’agence Tass, heu pardon ! France Presse, bref tous les médias de l’Etablissement ont exhumé un papier de leurs pages froides - il ne faut pas être pris de court, et la nobélisée Annie Ernaux, qui ressemble de plus en plus à Michel Houellebecq, a déjà 82 ans. Macron et Mélenchon se sont bien sûr précipités pour la féliciter.

Elle est loin l’année 1964, quand Sartre refusait le prix Nobel de littérature, devenant le seul écrivain à avoir décliné la distinction. Le jour même de sa décision, il l’expliquait dans les colonnes du Figaro : le prix Nobel l’aurait changé en « institution », ce qui n’était pas en accord avec sa vision personnelle de l’écrivain. Aujourd’hui, la gauche n’a plus ce genre d’état d’âme, et Madame Ernaux un sujet du bac definitely du côté du manche.

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Annie Ernaux "casse les codes de l’écriture « féminine »". Il faut casser les codes. Elle « est connue, écrit LSD : Liberté, Sororité, Diversité, pour avoir été la première femme à écrire dans un style que l’on pensait “masculin”, c’est à dire sans fioritures, sans émotions personnelles. Bref loin de ce style qui « ne peut être que d’amour » pour les femmes. » Lisant « Le style c’est l’homme » [1], l’écrivaine a pris la phrase du naturaliste Buffon au pied de la lettre, oubliant qu’en français l’homme veut dire aussi la femme.

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C’est vrai que les Hussards, mouvement littéraire français des années 1950 et 1960, qui portaient en étendard l’amour du style et l’impertinence, n’étaient que des hommes. Blondin, Nimier, Déon...

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Dès l’incipit du Traité du style que le jeune Aragon avait publié en 1926, ne pouvait-on pas lire (avec cette faute qu’on comprend volontaire) : « Faire en français signifie chier. Exemple : Ne forçons pas notre talent : Nous ne FAIRONS rien avec grâce. La carte postale représentait un petit garçon sur le pot. Sujet de plaisanteries inépuisables, cependant une moitié de la population dépérit pour ce que tant de bons mots sont au rencart depuis que la chaise percée passa de mode » ?

Annie Duchesne naît au même moment que la chanson "En mille-neuf-cent-quarante, j’ai renversé le pot de chambre".

La sociologie bourdieusienne de la domination - qui a ravagé l’esprit français - lui a permis, dit-elle, dans les années 1970, d’identifier le « mal-être social » qui la ronge dès son entrée dans une école privée dans les années 1950. Elle vit jusqu’à ses 18 ans dans le café-épicerie « sale, crado, moche, dégueulbif » de ses parents à Yvetot en Haute-Normandie, oubliant que ce café-épicerie « sale, crado, moche, dégueulbif » permet à ses parents de lui payer une école privée.

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L’héroïne des Armoires vides décrit les deux mondes dans lesquels l’adolescente évolue : « l’ignorance, la crasse, la vulgarité des clients ivrognes, les petites habitudes minables de ses épiciers de parents » - oubliant encore que c’est ceux-là même qui lui paient son école - et « la facilité, la légèreté des filles de l’école libre ».

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En 1984, La Place lui vaut d’emblée le prix Renaudot. « On parle à son sujet d’écriture minimaliste, qui vise un certain « degrés zéro » de l’esthétique pour dépasser ce que la littérature ne parvient pas à capter : la réalité la plus banale. Cette écriture plate, pour reprendre un terme de l’auteur, vise à capter la vie avec la neutralité d’un objectif. On est donc loin de l’écriture fleurie - soit disant [sic] féminine », écrivent les sisters LSD « défoncé.e.s à la liberté » qui farcissent leur écriture inclusive de fautes involontaires. « Le "je" ici est neutre, un pur capteur, différent du je autobiographique habituel gorgé d’émotion. Il est un support pour saisir le réel : rien d’autre. C’est pourquoi l’expérience personnelle se transforme dans ses romans en une expérience collective et du même coup en expérience dé-genrée. »

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Annie, celle qui vient de publier Le Jeune homme dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard - un récit de 37 pages pour quand même 8 euros - l’a dit à plusieurs reprises dans ses interviews, « Si elle devait choisir sa mort, ce serait pendant des ébats ardents avec un amant... même si elle reconnaît que ce serait un peu "éprouvant" pour l’amant », s’émoustillent les sisters du Salon des Dames, qui se présentent comme une ONG qui repense la place des femmes dans la société et réintègre les femmes dans les manuels scolaires de l’Education nationale. Tout un programme. Voilà qui plaira à notre ministre wokiste de l’Education nationale.

Pierre Jourde écrivait dans son blog de L’Obs le 24 août 2021 : « Vous vous souvenez certainement de cette tribune qui, à l’initiative d’Annie Ernaux, a permis de débusquer de son trou le nazi Richard Millet (alias M le maudit). Ce fut un lynchage organisé. L’abject individu en a d’ailleurs perdu son emploi. […] J’aime bien les comités d’épuration, ils aident à rendre la justice. La même Ernaux a d’ailleurs appelé depuis au boycott d’Israël ». A l’époque, Marc Cohen avait écrit dans Causeur, le 21 septembre 2012 : « Affaire Millet : Patrick Besson scalpe Annie Ernaux », alors qu’Annie Ernaux vient d’écrire dans Le Monde "Le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature". »

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« La lettre-pétition d’Annie Ernaux contre Richard Millet dans Le Monde du mardi 11 septembre 2012 a paru accompagnée de 109 noms de personnes que le journal, par une sorte de prudence atavique gagnée au fil des années, se garde bien de qualifier d’écrivains, écrit Patrick Besson dans Le Point. Surprise : Didier Daeninckx absent de cette liste exhaustive de dénonciateurs qui restera dans l’histoire des lettres françaises comme la liste Ernaux. Je ne vois qu’une explication : Didier est décédé. Je présente toutes mes condoléances à sa veuve. » 

"Qui fait l’ange fait la bête", écrivait Blaise Pascal, voilà où mène la bien-pensance, et l’écrivain progressiste Annie Ernaux au prix Nobel de littérature.

Thierry Martin

[1Discours de Buffon lors de sa réception à l’Académie française, 25 août 1753 (note du CLR).

Mis en ligne : 7 octobre 2022

 

Gérald Bronner, une transclasse contre le "la douleur" par Annie Ernaux



Enfants d’ouvriers ou de femmes de ménage, ils sont devenus des écrivains, des intellectuels ou des hommes politiques de premier plan. La France se distingue par ses inégalités scolaires, mais les « transfuges de classe », ou « transclasses », sont en vogue dans l’édition. Avec Et tes parents, ils font quoi ?, Adrien Naselli, fils d’une secrétaire et d’un chauffeur de bus, a interrogé des nomades sociaux (Rokhaya Diallo, Aurélie Filippetti…). Dans Restez chez vous…! Sébastien Le Fol a également rencontré des personnalités confrontées au mépris de classe, de Michel Onfray à François Pinault. L’an dernier, le prix Nobel de littérature récompensait Annie Ernaux, véritable sainte des « transclasses ». Comme si passer de parents de petits commerçants normands à l’enseignement du français équivalait à un chemin de croix…

Dans Les Origines, Gérald Bronner revient à son tour sur ses origines modestes. Mais, loin d’un coming out misérable, son récit, qui mêle expérience personnelle et réflexions sociologiques, interroge la douleur qui accompagne souvent les livres de ces transclasses. Pourquoi l’ascension sociale doit-elle inévitablement être douloureuse ? Le sociologue a grandi dans une banlieue HLM de Nancy qui serait aujourd’hui qualifiée de « sensible ». Pendant longtemps, il s’est cru issu d’un milieu aisé. Jusqu’à ce que les vêtements portés par ses camarades, leurs destinations de vacances ou les professions de leurs parents lui ouvrent les yeux : « A un moment, j’ai compris : ma famille et moi, nous étions pauvres. » Qui connaît un peu l’université peut certifier qu’il n’y a là aucune coquetterie consistant à surjouer les origines populaires. Caricature de ce snobisme inversé, la chanteuse autrefois connue sous le nom de Christine and the Queens avait invoqué « un souvenir de muscles ouvriers », lorsque ses parents étaient enseignants dans le secondaire et le supérieur…

promesse de l’aube

Premier de sa famille (« toutes lignées confondues ») à décrocher le bac, Gérald Bronner est aujourd’hui comblé d’honneurs : professeur à la Sorbonne, essayiste à succès, président d’une commission contre les fake news à la demande d’Emmanuel Macron, à laquelle on peut ajouter une rubrique bimensuelle dans L’Express. Chez lui, jure-t-il, il n’y a pas de honte, contrairement à d’autres transclasses imprégnées de sociologie. De Pierre Bourdieu à Annie Ernaux en passant par Didier Eribon, beaucoup ont raconté leur embarras de ne pas avoir eu les codes des classes dominantes dans leur façon de s’habiller, de parler ou de manger, mais aussi leur culpabilité d’avoir trahi leur milieu social d’origine.

« Autant dire que ce n’est pas la honte qui me semble – même au départ – caractériser mon parcours et celui de beaucoup de mes amis d’enfance que j’ai gardés et qui, pour certains, sont devenus, eux aussi, des transclasses, assure Gérald Bronner. Ce n’est pas que le sentiment de honte soit absent de nos vies. Certes, il arrive parfois que nous n’ayons pas les codes d’un dîner ou d’une pratique culturelle (quand faut-il exactement applaudir à l’opéra ?), mais non plus. ni moins que tout autre individu qui traverse un univers culturel qui n’est pas le sien. Bien sûr, j’ai parfois ressenti une certaine gêne comme le Camus du Premier Homme, roman autobiographique inachevé, qui se rend compte que le travail de sa mère est domestique, quand J’ai dû remplir, comme lui, la rubrique ‘profession des parents’ dans mon parcours scolaire, surtout au lycée je devais mentionner ‘femme de ménage’ quand d’autres écrivaient sans même y penser ‘médecin’ ou ‘ingénieur’. encore une fois, quand l’âge de l’amour est venu, mon out-of-f Les vêtements de mode m’ont un peu rendu un mauvais service, et tout ce que quelqu’un veut dire ou écrire à ce sujet est un peu vrai. Mais seulement un peu, je pense. C’est l’histoire de la douleur qui transforme ce « peu » en « beaucoup ». Il transforme de minuscules embarras en amertume incontrôlable. »

Pour le sociologue, l’attractivité de l’habitus bourgeois est souvent surestimée. Il rencontra des ministres et des présidents de la République, et ne put s’empêcher de penser que, jeune, dans une cour de récréation, lui et ses camarades auraient sans doute maltraité ces rejetons de bonnes familles, considérés comme des dominateurs. « Souvent, quand on rencontre des bourgeois, grands ou petits, on ne peut pas toujours les voir autrement que comme des êtres faibles. C’est exagéré d’imaginer qu’on a profondément envie de leur ressembler », ironise-t-il. Si les riches méprisent les goûts des pauvres, l’inverse peut aussi être vrai.

Gérald Bronner concède avoir grandi à une époque, les années 1970 et 1980, où la richesse matérielle des autres était moins visible. Les réseaux sociaux, sur lesquels les influenceurs affichent leur lifestyle clinquant, multiplient désormais les passions égalitaires. Mais, dit-il, venir d’un milieu modeste peut aussi avoir ses avantages et ses récompenses. Le baccalauréat, pour un fils de médecin, est un non-événement. Pour un fils d’ouvrier, c’est une fierté, une promesse naissante qui peut vous convaincre d’un destin. Comme le racontait notre confrère Emilie Lanez dans Même les politiciens ont un père, Pierre Moscovici, alors qu’il venait de sortir sixième de l’ENA, n’avait droit qu’aux railleries de son père Serge, mandarin universitaire : « Sixième dans ton école de plomberie ? a travaillé. » En décrochant son bac, Gérald Bronner a été fêté par une maman aux anges.

L’exemple des enfants d’Asie du Sud-Est

Bien sûr, il y a le manque de capital culturel, l’autocensure consistant à ne pas viser trop haut en termes d’études, ou l’injonction de rester à sa place sociale. Les Grandes Ecoles accueillent majoritairement les enfants des classes aisées (64 % des effectifs), alors que les enfants des classes inférieures ne représentent que 9 % des élèves. La France est l’un des pays de l’OCDE les plus sujets aux inégalités intergénérationnelles, un scandale qui alimente la critique de la méritocratie. Mais, pour Gérald Bronner, il faut sortir du piège du déterminisme sociologique et du fatalisme social, propices aux prophéties auto-réalisatrices. Tout n’est pas régi par des variables économiques ou sociales, le récit de soi compte également. La chercheuse cite des enfants d’Asie du Sud-Est : « Dans leur milieu social, on professe – plus qu’ailleurs – qu’à l’école l’excellence est possible, mais qu’on ne l’atteint pas sans effort. Leur réussite doit beaucoup, semble-t-il, au mérite méritocratique. convictions de leurs éducateurs, pour qui les portes de l’école sont celles de l’ascenseur social. Bref, ils ont des chances de réussite que n’ont pas ceux qui commencent la vie convaincus que pour eux la partie est finie, puisque tout dans le « système » conspire pour qu’il en soit ainsi. Ces enfants asiatiques partent avec les mêmes désavantages sociaux que les autres enfants d’immigrés, mais ils ont une histoire de réussite et d’eux-mêmes très différente. »

La majorité des histoires de transclasses cachent aussi la génétique, cette loterie qui permet de rebattre (un peu) les cartes sociales. La « réussite » scolaire est multifactorielle. Elle a des origines socio-économiques, mais se joue aussi en partie dans l’ADN. Comme l’explique le grand généticien Robert Plomin, les recherches sur les jumeaux montrent qu’environ 50% de nos capacités intellectuelles sont liées à notre héritage biologique. Inné et acquis se mêlent. Pour le sociologue, ceux qui veulent tout expliquer par le social sont aussi fautifs que ceux qui avaient à tort promu le déterminisme biologique.

Par ailleurs, la psychanalyse, la sociologie ou la génétique se focalisent sur les parents, mais négligent le rôle des « pairs », c’est-à-dire les amis et les personnes que nous fréquentons. Un jeune commencera à moins fumer sous l’influence de ses parents que de ses amis, qu’il voudra imiter. Les regards, la musique, les orientations scolaires sont stimulés par les interactions que nous avons alors que nous sommes encore en pleine formation. Quiconque a fréquenté des établissements populaires sait que la réussite scolaire doit souvent y être dissimulée plutôt que revendiquée, contrairement aux écoles plus élitistes.

Pourquoi devenons-nous ce que nous sommes ? La question vertigineuse mérite mieux qu’une vision simpliste et manichéenne. C’est la force de cet ouvrage aussi stimulant qu’émouvant, invitant à puiser dans plusieurs disciplines scientifiques. « Essayer de rester ouvert à la complexité du monde est le plus bel hommage que je puisse rendre à l’héritage de mes origines », conclut Gérald Bronner, qui considère que son milieu social lui a laissé un bien plus grand souci de dignité. juste un sentiment de honte. Mais le sociologue, d’obédience boudonienne, rejoint les Bourdieusiens sur un point : la France a besoin de plus de mixité sociale, pour que chacun puisse devenir ce qu’il veut. Nos origines ne doivent pas être des destinations.

« Les Origines », de Gérald Bronner. Sinon, 186 p., 19 €. Sortie le 25 janvier.

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