dimanche 9 juillet 2023

ÉTAPE DU 9 JUILLET

 





















Depuis le début de ce Tour de France à Bilbao et avant la première journée de repos ce lundi à Clermont-Ferrand, on a l’impression d’être coincé dans une cour de récré où, jour après jour, les étapes au sommet se ressemblent. Les deux mêmes gamins, Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, rejouent leur partition préférée du «à toi, à moi». Ils occupent toute l’attention au classement général et ne laissent que des miettes aux autres dès que la route s’élève. Sur la photo de classe, Hindley, Rodriguez, les jumeaux Yates, tout le monde a les yeux rouges, sauf eux, au premier rang, l’un souriant, l’autre plus renfrogné.

Dimanche, dans une étape qui s’annonçait volcanique jusqu’au sommet du Puy-de-Dôme, et dont ne se sont échappées que quelques fumées, il y a eu trois courses. A l’avant, une échappée de quatorze courageux a vite pris une importante avance sous le cagnard auvergnat. Après quelques peignées de bon aloi entre les différents protagonistes, ­devant une bande de Schtroumpfs à moitié déculottés, une pancarte «Même les gros aiment le vélo», une autre «Retraite à 33 ans, Pinot président», et un nombre incalculable d’Astérix et Obélix (un peu d’imagination s’il vous plaît !), la victoire semblait promise à Matteo Jorgenson. Mais dans les derniers 600 mètres, dans un silence impressionnant, sans aucun spectateur, tandis que la route ne voulait pas faiblir, l’Américain de la Movistar s’est fait dévorer par Michael Woods, d’Israel-Premier Tech. Lâché plus tôt dans la plaine, le Canadien de 36 ans est revenu à l’expérience, avalant un à un ses adversaires, gardant leurs dossards en trophées comme un vieux trappeur empilant sur son épaule ses fourrures en sortant du bois. Il signe sa première victoire sur le Tour.

Tripous jusqu’à la lie

A l’arrière, malgré les encouragements de tout un peuple arverne présent en nombre pour ce spectacle gratuit, les cadors ont longtemps hésité. Sur la route, le Puy-de-Dôme se voit de loin. Son pylône TDF titille le regard et rappelle à quel point cela va être dur. Le peloton est arrivé le frein sur la pédale. Ce n’est qu’à 2 kilomètres de l’arrivée que Tadej Pogacar décida de placer une première flèche, immédiatement suivi par Jonas Vingegaard. Pour les rares survivants encore là, ce fut le tripous jusqu’à la lie. Les Français ayant un vague espoir de bien figurer étaient déjà loin derrière et la suite de la compétition s’annonce un calvaire sans cesse renouvelé pour Gaudu, Bardet, Pinot, Martin.

On ne sait pas si Pogacar et Vingegaard avaient eu le mémo de l’affrontement épique entre Anquetil et Poulidor, en 1964, lorsqu’ils se retrouvèrent épaule contre épaule. Une semaine pourtant qu’on nous nourrissait avec comme des petits canards avant les fêtes de Noël. Le summum fut dimanche matin à Saint-Léonard-de-Noblat, village départ et le bourg de «Poupou». Fleurissement de la tombe du grand homme, vélo de papi offert à son petit-fils Mathieu Van der Poel, fanfares multiples, ce fut la totale, dans une bourgade enluminée de photos, de maillots et de cycles de la gloire disparue, sur les murs de l’hôtel fermé, aux vitrines des magasins, sous les préaux des églises, probablement dans les poches des vieilles dames. Passé un temps, on a cligné des yeux et vu tout violet : un coup de chaud probablement ou alors l’abus de pruneaux confits, la spécialité locale. En tout cas, le Slovène et le Danois n’ont pas complètement rejoué le duel de leurs illustres prédécesseurs. Parti trop tard, le coursier de l’UAE n’a réussi à prendre que huit secondes à son ennemi de la Jumbo-Visma. Et s’il mène désormais 2 à 1 dans leur confrontation, s’il semble être dans une dynamique favorable, il n’a pas réussi à lui reprendre le maillot jaune.

Combat fascinant

Cette journée de dimanche ne restera donc pas dans les mémoires, ce qui n’est pas dit de cette première semaine. Outre les trois victoires du bolide Jasper Philipsen et le triste abandon de Mark Cavendish, qui ne battra pas le record d’Eddy Merckx, l’ours jaune et noir et le loup blanc ont mis en place les bases de ce qui pourrait devenir l’un des plus beaux duels depuis longtemps.

Avec dix-sept secondes entre eux, peut-être cela se jouera-t-il à coups de secondes jusqu’aux Champs. Leur niveau à peu près égal, à des années-lumière des autres, tout comme leurs personnalités absolument opposée rend ce combat fascinant (à défaut d’être forcément cré­dible). Entre l’un, le Slovène, petit prince à qui tout a toujours souri, personnalité taquine et solaire et le second, le Danois, aussi froid qu’un hiver nordique, incapable de se dérider, climatisant une salle par sa simple présence, le public et les suiveurs ont choisi leur camp. A chaque attaque du premier, un frisson de joie parcourt les ­travées. Il y a pourtant dans l’impossibilité d’être au monde de Jonas Vingegaard quelque chose de touchant. Une forme de malaise, une difficulté sociale, qu’il serait trop facile de prendre pour de l’arrogance. Il sait qu’il n’arrivera pas à faire changer le regard sur lui. Ce n’est pas grave, il en a pris son parti.


12 JUILLET 1964

 


Anquetil contre Poulidor: découvrez Duel sur le volcan, la nouvelle inédite de Christian Laborde

Tout à coup, le dimanche 12 juillet 1964, sur la route du Tour, devant les yeux de Jacques et la casquette de Raymond, 400 millions de mètres cubes de ­domite : le volcan. Jacques, c'est Anquetil, patronyme viking. As-ketill : chaudron des dieux.

Blonde la mèche de ce fils d'Odin dont le vélo se mue en drakkar, et tout est fin et tout est flots. Poulidor ! Y a poule dans Poulidor, la poule de la basse-cour et celle des chansons popu, Viens Poupoule. Y a poulie dans Poulidor, la poulie, la margelle du puits, le cri rouillé de la poulie au-dessus de la margelle du puits. Tout ça, c'est de l'or, c'est l'or de Poulidor.

Les voici au pied du puy de Dôme, la barrière est levée : que le duel ­commence ! Jacques est en jaune, Raymond en violet. Jacques n'a que 56 secondes d'avance au classement général sur Raymond. Jacques cherche des yeux le sommet où trônait ­jadis le temple de Minerve. Il ne voit pas le sommet, seulement la route qui s'enroule autour du volcan comme un boa autour du cou de Zizi Jeanmaire. La route est saturée de ­lumière. Les pare-brise, les chromes, les laques des caisses alignées le long de la pente lancent des éclats de feu. Ils sont venus, ils sont tous là, avec leurs chapeaux de fortune et leurs gosiers. Ces milliers de gargoines ­venus d'Aigueperse, de Billom, de Chas, de Saint-Jacques-d'Ambur, des 464 communes du Puy-de-Dôme, hurlent un seul et même nom : celui de Raymond. Jacques ­escaladera les 14 bornes sans ­jamais entendre le moindre « Vas-y ­Anquetil ».

Sur la pente coriace, deux grimpeurs espagnols encadrent Jacques et ­Raymond, imposent un tempo d'enfer : Federico Bahamontes, l'Aigle de Tolède, et Julio Jiménez, enfant d'Avila, comme Thérèse. Thérèse se soucie de l'éternité, et Julio, des écarts dans les cols.

Julio attaque. Sèchement. 

Anquetil qui, selon le mot de son directeur sportif, Raphaël Geminiani, est « une machine IBM, un réacteur et un alambic » ne bouge pas. La machine IBM a déjà tout analysé. Pourquoi aller chercher un coureur dont le ­retard avoisine les 11 minutes au classement général ? Surtout, ­répondre au démarrage d'un pur grimpeur, c'est risquer l'asphyxie, la défaillance. À qui profiterait-elle, cette défaillance ? À Poulidor ! Que Jiménez s'en aille ! Qu'il remporte l'étape, et la minute de bonification allouée au vainqueur échappera à Poulidor ! Donc ne pas bouger, ne surveiller que Poulidor. À lui d'attaquer, d'effacer les 56 secondes qui le séparent du Maillot jaune.

Le démarrage de Raymond que tant Jacques redoute, tout le monde l'attend : les gens agglutinés le long de la route sous le soleil brutal, et ceux qui, dans l'ombre des cuisines où s'étire la toile cirée, écoutent à la radio la retransmission du duel ­volcanique.

Une nouvelle attaque, tout à coup ! Elle n'est pas de Raymond, mais de Federico. Prends la roue de Fédé, Raymond, et fais enfin sauter la ­machine IBM, le réacteur et l'alambic ! Raymond ne bronche pas, ­Federico s'en va.

Ils montent, soudés l'un à l'autre, comme si le vent était un joug

Christian Laborde

Jacques et Raymond sont seuls ­désormais à 4 bornes du sommet. Jacques tête nue, Raymond coiffé de sa casquette Mercier. 

Jacques monte côté ravin, Raymond côte rocher. 

Côté ravin, le drakkar des Vikings, familier des tempêtes. 

Côté rocher, la charrue ailée qui se joue des chaussées.

 Le guidon de Jacques frôle le guidon de Raymond. L'épaule de Raymond effleure l'épaule de Jacques. Ils montent, soudés l'un à l'autre, comme si le vent était un joug.

À 900 mètres du sommet, le drakkar prend l'eau et Jacques, écopant, ­regarde la charrue ailée s'en aller.

Raymond a lâché Jacques. Raymond franchit la ligne d'arrivée, ovationné par tous les gosiers, acclamé par tous les transistors. On attend Jacques : le voici. Geminiani fonce sur lui : ­ « Jacques, tu sauves le maillot pour 14 secondes ! » C'est 13 de trop, ­répond le blond guerrier, avant de visser à ses lèvres le goulot d'un Perrier.

Le mercredi 18 novembre 1987, rongé par un cancer, quelques instants avant de mourir, rassemblant ses dernières forces, Jacques téléphone à Raymond : « Raymond, je monte un puy de Dôme tous les jours… Raymond, je pars : désolé, cette fois encore tu seras second. »

*Dernier livre paru : J'ai recousu la robe de la nuit avec du fil de pêche sur le parking d'Auchan, poème (Éditions du Petit Véhicule).



montent, soudés l'un à l'autre, comme si le vent était un joug.

À 900 mètres du sommet, le drakkar prend l'eau et Jacques, écopant, ­regarde la charrue ailée s'en aller.

Raymond a lâché Jacques. Raymond franchit la ligne d'arrivée, ovationné par tous les gosiers, acclamé par tous les transistors. On attend Jacques : le voici. Geminiani fonce sur lui : ­ « Jacques, tu sauves le maillot pour 14 secondes ! » C'est 13 de trop, ­répond le blond guerrier, avant de visser à ses lèvres le goulot d'un Perrier.

Le mercredi 18 novembre 1987, rongé par un cancer, quelques instants avant de mourir, rassemblant ses dernières forces, Jacques téléphone à Raymond : « Raymond, je monte un puy de Dôme tous les jours… Raymond, je pars : désolé, cette fois encore tu seras second. »

*Dernier livre paru : J'ai recousu la robe de la nuit avec du fil de pêche sur le parking d'Auchan, poème (Éditions du Petit Véhicule).


PUY-DE-DÔME

 




La nouvelle. 

Ce dimanche après-midi, les coureurs du Tour de France graviront les pentes ardues du Puy-de-Dôme. 14 kilomètres à avaler sans doute sous un soleil de plomb pour rejoindre le sommet du volcan où trônait jadis le temple de Minerve. Tout le monde espère assister à cette occasion à un duel homérique entre Pogacar et Vingegaard (ou Bardet et David Gaudu quand on est chauvin). Il fallait la plume habitée, lyrique et légère comme un grimpeur espagnol de Christian Laborde pour raviver nos mémoires sur le combat qui, au même endroit, avait opposé Raymond Poulidor et Jacques Anquetil en 1964.

 Dans «Duel sur le volcan», tout est vrai, mais tout est romanesque. Parfois, on espère que l’Histoire se répète...

LECTURES D'ÉTÉ

 un livre de poche à lire ou relire durant les vacances. Oui, mais lequel ? 


Le Figaro Magazine vous en suggère quelques-uns, que vous aimiez le frisson (Les Larmes du Reich, de François Médéline, chez 10/18, roman historique tout juste auréolé du Prix Polar + dont Le Fig Mag est partenaire), l’aventure (Écrits intimes, d’Isabelle Eberhardt), le Grand Ouest (La Prisonnière du désert, d’Alan Le May), les affaires d’espionnage (La peste sur vos deux familles, de Robert Littell), Céline (La Vie de Céline, de Frédéric Vitoux), Billy Wilder (Mr Wilder et moi, de Jonathan Coe), le reportage de guerre (Sans loi ni maître, d’Arturo Perez-Reverte), Napoléon (15 août 1811. L’apogée de l’Empire ?, de Charles-Eloi Vial) ou la Russie éternelle et souffrante (Les Enfants de la Volga, de Gouzel Iakhina).

les hommes du commando Kieffer, des héros français

 

Débarquement en Normandie : les hommes du commando Kieffer, des héros français


 Durée de la vidéo : 3 min.
Débarquement en Normandie : les hommes du commando Kieffer, des héros français
Article rédigé parFrance 2 - F. Mathieux, P.-Y. Salique, M. Cazaux, S. Guibout, France 3 Caen, G. Liaboeuf
France Télévisions
Lors du débarquement du 6 juin 1944, le commando Kieffer, seul groupe formé par quelques Français, ouvre la voie aux soldats alliés. Des noms restés dans l'ombre pendant un temps, dont Léon Gautier était le dernier représentant.

Ils avaient tous la vingtaine, le regard déterminé. 177 hommes prêts à prendre tous les risques pour chasser l’occupant nazi. Des visages, des noms d'hommes, aujourd'hui tous disparus. Philippe Kieffer, Guy Hattu, Léon Gautier. Le 6 juin 1944, à l’aube, ce sont les seuls Français qui débarquent en Normandie, sur la plage de Colleville-Montgomery. Ils entrent dans l’Histoire à jamais. Le commando Kieffer a quitté l'Angleterre le 5 juin, entassé sur deux barges. Jusqu'au dernier moment, les fusiliers marins revoient leur plan. La mer est houleuse pour rejoindre les côtes françaises. Les Français vont ouvrir la voie aux 150 000 soldats alliés. Ils doivent neutraliser les fortifications allemandes sur la plage, et prendre le casino de Ouistreham, centre de commandement ennemi.  

Une reconnaissance tardive

Au soir du 6 juin, le bilan est de 10 morts parmi les Français. L'opération est un succès qui n'est pas dû au hasard, elle a été préparée pendant deux ans en Angleterre et en Écosse, au redoutable camp d’entraînement d’AchnacarryLe père de Jean-Pascal Hattu était l'un des membres de ce commando, où il n'y avait aucun militaire de carrière. "Il va y avoir un boucher, un carrossier. Plutôt des gens qui sont d'un niveau social assez aisé", explique-t-il. Son père et tous les membres du commando sont longtemps restés des héros de l’ombre. Ce n'est qu'en 1984, 40 ans après leur débarquement, que François Mitterrand inaugure la flamme qui salue leur courage.

  La honte : pour Macron, les Haïtiens sont « complètement cons » et ont tué « Haïti » Emmanuel Macron affirme que les « Haïtiens sont compl...